CNRS Le Journal n°245 juin 2010
CNRS Le Journal n°245 juin 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°245 de juin 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,7 Mo

  • Dans ce numéro : Rien n'arrête les mathématiques

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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26 > © CEREMADE L’ENQUÊTE Les maths à l’écoute de la Terre Trois recherches, trois exemples où les mathématiques nous aident à mieux comprendre notre planète. La première est une question de survie pour les populations du Pacifique et de l’océan Indien, régulièrement endeuillées par les tsunamis. Comment les vagues mortelles naissent-elles et se propagent-elles dans l’océan ? Peuton anticiper les inondations qu’elles causent ? Plusieurs groupes de prévention des vagues géantes dans le monde disposent de modèles numériques d’hydrodynamique pour y répondre. Problème : ces modèles se perdent dans les calculs et deviennent muets face à des situations atypiques, comme des lignes de côtes trop déchiquetées ou un fond sous-marin trop accidenté. Le modèle numérique Volna, développé depuis 2008 par Denys Dutykh et ses collaborateurs du Laboratoire de mathématiques 1 de l’université de Savoie, ne souffre pas de ce défaut. Son secret ? « Notre modèle utilise les dernières avancées du calcul numérique qui restaient inutilisées dans ce domaine », explique le chercheur. Autre avantage, ce modèle reproduit correctement les tsunamis qui se propagent alors que le fond sous-marin est toujours actif, comme celui de Sumatra en 2004, causé par un séisme qui avait duré 10 minutes. ENTRETIEN AVEC MARIA. J. ESTEBAN, PRÉSIDENTE DE LA SMAI Quelle est l’importance des mathématiques dans les entreprises françaises ? Maria J. Esteban : Les mathématiques jouent un rôle fondamental dans de très nombreux processus industriels, même si leur présence est souvent invisible. Dans le passé, les grandes entreprises avaient des groupes importants de mathématiciens identifiés comme tels dans leurs équipes R&D. Les séismes ne sont pas les seules catastrophes naturelles à générer des tsunamis. L’équipe a étudié le cas des glissements de terrain sousmarins qui se produisent dans le fleuve Saint- Laurent, au Québec. Ces glissements soulèvent des hautes vagues qui déferlent ensuite sur les rivages, inondant les maisons. Avec leur savoirfaire, les chercheurs sont parvenus à produire des cartes d’inondation des zones concernées. Avec ses 1300 adhérents, la Société de mathématiques appliquées et industrielles (SMAI) cherche à encourager le développement des maths appliquées. Sa présidente, Maria J. Esteban, directrice de recherche au CNRS 1, nous en dit plus sur les enjeux et les actions menées avec les entreprises. Le journal du CNRS n°245 juin 2010 Carte du lit de la rivière Saint- Laurent, au Canada, utilisée par Denys Dutykh lors de l’étude des risques d’inondations liées à des glissements de terrain fluviaux. Ce n’est plus le cas ces dernières années : il y a toujours des mathématiciens, mais en plus petit nombre, et ils jouent trop souvent un rôle d’ingénieurs ou de managers. On a aperçu récemment un changement, car certaines grandes entreprises ont compris que, si elles veulent créer de l’innovation, elles ont besoin de modélisation, d’algorithmes robustes et efficaces et de calculs rapides, c’est-à-dire de mathématiques et de mathématiciens. Pouvez-vous donner des exemples du travail d’un mathématicien dans l’industrie ? M. J. E. : D’une manière générale, un mathématicien peut aider à modéliser un problème industriel que l’on veut résoudre. Il peut également adapter des algorithmes existants à des situations nouvelles pour l’entreprise Bathymétrie © R. Poncet/LRC CMLA-CEA, ENS de Cachan etL. O’Brien/University College Dublin/CNRS Photothèque et garantir que les résultats obtenus seront de vraies solutions, et non des résultats qui n’auront que peu à voir avec le problème étudié. En outre, un mathématicien s’assurera que les simulations numériques sont performantes. Quelles actions mène la SMAI pour développer les mathématiques dans l’industrie ? M. J. E. : La SMAI organise régulièrement des journées maths-industrie autour d’un thème précis, par exemple sur l’agroalimentaire, l’acoustique, l’industrie pharmaceutique, la sécurité informatique, le risque, les géosciences… Des industriels y présentent leurs problèmes et leurs besoins. Nous avons ainsi accueilli des représentants d’Areva, d’EADS, d’EDF, de Sagem, de France Télécom, etc. La SMAI organise aussi chaque été le Cemracs, une sorte d’école d’été originale qui fait interagir pendant six semaines des chercheurs et des industriels. Nous sommes par ailleurs en train de finir la préparation d’un livre blanc sur la valorisation du doctorat de mathématiques appliquées dans l’industrie française. Il y a en effet un grand besoin de docteurs dans les entreprises, mais celles-ci paient mal ces derniers, qui ont pourtant un bac + 8, et pensent prioritairement à engager des ingénieurs. Propos recueillis par Xavier Müller 1. Centre de recherches en mathématiques de la décision (Unité CNRS/Université Paris-Dauphine). Contact : Maria J. Esteban smai-president@emath.fr http:Ilsmai.emath.fr/
L’eau peut aussi dévaster l’intérieur des continents. Même si les conséquences sont moins dramatiques, le ruissellement de l’eau de pluie sur les champs est un fléau pour les cultivateurs et les populations : il peut transporter vers l’aval jusqu’à plusieurs dizaines de tonnes de terre par an et par hectare, entraînant une baisse notable des rendements agricoles ou générant des inondations et des coulées boueuses. Les mesures antiérosion prises depuis plusieurs années en France (plantation d’un couvert végétal les mois sans cultures afin que le sol ne se retrouve à nu, reconstitution du bocage…) sont-elles optimales ? Le projet Méthode, composé d’hydrologues, de mathématiciens et de chercheurs en agronomie et en informatique, tente d’y répondre en développant des modèles numériques inédits de ruissellement. DE PRÉCIEUX ALGORITHMES « La difficulté de simuler l’écoulement d’eau sur une parcelle provient du fait que la lame d’eau est d’épaisseur comparable (quelques centimètres) avec celle des aspérités du sol », indique Cédric Legout, du Laboratoire d’étude des transferts en hydrologie et environnement 2, à Grenoble. La présence de turbulences à petite échelle, la division de l’écoulement en flaques et la submersion des sillons du sol rendent difficile la prédiction des débits en sortie de parcelle. D’où le rôle de simplification © E. Dormy/CNRS Photothèque Représentation schématique des mouvements de convection thermique qui siègent à l’intérieur du noyau fluide terrestre. dévolu aux physiciens du groupe, chargés d’identifier les phénomènes prépondérants à une échelle donnée. « Le rôle des mathématiciens est ensuite de rendre les algorithmes compatibles avec les simplifications opérées par les physiciens », poursuit le chercheur. Afin peut-être, un jour, de corriger les politiques d’aménagement dans un souci de préserver les cultures et les populations des ravages de l’eau. DES SIMPLIFICATIONS DÉLICATES Il n’est pas toujours possible de dénuder un système physique jusqu’à l’extrême. C’est le cas pour les mouvements de convection au cœur de la Terre, qui produisent, par effet dynamo, le champ magnétique terrestre. L’origine de ce champ et certaines de ses propriétés – il se retourne en moyenne tous les 100 000 ans – sont encore inexpliquées. « Nous avons une série de théorèmes mathématiques qui montrent qu’en simplifiant trop les modèles de dynamo terrestre on ne pourra pas apporter de réponses à ces énigmes », assène Emmanuel Dormy 3, du département de physique de l’École normale supérieure. Commun à plusieurs laboratoires, le groupe de recherche auquel il appartient étudie des phénomènes (la circulation océanique ou atmosphérique, la dynamo terrestre…) qui mettent en scène des déplacements de matière à différentes échelles, mais qui s’influencent mutuellement (les courants marins, les vents…). Les chercheurs tentent d’identifier au milieu de tous les processus en jeu ceux qui peuvent être simplifiés sans pour autant perdre leur richesse. À défaut de pouvoir s’attaquer au problème de la dynamo dans sa globalité, cette équipe s’est ainsi focalisée sur le frottement subi par les mouvements de convection au contact de la paroi externe du noyau terrestre, 3 000 kilomètres sous nos pieds. Ce faisant, ils ont établi le résultat contre-intuitif que le frottement était moindre sur cette surface rugueuse que si la même surface avait été lisse. C’est en accumulant ce genre de résultats que l’on décryptera la dynamo. « Celui qui se perd dans les détails ne trouve pas la vérité », a dit un jour un écrivain. Celui-là n’était pas mathématicien. Xavier Müller 1. Laboratoire CNRS/Université de Savoie. 2. Laboratoire CNRS/Université Grenoble-I/Institut polytechnique de Grenoble/IRD. 3. Directeur de recherche CNRS dans le groupe MAG (ENS/Institut de physique du globe de Paris). CONTACTS ➔ Emmanuel Dormy dormy@ipgp.jussieu.fr ➔ Denys Dutykh denys.dutykh@univ-savoie.fr ➔ Cédric Legout cedric.legout@ujf-grenoble.fr L’ENQUÊTE 27 POUR EN SAVOIR PLUS EN LIGNE Le site Images des mathématiques http:Ilimages.math.cnrs.fr/À LIRE > Mathématiques pour le plaisir : un inventaire de curiosités, Jean-Paul Delahaye, Belin, coll. « Bibliothèque scientifique », 2010. > De grands défis mathématiques : d’Euclide à Condorcet, sous la direction d’Evelyne Barbin, Vuibert, 2010. > La Géométrie ou le Monde des formes, Benoît Rittaud, Éditions Le Pommier, 2009. À VOIR > Les vidéos des conférences et tables rondes du colloque Maths à venir, qui s’est tenu les 1 er et 2 décembre 2009, à Paris, sont en ligne sur www.maths-a-venir.org/2009/> Un dossier consacré aux mathématiques et regroupant plus d’une trentaine de films est accessible sur le catalogue de la vidéothèque du CNRS : http:Ilvideotheque.cnrs.fr/Huit de ces films peuvent être visionnés en ligne gratuitement. Parmi eux : > Mathématiques et physique quantique (2007, 27 min), réalisé par Didier Deleskiewicz, produit par CNRS Images. > Si Dieu ne joue pas aux dés… saute-t-il à la corde ? (2005, 15 min), réalisé par Gilles Sevastos, produit par CNRS Images et CSI. > Alain Connes (2004, 15 min), réalisé par Jean-François Dars et Anne Papillault, produit par CNRS Images. > L’Empire des nombres (2001, 53 min), réalisé par Philippe Truffault, produit par CNRS Images, Arte France, Trans Europe Film et Gallimard. > Henri Cartan et le séminaire Bourbaki de mars 1989 (2004, 6 min), réalisé par Jean-François Dars et Anne Papillault, produit par CNRS Images. Contact : Véronique Goret (Ventes), CNRS Images – Vidéothèque Tél. : 01 45 07 59 69 – videotheque.vente@cnrs-bellevue.fr Le journal du CNRS n°245 juin 2010



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