CNRS Le Journal n°245 juin 2010
CNRS Le Journal n°245 juin 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°245 de juin 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,7 Mo

  • Dans ce numéro : Rien n'arrête les mathématiques

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 36 - 37  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
36 37
36 © Equinox Graphics/SPL/Cosmos INSITU Entretien COLLOQUE Quelle archéologie pour demain ? Acteur central de l’archéologie française avec plus de 300 chercheurs, le CNRS organise à Paris, du 23 au 25 juin, un grand colloque sur les mutations de la discipline. Décryptage avec Sophie Archambault de Beaune, directrice adjointe scientifique à l’Institut des sciences humaines et sociales (INSHS). Ces dernières décennies, le métier d’archéologue s’est profondément modifié. Toujours plus technique, plus pointu, plus précis… On est loin de l’image du chercheur de trésors du début du XX e siècle. Sophie Archambault de Beaune : L’archéologie cherche et cherchera toujours non pas des trésors, mais à reconstituer le passé de l’homme, à comprendre ses modes de vie, comment il s’est accommodé de son environnement, comment les sociétés ont évolué… Comme le disait André Leroi-Gourhan, médaille d’or du CNRS en 1973 : « L’homme du futur est incompréhensible si l’on n’a pas compris l’homme du passé 1. » Aujourd’hui, cette discipline a évolué et s’est dotée de nouvelles méthodes d’investigation. De nouvelles technologies permettent de répondre à des questions qu’un archéologue de la première moitié du XX e siècle n’aurait jamais espéré résoudre. C’est le cas pour l’étude d’Ötzi. Cet individu retrouvé dans les Alpes italo-suisses et vieux d’environ 5 300 ans a fait l’objet d’analyses poussées qui ont permis de déterminer son âge, les maux dont il souffrait, la composition de son dernier repas… Des profondeurs marines jusqu’à des déserts hostiles, des lieux de plus en plus reculés font désormais l’objet de recherches. Quelles zones reste-t-il encore à explorer ? S. A. B. : Tout d’abord, les terrains qui ne sont accessibles aux archéologues qu’après plusieurs Le journal du CNRS n°245 juin 2010 heures de piste. Par exemple, le cône sud de l’Amérique latine est encore peu exploré. Bordé, côté Pacifique, d’archipels peuplés par des populations nomades se déplaçant en canot, il est très difficile d’accès. Autre problématique, celle des territoires immenses. Ainsi, la Patagonie argentine, grande comme six ou sept fois la France, a fait l’objet de très peu de recherches proportionnellement à son étendue. Il reste également beaucoup à faire dans le domaine sous-marin, à cause du manque d’archéologues formés à cette discipline, mais aussi en raison du très grand nombre d’épaves et de vestiges littoraux immergés. Autant de lieux et de peuples qui méritent d’être étudiés. Précisons toutefois qu’il existe de nombreux sites dans lesquels on préserve une partie des couches afin de les laisser aux générations futures, qui disposeront de moyens techniques insoupçonnés pour les étudier. Abondance de sites, de vestiges, de données… Quels sont les risques pour la discipline ? S. A. B. : La diversité culturelle, aujourd’hui comme hier, est infinie, et il est donc vraisemblable que, malgré l’accroissement de la quantité de vestiges découverts, il y aura toujours des zones d’ombre dans le passé de l’humanité. Le risque majeur est surtout qu’il n’y ait plus assez d’archéologues pour les analyser ! De plus, nous assistons à une explosion du nombre de spécialités. Ce phénomène est nécessaire : la diversification de la Crânes d’un homme de Florès (à gauche) et d’un homme moderne (à droite, image de synthèse). L’histoire des hominidés est un des plus grands chantiers de l’archéologie. De nombreuses fouilles sont effectuées à l’étranger, comme ici sur un îlot rocheux du détroit de Magellan, au Chili, en janvier 2010. recherche et l’élargissement des champs d’intérêt imposent des compétences particulières. Pour ne citer qu’un exemple, l’archéozoologie cherche à reconstituer l’histoire des relations naturelles et culturelles entre l’homme et l’animal. Mais le danger serait d’aboutir à une vision parcellaire de la réalité du passé, car personne n’est en mesure de dominer toutes ces disciplines en même temps. Aussi, les archéologues travaillent-ils davantage en équipe et développent-ils des programmes de recherche pluridisciplinaires. Selon vous, quelles sont les principales lacunes à combler dans les prochaines années ? S. A. B. : Quels que soient l’époque et le lieu étudié, on s’aperçoit que notre connaissance reste fragmentaire en raison soit du manque de vestiges, soit d’intérêt, comme pour l’archéologie médiévale qui a longtemps privilégié l’étude de l’architecture urbaine au détriment du domaine rural. Autre cas : l’occupation de certains territoires est bien établie à certaines époques et très peu à d’autres. On connaît bien les périodes classiques de l’histoire de l’Égypte ou de la Grèce, assez mal leur préhistoire. De même, les vestiges concernant les premiers hominidés sont très parsemés dans le temps, et de grandes séquences chronologiques restent encore inconnues. Dans de nombreuses régions du monde, les données archéologiques commencent seulement à être assez abondantes pour permettre © E. Pellé/UMR7179-MNHN et S. Oboukhoff/Maison R. Ginouvès
de comprendre les relations entre les différents peuples ainsi que leurs déplacements. Une chose est sûre, cela passe par un large recours aux analyses physico-chimiques des matériaux. Le Centre de recherche et de restauration des musées de France 2, par exemple, a analysé la composition de bijoux mérovingiens découverts dans le sous-sol de la basilique de Saint-Denis. Les résultats ont prouvé que les grenats provenaient d’Inde et de Ceylan (Sri Lanka). Les champs d’investigation sont donc encore très nombreux… S. A. B. : En effet, des thèmes peu étudiés ne demandent qu’à être développés. Ainsi, l’étude des rites funéraires est en pleine expansion. Depuis peu, l’archéologie touche aussi au passé très récent, avec la fouille de charniers vieux de quelques années, de ruines industrielles ou d’épaves de navires. Par ailleurs, beaucoup de sujets sont encore débattus : le peuplement de l’Ancien Monde par les premiers hommes modernes, la disparition de l’homme de Neandertal, la ou les dates d’arrivée des hommes sur le continent américain… pour ne citer qu’une infime partie de tous les problèmes du passé qui restent encore à élucider. Quels sont les enjeux majeurs pour les prochaines années, voire les prochaines décennies ? S. A. B. : Il s’agit tout d’abord de rééquilibrer le nombre d’archéologues spécialistes et généralistes : la discipline manque cruellement d’archéologues généralistes, avec une vaste culture historique, capables de faire la synthèse des données. Ensuite, il est essentiel que les fouilles en France ne se limitent pas à des motivations scientifiques dictées par les hasards des aménagements du territoire. Rappelons que, depuis la légitimation de l’archéologie préventive en 2001, les archéologues sont susceptibles d’intervenir avant le début de chantiers pour sauver de la destruction des vestiges contenus dans le soussol 3. Enfin, la présence de nombreux archéologues français à l’étranger joue un rôle diplomatique indéniable. Ce qui est plutôt positif, car l’archéologie apparaît ainsi comme une discipline « utile ». Toutefois, il est impératif de préserver des niches scientifiques qui ne seraient pas forcément rentables ou utiles, mais qui permettent tout simplement de repousser les frontières de la connaissance de notre passé. L’engagement du CNRS dans le domaine de l’archéologie n’en est que plus important. Propos recueillis par Géraldine Véron 1. Les Racines du monde. Entretiens avec Claude-Henri Rocquet, André Leroi-Gourhan, Belfond, 1982. 2. Unité CNRS/Ministère de la Culture et de la Communication. 3. Lire « Sous les chantiers, l’histoire », Le journal du CNRS, n°242,pp. 32-33. ➔ En savoir plus : Les informations sur le colloque L’Archéologie en mouvement : hommes, objets et temporalités sont disponibles sur le site www.cnrs.fr/inshs/recherche/archeo-en-mouvement.htm À noter : le colloque sera retransmis en direct sur le site http:Ilwebcast.in2p3.fr/2010/archeomouv CONTACT ➔ Sophie Archambault de Beaune Institut des sciences humaines et sociales, Paris sophie.de-beaune@cnrs-dir.fr ANNIVERSAIRE Anciens et amis du CNRS : vingt ans de rayonnement Le 2 juin, au siège du CNRS, à Paris, l’ambiance était à la fête. L’Association des anciens et des amis du CNRS y a célébré ses 20 ans, sous l’égide du président du CNRS, Alain Fuchs. L’occasion de rappeler les origines et les activités de l’association. C’est le 23 avril 1990 que François Kourilsky, à la tête du CNRS de 1988 à 1994, et Charles Gabriel, directeur du personnel et véritable mémoire vivante de l’établissement, signent l’acte de naissance de l’Association des anciens et des amis du CNRS, baptisée Rayonnement du CNRS. Ses objectifs ? Maintenir le contact « entre toutes les personnes, chercheurs, ingénieurs, techniciens et administratifs à la retraite ou encore actifs, qui ont mené tout ou partie de leur carrière au CNRS, et de fait contribuer à la Les sites industriels commencent à être étudiés par les archéologues, telle cette soierie construite vers 1860 en Isère. visibilité de la recherche scientifique en France et à l’étranger », explique son président, Edmond Lisle. En deux décennies d’existence, l’association, forte de près de 2000 adhérents, a évolué sur plusieurs fronts. Pêle-mêle, on peut citer sa revue qui, au fil des ans, s’est étoffée pour devenir un outil d’information scientifique auprès d’un très large public français et étranger 1, la création d’un site Internet 2, avec l’amorce d’une version anglophone ou encore l’implantation de réseaux à l’étranger, Chine et Brésil en tête. À quoi s’ajoutent les actions sur le terrain. « Le CNRS a une vraie pertinence pour répondre aux questionnements du grand public sur les nanotechnologies, les cellules souches ou le génie génétique », estime Edmond Lisle. Forts de leurs compétences et © A. Schrambach de leur disponibilité, les bénévoles, issus de tous les domaines de recherche, proposent des conférences publiques ainsi que des visites et des ateliers scolaires, dans le cadre de l’Action pédagogique d’éveil à la science. Leur point fort est d’apporter aux côtés des enseignants leur propre expérience de chercheurs. Reste une grande mission : élargir le rayonnement du CNRS au-delà de nos frontières. Encore faut-il mobiliser les chercheurs étrangers qui, durant ces vingt-cinq dernières années, sont venus en France, puis sont repartis chez eux. Plusieurs centaines d’entre eux ont déjà été contactés via les bureaux du CNRS à l’étranger et, surtout, les voyages que l’association organise. Les résultats les plus encourageants viennent de Chine, où le dynamisme de la INSITU recherche promet de belles collaborations. « Nous avons pu reprendre contact avec une centaine de chercheurs, dont une partie occupent aujourd’hui des postes clés dans leur pays », indique Edmond Lisle. D’ailleurs, certains d’entre eux pourraient prochainement intégrer un programme francochinois lancé avec un laboratoire des sciences de l’environnement. Après vingt ans d’existence, le dynamisme de l’association n’a pas faibli. Patricia Chairopoulos 1. Précisons que l’adhésion à l’association permet de recevoir Le journal du CNRS. 2. www.rayonnementducnrs.com, www.anciens-amis-cnrs.com CONTACT ➔ Claudius Martray Association des anciens et des amis du CNRS, Paris amis-cnrs@cnrs-dir.fr Le journal du CNRS n°245 juin 2010 37



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :