CNRS Le Journal n°245 juin 2010
CNRS Le Journal n°245 juin 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°245 de juin 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,7 Mo

  • Dans ce numéro : Rien n'arrête les mathématiques

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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12 © CSNSM-IN2P3-CNRS-Univ. Paris-Sud VIEDESLABOS Actualités ASTRONOMIE De la poussière de comètes découverte en Antarctique C’est une toute nouvelle famille de micrométéorites qui a été découverte par des chercheurs du Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse (CSNSM) 1 dans la neige de l’Antarctique, près de la station scientifique Concordia. Grâce à des conditions favorables (vent soufflant du pôle vers les côtes, altitude de 3 200 mètres), l’endroit est une véritable salle blanche naturelle, conservant intact tout ce qui tombe du ciel. Soutenue par l’Institut polaire français Paul- Émile-Victor, l’équipe y exhume Le journal du CNRS n°245 juin 2010 depuis dix ans des micrométéorites, témoins des premiers instants du système solaire. Cette nouvelle espèce, décrite début mai dans la revue Science, pourrait être la première provenant d’une comète. La quantité de matière trouvée est faible : à peine six micrométéorites, toutes de la taille de grains de poussière domestique (0,1 mm). Les 4 mètres de profondeur où elles ont été trouvées situent leur atterrissage au pôle Sud dans les années 1960. Malgré leur petite dimension, elles ont pu être fragmentées et leurs morceaux distribués à trois laboratoires 2 à des fins d’analyses diverses. Ce qui a permis de révéler la composition isotopique de l’hydrogène des particules, signature de leur origine extraterrestre. À l’arrivée, les résultats des analyses ont stupéfait les chercheurs : au milieu des assemblages des minéraux habituels des météorites (formés à base d’oxygène, de magnésium, de silicium…), les particules contiennent une forte proportion de carbone sous forme organique. Plus de la moitié de la masse de chaque grain est ainsi formée de matière carbonée, une proportion encore inédite dans le paysage des micrométéorites. D’où viennent ces grains ? Plusieurs indices attribuent leur paternité aux comètes dont la Terre traverse le sillage. Notamment la composition des minéraux, qui est proche de celle des fragments de poussières de la comète Wild 2, rapportés en 2004 par la sonde Stardust, de la Nasa. Or « les comètes se sont formées dans les PALÉONTOLOGIE Deux australopithèques bien proches de nous En 2008, au hasard d’une promenade, le paléontologue américain Lee Berger découvre dans une grotte située à 40 kilomètres de Johannesburg, en Afrique du Sud, les squelettes de deux petits êtres d’environ 1,30 m chacun. Il ne le sait pas encore, mais sa découverte va bientôt faire le tour du monde. En effet, tous deux appartiennent à une espèce d’australopithèques jamais décrite auparavant. Il s’agit d’une femelle adulte et d’un enfant d’une dizaine d’années, qui vécurent il y a 1,9 million d’années, et qui seraient morts en même temps après être tombés dans la grotte où ils ont été retrouvés. La revue Science du 9 avril dernier publie la découverte de cette nouvelle espèce d’hominidés, baptisée Australopithecus sediba, ainsi Cette micrométéorite d’un nouveau genre, vue ici au microscope électronique à balayage, a été retrouvée près de la station Concordia. que les résultats des premières analyses des fossiles. Celles-ci ont été réalisées par une équipe internationale dont fait partie Geoffrey King, chercheur à l’Institut de physique du globe de Paris 1. Ces fossiles pourraient représenter une avancée importante pour comprendre l’évolution des hominidés. « Les squelettes ont été retrouvés dans des conditions de conservation extraordinaires. Ils ont été recouverts de sédiments très fins et ne présentent pas les traces d’érosion que l’on retrouve dans la plupart des fossiles retrouvés dans la vallée du rift, en Éthiopie. Ils sont tellement bien conservés que l’on peut même observer les points d’insertion du muscle à l’os ! », affirme Geoffrey King. Mais ce n’est pas tout. « Ces fossiles ont un peu moins de 2 millions d’années, et c’est à cette époque que sont apparus les premiers hominidés du genre Homo. Or justement, Sediba, tout en restant un australopithèque, présente de nombreux caractères proches d’espèces comme Homo erectus », ajoute le chercheur. D’après les premières analyses des squelettes, ces australopithèques devaient être de bons grimpeurs, mais ils étaient aussi capables de se déplacer et même de courir comme des humains. Seraient-ils donc une sorte de chaînon manquant entre les australopithèques et le genre Homo auquel nous appartenons ? Pour certains spécialistes, parmi lesquels leur découvreur, Lee Berger, cette nouvelle espèce est effectivement un sérieux candidat au titre de plus proche ancêtre des Homo. régions froides du disque de gaz qui a donné naissance aux planètes, il y a 4,5 milliards d’années », souligne Jean Duprat, qui a dirigé les recherches au CSNSM. Les régions froides étaient suffisamment éloignées du centre du disque pour permettre la condensation de glaces (d’eau, de monoxyde de carbone, etc.), constituants majoritaires des comètes. Les chercheurs viennent ainsi peut-être de trouver les premières archives sur Terre de ces zones reculées dans le temps et l’espace. Xavier Müller 1. Unité CNRS/Université Paris-XI. 2. Le service national Nanosims du Laboratoire de minéralogie et cosmochimie (Laboratoire CNRS/Muséum national d’histoire naturelle), l’Unité matériaux et transformations (Unité CNRS/Université de Lille-I/ENS Chimie Lille) et le Laboratoire de géologie de l’École normale supérieure (Laboratoire CNRS/ENS Paris). CONTACT ➔ Jean Duprat Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse (CSNSM) jean.duprat@csnsm.in2p3.fr Geoffrey King reste néanmoins prudent et pense que les très vives controverses sur les ancêtres du genre Homo ne se résoudront pas grâce à cette découverte. « Je pense que la découverte de Sediba va activer le débat plutôt que de le clore, admetil. De plus, il y a de très nombreux endroits en Afrique du Sud qui n’ont pas du tout été explorés et où l’on pourrait découvrir bien des espèces intermédiaires entre les premiers Homo et leurs ancêtres. » Sébastian Escalón 1. Unité CNRS/IPGP/Universités Paris-VI et -VII/Université de la Réunion. CONTACT ➔ Geoffrey King Institut de physique du globe de Paris king@ipgp.jussieu.fr
ARCHÉOLOGIE Mission VIEDESLABOS 13 Une forteresse de légende dans le Gévaudan Au-dessus des gorges du Tarn, s’élevait au début du Moyen Âge un richissime palais fortifié. Une équipe d’archéologues lance une nouvelle campagne de fouilles sur ce site qui, déjà, remet en cause bien des théories sur cette période tourmentée. Nous voici au sommet d’un pic qui surplombe le village de la Malène et les gorges du Tarn, en Lozère. Là, sur un éperon rocheux, s’élevait à l’époque mérovingienne une luxueuse forteresse. Une vingtaine d’archéologues et d’étudiants vont fouiller le site de la fin juin à la fin juillet. Trois cents mètres de dénivelé quotidiens sur un chemin étroit et escarpé les attendent. Sur certains passages, ils devront même s’encorder. Mais qui oserait se plaindre de cet exercice ? Fouiller ce site est un vrai rêve d’archéologue ! Découverte tout juste en 2008, la forteresse de la Malène devrait en effet tordre le cou à bien des idées reçues sur le haut Moyen Âge, période comprise entre le V e siècle et le X e siècle. Elle permettra aussi de voir sous un jour nouveau cette époque mouvementée où les premiers rois francs, descendants de Clovis, avançaient sur les territoires alors occupés par les Wisigoths. La découverte de ce site s’est faite grâce à un programme initié en 1998 par Laurent Schneider et son équipe du Laboratoire d’archéologie médiévale méditerranéenne 1. Celui-ci s’intéressait aux constructions haut perchées du haut Moyen Âge dans le Midi de la France. Les chercheurs ont ainsi voulu expertiser ce site vertigineux où des ruines presque oubliées étaient attribuées tantôt à l’Antiquité et tantôt au Moyen Âge. Mais un fait particulier les a conduits spécialement vers ce lieu : il semblait correspondre à la forteresse mentionnée dans un manuscrit médiéval décrivant les miracles de saint Hilaire, l’un des premiers évêques du Gévaudan, qui vécut au V e siècle. « Ces textes exaltent le rôle joué par Hilaire de Gévaudan dans le processus de christianisation de la région en retraçant ses luttes contre le démon et les pratiques païennes », explique Laurent Scheider. Mais ils montrent aussi les relations ambiguës qu’il entretenait avec les Francs. « Hilaire dut © F. Peloux Ce manuscrit qui raconte la vie de saint Hilaire a guidé les archéologues : un passage mentionne la forteresse. © N. Clément se réfugier avec son peuple dans la forteresse de Melena pour se protéger de leurs armées et négocia, semble-t-il, directement avec le roi pour éviter que le lieu ne soit pillé et brûlé. Ce succès diplomatique passa dès lors pour un miracle. » Très vite, les archéologues se sont aperçus que les ruines surplombant le village de la Malène étaient bien contemporaines de la légende. Et, depuis que les fouilles ont commencé, les surprises s’accumulent. Construite à la fin du V e siècle ou au début du VI e siècle, puis habitée pendant quelque deux cents ans, la forteresse faisait ostentation d’un luxe tout à fait surprenant pour l’époque. « Pour expliquer l’édification durant le haut Moyen Âge de villes et de forteresses haut perchées, on parlait de populations effrayées par les invasions barbares se réfugiant dans des abris de montagne dans des conditions assez misérables, rappelle le chercheur. Or c’est tout le contraire de ce qu’on voit ici. » En effet, ce palais présentait des colonnades d’étage, de grands bâtiments en pierre et mortier couverts de tuiles, une tour de 5 mètres de haut et, pour couronner le tout, de véritables thermes, peut-être les derniers bains à la romaine construits en Gaule. Pour les alimenter, une citerne pouvant contenir 190 mètres cubes d’eau avait été bâtie ! Ces thermes sont sans doute le fruit d’un caprice d’un riche aristocrate qui voulait vivre comme un Romain en plein Moyen Âge. « On a souvent pensé que le savoir-faire des constructeurs romains s’était perdu dans le haut Moyen Âge. Mais ces bâtiments sont l’œuvre d’un architecte très habile et cultivé. Nous ne sommes pas devant une construction Ces ruines sont celles d’une forteresse très luxueuse qui possédait notamment des thermes (ci-dessus). À gauche, les vestiges du portail de l’aile résidentielle. créée à la hâte. L’édification de la forteresse de la Malène est plutôt liée à une nouvelle façon d’habiter, d’occuper l’espace et de mettre en scène la magnificence du pouvoir », avance Laurent Schneider. Ce site devrait permettre aussi d’en savoir un peu plus sur les relations mouvementées entre les Francs et les Wisigoths qui occupaient l’ancienne Septimanie, soit l’actuel Languedoc- Roussillon. En effet, la forteresse était placée à la frontière des deux royaumes et a sans doute servi comme poste de douane. De plus, la découverte de six amphores à vin provenant de Gaza et de Tunisie prouve qu’un commerce florissant sur de longues distances s’exerçait encore en ce début de Moyen Âge, contrairement à l’idée que l’on se faisait d’une organisation sociale refermée sur elle-même. Malgré les efforts que vont déployer les archéologues cet été, à la fin du chantier, ce palais fortifié sera bien loin d’avoir livré tous ses secrets. « Pour l’instant, nous n’avons fait des fouilles profondes que sur 200 ou 300 m 2 sur les 10 000 m 2 que compte le site, conclut Laurent Schneider. On pourrait fouiller pendant une décennie entière ! » Sebastián Escalón 1. Laboratoire CNRS/Université Aix-Marseille I. CONTACT ➔ Laurent Schneider Laboratoire d’archéologie médiévale méditerranéenne, Aix-en-Provence lauschne@club-internet.fr Le journal du CNRS n°245 juin 2010 ©L. Schneider



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