CNRS Le Journal n°245 juin 2010
CNRS Le Journal n°245 juin 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°245 de juin 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,7 Mo

  • Dans ce numéro : Rien n'arrête les mathématiques

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 24 - 25  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
24 25
24 © Cnes/ESA/Arianespace/Activité optique vidéo CSG, 2008 L’ENQUÊTE Prédécesseur d’Iter, le réacteur JET, à Culham, en Grande-Bretagne, permet d’étudier la fusion thermonucléaire (à gauche). Dans la chambre de combustion, circule un plasma (en rose) dont les caractéristiques complètes sont calculées grâce au logiciel Equinox (à droite) à partir de mesures expérimentales. > développer une approximation de l’équation à résoudre. Le rôle du mathématicien est ici de vérifier dans quelle mesure celle-ci reste valable pour étudier le problème initial. Par ailleurs, avec Iter, on veut connaître les paramètres internes du plasma en temps réel pour un contrôle en continu de l’expérience. Ce qui passe par le développement de nouveaux algorithmes rapides et fiables ». INVENTER EN PERMANENCE Certes, les équations qui régissent le phénomène à étudier sont connues depuis longtemps grâce à l’hydrodynamique. Mais de nouvelles techniques mathématiques sont à inventer perpétuellement, afin de résoudre ces équations complexes dans des conditions pratiques. « Cela demande le développement Le journal du CNRS n°245 juin 2010 © Univ. Nice-Sophia Antipolis/EFDA/JET/CEA/CNRS Photothèque d’une véritable ingénierie mathématique, confirme Pierre Degond, de l’Institut de mathématiques de Toulouse 2, lui aussi impliqué dans le programme Iter, afin notamment de gérer d’épineux problèmes d’interaction entre différentes échelles spatiales, depuis celle de quelques atomes jusqu’au plasma tout entier. » Aujourd’hui, les philosophes des sciences sont loin de s’être mis d’accord sur la portée définitive de la phrase prononcée par Galilée. Une chose est néanmoins certaine, sans mathématiques, la physique n’existerait tout simplement pas ! Mathieu Grousson 1. Laboratoire CNRS/Université Nice-Sophia Antipolis. 2. Unité CNRS/Universités Toulouse-I et -III/Insa Toulouse. Les équations utilisées pour le lancement d’une fusée sont connues… depuis le XVII e siècle. Ce qui n’empêche pas l’industrie spatiale d’être consommatrice de mathématiques de pointe. En témoigne la collaboration entre le Laboratoire de mathématiques, applications et physique mathématique 1 à Orléans, l’université d’Orléans et EADS Astrium aux Mureaux. « Le logiciel utilisé pour calculer la trajectoire CONTACTS ➔ Jacques Blum, jblum@math.unice.fr ➔ Pierre Degond pierre.degond@math.univ-toulouse.fr ➔ Germain Rousseaux, rousseax@unice.fr LA BONNE TRAJECTOIRE POUR LA FUSÉE ARIANE La trajectoire d’une fusée (ici Ariane 5) est déterminée par des logiciels sophistiqués. © J. Blum,C. Boulbe et B. Faugeras optimale d’une fusée Ariane nécessite de calculer des centaines de trajectoires avant de sélectionner la meilleure. Il est de ce fait extrêmement gourmand en temps de calcul », explique Emmanuel Trélat, qui collabore sur ce problème avec Thomas Haberkorn. Ce qui peut être la cause du report d’un lancement de plusieurs jours lorsque les conditions du tir, par exemple atmosphériques, changent au dernier moment. Afin de s’adapter en temps réel aux aléas d’un vol, le mathématicien développe un nouveau logiciel capable d’effectuer Des théorèmes Les biologistes le savent : pour percer un jour tous les arcanes du fonctionnement du cerveau, l’apport des mathématiques est indispensable. Car cet organe est un parangon de complexité. « Outre le fait que le cerveau possède environ 100 milliards de neurones de différents types, décrit Pascal Chossat, mathématicien au Laboratoire Jean-Alexandre- Dieudonné 1, à l’université Nice-Sophia Antipolis, ceux-ci sont très connectés les uns aux autres : un neurone est branché en moyenne à 10 000 autres neurones. Ils forment des circuits dont la structure est très variable et dont les connexions elles-mêmes évoluent au cours du temps. Enfin, les aspects dynamiques sont essentiels : par exemple, les signaux électriques qui permettent aux neurones de communiquer entre eux peuvent se renforcer ou interférer. » Les biologistes, aidés des mathématiciens, travaillent d’arrache-pied pour décrypter cette complexité. « L’activité de recherche en mathématiques pour le cerveau est en plein boom », confirme Pascal Chossat, qui appartient à un groupe de chercheurs placés sous la houlette d’Olivier Faugeras, du Laboratoire d’informatique de l’École normale supérieure 2, qui tente de décrypter le circuit de la vision par une approche mathématique. Il faut dire que celuici reflète à merveille la structure en étages du cerveau : les influx nerveux issus des yeux sont dispatchés en fonction de leur provenance sur la rétine en diverses régions du cortex visuel, elles-mêmes subdivisées en zones spécialisées dans une tâche donnée, comme détecter une couleur ou une forme. un pré-tri des trajectoires possibles, avant de calculer intégralement les paramètres de la solution retenue. « Le principe de la méthode date des années 1950, indique le scientifique. Mais il demande beaucoup de savoir-faire pour une mise enœuvre dans des situations précises. » Mise sur orbite prévue de ce super-logiciel : fin 2011. Mathieu Grousson 1. CNRS/Université d’Orléans. Contacts : Thomas Haberkorn thomas.haberkorn@univ-orleans.fr Emmanuel Trélat emmanuel.trelat@univ-orleans.fr
plein les neurones © P.Chossat Spécialiste de la théorie des bifurcations, discipline qui vise à décrire les changements soudains de comportement d’un système, Pascal Chossat tente d’appliquer ses connaissances aux hallucinations visuelles dont sont victimes les sujets sous l’emprise de certaines drogues (LSD…) ainsi que certains schizophrènes. « L’idée est de comprendre comment une image apparaît spontanément dans le cortex visuel », commente le chercheur. En travaillant sur le sujet, il a découvert que certains aspects du fonctionnement du cortex visuel pouvaient être représentés par des fonctions définies dans un espace hyperbolique, un type d’espace étrange où deux lignes parallèles à une troisième peuvent se couper. « C’est la première fois que ce type d’objet apparaît en biologie », se réjouit le mathématicien. UNE AIDE À L’IMAGERIE MÉDICALE Si les liens avec la neurobiologie se renforcent aujourd’hui, c’est en partie grâce aux techniques d’imagerie qui permettent de voir les neurones « penser ». Des techniques qui sont sous perfusion des mathématiques appliquées. Et ce, dès que le patient a placé son crâne dans l’appareil d’imagerie : pour pouvoir déduire à partir des trajectoires des particules émises par son cerveau (des photons pour l’électroencéphalogramme ou pour l’imagerie par résonance Ci-dessus, représentation mathématique d’un type d’activité cérébrale pouvant apparaître spontanément et provoquer une hallucination. Simulation numérique d’une technique d’imagerie médicale photoacoustique (image originelle et image reconstruite grâce à la simulation). DE LA COMPLEXITÉ DANS NOS VEINES magnétique [IRM], des protons pour la tomographie par émission de positons…) les zones d’émission de ces particules, une opération mathématique d’inversion est nécessaire. Les sismologues localisent la source d’un séisme à partir des ondes sismiques avec le même genre d’outils mathématiques. L’analyse des images exige elle aussi des mathématiques. Car, aussi nettes soient-elles, les images obtenues par les IRM et les magnétoencéphalographies sont muettes. La tache blanche apparue sur l’IRM est-elle une tumeur bénigne ou maligne ? Impossible à dire à partir des seules images. « Le problème, c’est que l’IRM ne donne aucune indication sur des paramètres physiques tels que la dureté ou la conduction électrique, deux paramètres qui peuvent révéler des tumeurs », analyse Habib Ammari, du Département de mathématiques et applications de l’École normale supérieure 3, qui développe des modélisations mathématiques et numériques de nouveaux systèmes d’imagerie médicale. Le même problème concerne en fait un grand ensemble de méthodes d’imagerie. Pour épauler les médecins dans leur diagnostic, L’ENQUÊTE 25 Le temps de lire cette phrase, votre moelle osseuse aura produit plusieurs millions de cellules sanguines. C’est le phénomène d’hématopoïèse, une machinerie stakhanoviste doublée d’une complexité inouïe, qui met en jeu des milliers d’acteurs : gènes, protéines, hormones… D’où la difficulté pour les biologistes de comprendre les dérèglements de l’hématopoïèse, qui donnent lieu notamment à des leucémies ou à des anémies chroniques (insuffisance de globules rouges). Pour les aider à y voir plus clair, Vitaly Volpert, mathématicien à l’Institut Camille-Jordan 1, à Villeurbanne, et ses collègues développent des modèles combinant deux approches mathématiques : les cellules de la moelle osseuse sont représentées comme de petites sphères au milieu de la matrice extracellulaire, considérée, elle, comme un milieu continu où les molécules peuvent diffuser et influencer les cellules. Ainsi, ils ont déjà montré que de multiples dysfonctionnements, qui peuvent en outre être très différents d’un individu à un autre, naissaient d’un même déséquilibre de ce système complexe, ce qui expliquerait la difficulté rencontrée parfois par les médecins pour poser un diagnostic précis. « Nous sommes dans la phase de compréhension de ce qu’il se passe, souligne Vitaly Volpert. À long terme, nous espérons que le modèle aidera à soigner les maladies et à élaborer un traitement personnalisé pour chaque patient. » Xavier Müller 1. Unité CNRS/Université Lyon-I/École centrale de Lyon/Insa Lyon. Contact : Vitaly Volpert, volpert@math.univ-lyon1.fr © MATLAB © Équipe Imagerie médicale et électromagnétisme, CMAP des modèles mathématiques de la réponse des tissus cérébraux aux méthodes d’imagerie ont donc été développés. Ils les aident à prédire l’aspect que prennent sur les images les zones pathologiques. Une autre solution se profile pour améliorer les diagnostics : le mariage de techniques d’imagerie. Avec les équipes de Mathias Fink et de Claude Boccara, physiciens à l’Institut Langevin 4, à Paris, Habib Ammari et son groupe ont ainsi élaboré de nouvelles méthodes d’imagerie mêlant l’emploi d’ondes sonores (comme en échographie) et électromagnétiques. Appliquées au cancer du sein, elles possèdent une excellente spécificité. Autrement dit, elles ne donnent presque jamais de faux positifs, tout en fournissant des images d’une netteté incomparable. Dans le futur, des combinaisons similaires de techniques multiondes pourraient révolutionner l’imagerie médicale. La reconstruction des images étant d’une profonde complexité, les mathématiciens seront partie prenante de cette révolution. Xavier Müller 1. Laboratoire CNRS/Université Nice-Sophia Antipolis. 2. Laboratoire CNRS/ENS Paris/Inria. 3. Unité CNRS/ENS Paris. 4. Unité CNRS/ESPCI ParisTech/Universités Paris-VI et -VII. CONTACTS ➔ Habib Ammari, habib.ammari@polytechnique.edu ➔ Claude Boccara, claude.boccara@espci.fr ➔ Pascal Chossat, chossat@unice.fr ➔ Olivier Faugeras, olivier.faugeras@ens.fr ➔ Mathias Fink, mathias.fink@espci.fr Le journal du CNRS n°245 juin 2010 >



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :