24 © Cnes/ESA/Arianespace/Activité optique vidéo CSG, 2008 L’ENQUÊTE Prédécesseur d’Iter, le réacteur JET, à Culham, en Grande-Bretagne, permet d’étudier la fusion thermonucléaire (à gauche). Dans la chambre de combustion, circule un plasma (en rose) dont les caractéristiques complètes sont calculées grâce au logiciel Equinox (à droite) à partir de mesures expérimentales. > développer une approximation de l’équation à résoudre. Le rôle du mathématicien est ici de vérifier dans quelle mesure celle-ci reste valable pour étudier le problème initial. Par ailleurs, avec Iter, on veut connaître les paramètres internes du plasma en temps réel pour un contrôle en continu de l’expérience. Ce qui passe par le développement de nouveaux algorithmes rapides et fiables ». INVENTER EN PERMANENCE Certes, les équations qui régissent le phénomène à étudier sont connues depuis longtemps grâce à l’hydrodynamique. Mais de nouvelles techniques mathématiques sont à inventer perpétuellement, afin de résoudre ces équations complexes dans des conditions pratiques. « Cela demande le développement Le journal du CNRS n°245 juin 2010 © Univ. Nice-Sophia Antipolis/EFDA/JET/CEA/CNRS Photothèque d’une véritable ingénierie mathématique, confirme Pierre Degond, de l’Institut de mathématiques de Toulouse 2, lui aussi impliqué dans le programme Iter, afin notamment de gérer d’épineux problèmes d’interaction entre différentes échelles spatiales, depuis celle de quelques atomes jusqu’au plasma tout entier. » Aujourd’hui, les philosophes des sciences sont loin de s’être mis d’accord sur la portée définitive de la phrase prononcée par Galilée. Une chose est néanmoins certaine, sans mathématiques, la physique n’existerait tout simplement pas ! Mathieu Grousson 1. Laboratoire CNRS/Université Nice-Sophia Antipolis. 2. Unité CNRS/Universités Toulouse-I et -III/Insa Toulouse. Les équations utilisées pour le lancement d’une fusée sont connues… depuis le XVII e siècle. Ce qui n’empêche pas l’industrie spatiale d’être consommatrice de mathématiques de pointe. En témoigne la collaboration entre le Laboratoire de mathématiques, applications et physique mathématique 1 à Orléans, l’université d’Orléans et EADS Astrium aux Mureaux. « Le logiciel utilisé pour calculer la trajectoire CONTACTS ➔ Jacques Blum, jblum@math.unice.fr ➔ Pierre Degond pierre.degond@math.univ-toulouse.fr ➔ Germain Rousseaux, rousseax@unice.fr LA BONNE TRAJECTOIRE POUR LA FUSÉE ARIANE La trajectoire d’une fusée (ici Ariane 5) est déterminée par des logiciels sophistiqués. © J. Blum,C. Boulbe et B. Faugeras optimale d’une fusée Ariane nécessite de calculer des centaines de trajectoires avant de sélectionner la meilleure. Il est de ce fait extrêmement gourmand en temps de calcul », explique Emmanuel Trélat, qui collabore sur ce problème avec Thomas Haberkorn. Ce qui peut être la cause du report d’un lancement de plusieurs jours lorsque les conditions du tir, par exemple atmosphériques, changent au dernier moment. Afin de s’adapter en temps réel aux aléas d’un vol, le mathématicien développe un nouveau logiciel capable d’effectuer Des théorèmes Les biologistes le savent : pour percer un jour tous les arcanes du fonctionnement du cerveau, l’apport des mathématiques est indispensable. Car cet organe est un parangon de complexité. « Outre le fait que le cerveau possède environ 100 milliards de neurones de différents types, décrit Pascal Chossat, mathématicien au Laboratoire Jean-Alexandre- Dieudonné 1, à l’université Nice-Sophia Antipolis, ceux-ci sont très connectés les uns aux autres : un neurone est branché en moyenne à 10 000 autres neurones. Ils forment des circuits dont la structure est très variable et dont les connexions elles-mêmes évoluent au cours du temps. Enfin, les aspects dynamiques sont essentiels : par exemple, les signaux électriques qui permettent aux neurones de communiquer entre eux peuvent se renforcer ou interférer. » Les biologistes, aidés des mathématiciens, travaillent d’arrache-pied pour décrypter cette complexité. « L’activité de recherche en mathématiques pour le cerveau est en plein boom », confirme Pascal Chossat, qui appartient à un groupe de chercheurs placés sous la houlette d’Olivier Faugeras, du Laboratoire d’informatique de l’École normale supérieure 2, qui tente de décrypter le circuit de la vision par une approche mathématique. Il faut dire que celuici reflète à merveille la structure en étages du cerveau : les influx nerveux issus des yeux sont dispatchés en fonction de leur provenance sur la rétine en diverses régions du cortex visuel, elles-mêmes subdivisées en zones spécialisées dans une tâche donnée, comme détecter une couleur ou une forme. un pré-tri des trajectoires possibles, avant de calculer intégralement les paramètres de la solution retenue. « Le principe de la méthode date des années 1950, indique le scientifique. Mais il demande beaucoup de savoir-faire pour une mise enœuvre dans des situations précises. » Mise sur orbite prévue de ce super-logiciel : fin 2011. Mathieu Grousson 1. CNRS/Université d’Orléans. Contacts : Thomas Haberkorn thomas.haberkorn@univ-orleans.fr Emmanuel Trélat emmanuel.trelat@univ-orleans.fr |