CNRS Le Journal n°244 mai 2010
CNRS Le Journal n°244 mai 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°244 de mai 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,9 Mo

  • Dans ce numéro : Afrique le nouvel élan

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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8 VIEDESLABOS Actualités CLIMATOLOGIE Quand les eaux se sont mises à monter En analysant des fossiles de coraux issus des récifs de Tahiti, des chercheurs ont reconstitué les grandes évolutions du niveau de la mer survenues il y a environ 10000 ans. Des données précieuses à plus d’un titre. Carotte après carotte, modèle après modèle, les grands évènements climatiques du passé se dévoilent peu à peu. Dernière avancée en date, due à une équipe du Centre européen de recherche et d’enseignement sur les géosciences de l’environnement (Cerege) 1 : la reconstitution des variations du niveau de la mer au cours de la dernière déglaciation. Ces variations nous donnent une image précise du passage de l’ère glaciaire à l’holocène, la période douce dont nous bénéficions depuis quelque 10000 ans. Les chercheurs ont pu montrer qu’il existe une étroite corrélation entre le changement climatique survenu à cette époque et la vitesse de variation du niveau de l’océan. Pour mener à bien ce travail d’historiens du climat, les chercheurs ont utilisé des carottes prélevées dans les récifs de Tahiti. « Il n’y a pas d’autre site dans le Pacifique qui permette d’obtenir une série de données de cette qualité », affirme Édouard Bard, qui a dirigé cette étude publiée dans la revue Science du 5 mars 2010. Afin de suivre les variations du niveau de la mer, les chercheurs ont daté des échantillons de fossiles de coraux qui se développent très près de la surface. Pour cela, ils ont mesuré la proportion de certains isotopes d’uranium et de thorium, méthode d’une précision redoutable mise au point au Cerege. « Nous nous sommes focalisés sur une période au cœur de la dernière déglaciation : entre –14000 et –9000 ans, explique Édouard Bard. Durant cette période la température globale de la Terre est montée de 3 °C et la teneur atmosphérique en gaz à effet de serre a augmenté de 15%. » C’est pendant cet intervalle de temps qu’a disparu l’essentiel des grandes calottes glaciaires qui recouvraient une bonne partie de l’Europe et de l’Amérique du Le journal du CNRS n°244 mai 2010 Nord. En cinq mille ans, l’équivalent de presque toute la glace de l’Antarctique actuel est venu alimenter les océans. Résultat : le niveau de la mer est remonté de plus de 50 mètres au rythme moyen d’un centimètre par an, soit le triple de ce qu’on observe actuellement. Mais cette déglaciation ne s’est pas faite sans accroc. Les coraux de Tahiti ont gardé la trace des violents évènements qui ont ponctué cette période. Le plus spectaculaire est sans doute celui que les paléoclimatologues nomment le Dryas récent, survenu il y a douze mille ans. Cette période qui a duré un peu plus de mille ans a été marquée par un brutal refroidissement. Les températures de l’Europe ont baissé d’environ 5 °C en quelques décennies, et celles du Groenland ont chuté d’environ 15 °C. Un véritable retour à l’ère glaciaire dont les causes sont encore très débattues. « Malgré la grande inertie des variations du niveau de l’océan, les coraux de Tahiti montrent qu’il y a eu un ralentissement de la montée des eaux durant le Dryas récent, ce qui prouve qu’il a eu un très gros impact sur les calottes glaciaires. » Connaître la chronologie exacte de la montée de l’océan est fondamental pour aborder de nombreuses questions. Par exemple, elle permet de déterminer à quel moment le détroit de Béring s’est ouvert, mettant fin au peuplement de l’Amérique à partir de l’Asie, ou encore, à quel moment la mer Noire et le golfe Persique ont été envahis par les eaux, évènements qui sont peut-être à l’origine des mythes du Déluge. « Nos données offrent une courbe précise du niveau de la mer à ces époques et pourront être consultées par les chercheurs qui s’intéressent à ces questions », affirme Édouard Bard. Autre retombée de ces travaux : permettre de Les coraux de Tahiti, témoins fidèles de la montée des océans lors de la dernière déglaciation. mieux évaluer le « rebond isostatique postglaciaire », c’est-à-dire la lente déformation de la Terre qui survient lorsqu’elle se retrouve libérée des glaces qui lui faisaient une sorte de corset. Une information fondamentale pour bien corriger les données des satellites qui mesurent le niveau de la mer et les masses des calottes glaciaires et de l’océan. Ces travaux devraient par ailleurs déboucher sur une amélioration des modèles du changement climatique en cours. En effet, connaître l’évolution du niveau de la mer permettra de mieux modéliser comment les grandes calottes glaciaires ont disparu. Ceci aidera à mieux comprendre la dynamique des calottes arctique et antarctique actuelles. Et ce n’est pas tout. En ce moment, plusieurs équipes cherchent à calculer la corrélation qui lie le réchauffement climatique et la vitesse de remontée du niveau marin. Ceci afin de mieux anticiper les conséquences de ce réchauffement. Mais une fois qu’une corrélation est suggérée, il faut pouvoir tester sa solidité. Et c’est là que les coraux de Tahiti entrent à nouveau en jeu. « Ces corrélations pourront être testées sur des périodes de temps très longues en utilisant nos données. Ceci permettra de faire des projections plus précises sur la période à venir », conclut Édouard Bard. Sebastián Escalón 1. Unité CNRS/IRD/Université Aix-Marseille/Collège de France. CONTACT ➔ Édouard Bard Centre européen de recherche et d’enseignement sur les géosciences de l’environnement, Aix-en-Provence bard@cerege.fr © J. Orempüller/IRD
© Photos : P.-J. Texier/Diepkloof project/CNRS Photothèque ARCHÉOLOGIE Le mystère des œufs gravés Deux lignes parallèles entrecoupées de hachures perpendiculaires ou obliques… Le motif se répète avec plus ou moins de variations sur 270 fragments d’œufs d’autruche qu’ont mis au jour des chercheurs du laboratoire Pacea 1, en collaboration avec l’université du Cap, en Afrique du Sud. Des gravures réalisées par des hommes modernes, il y a environ 60000 ans, qui témoignent de l’utilisation de symboles dans la communication de ces populations. La couche sédimentaire de Diepkloof renferme les traces d’une présence humaine durant près de 85 000 ans. BRÈVE La découverte – inédite à ce jour – a eu lieu à 180 kilomètres au nord du Cap, non loin de la côte Atlantique. Creusé par l’érosion, le vaste abri de Diepkloof s’ouvre dans une butte rocheuse. Il a servi de lieu d’habitation aux hommes préhistoriques au cours du Middle Stone Age, de –130 000 à –45 000 ans. « La présence humaine y est attestée sur près de 4 mètres d’épaisseur de sédiments », indique Pierre-Jean Texier, qui dirige ce projet soutenu par le ministère des Affaires étrangères. C’est vers le haut de ces dépôts sédimentaires que les fragments de coquille gravée ont été découverts, au milieu de restes végétaux carbonisés, de carapaces de tortue, d’ossements d’antilope des rochers, de coquillages… Alors que ces coquilles d’œuf sont présentes sur toute l’épaisseur, les gravures n’apparaissent que vers –60 000 ans pour disparaître quelques milliers d’années plus tard. Quel sens prêter à ces motifs ? Difficile à dire aujourd’hui mais les Kung, un peuple du désert proche du Kalahari, offrent quelques pistes. Ces populations gravaient encore récemment les œufs d’autruche dont ils se servaient comme gourdes d’eau. Or, les traces d’une perforation sur certains fragments de coquille de Diepkloof indiquent Le Soleil mis à nu par Genesis Ces coquilles d’œuf portent des marques attestant d’une vraie tradition graphique chez les populations locales, il y a 60000 ans. des pratiques similaires. « Le fait que les œufs soient décorés prouve qu’ils ont été réutilisés après leur consommation », explique Pierre-Jean Texier. Peut-être comme gourdes, donc… Les répétitions et les variations des motifs peuvent alors être interprétées comme des marques de propriété, attribuées soit à un groupe soit à un individu. Car l’hypothèse d’une représentation symbolique du contenu ne convainc pas le chercheur : « Il est difficile d’imaginer que sous un climat aride, les hommes aient pu utiliser les coquilles d’œuf pour conserver autre chose que de l’eau, comme du lait ou du sang, qui se seraient corrompus très rapidement ». Or, si le contenu est toujours le même, il n’y a aucune raison pour que son symbole varie. Pour les scientifiques, ces objets retrouvés à S’ils connaissaient la teneur en éléments chimiques du Soleil, les astronomes ne savaient pas grandchose de sa composition isotopique. Six ans après le crash de la sonde spatiale Genesis dans le désert de l’Utah, avec à son bord des échantillons de particules de vent solaire, un pan du voile se lève. Il aura fallu ces six ans à une équipe du Centre de recherches pétrographiques et géochimiques 1, en collaboration avec des chercheurs suisses et américains, pour développer des techniques de nettoyage des échantillons et d’analyse isotopique spécifiques. Verdict 2 : la composition du Soleil actuel en isotopes de l’azote (azote-14, majoritaire, et azote-15, rare) est similaire à celle du gaz de la nébuleuse primitive qui lui a donné naissance. En revanche, la Terre et les météorites, d’une part, et les comètes, d’autre part, sont enrichies en azote-15 de 60% et 300% respectivement. « Ce résultat, explique Bernard Marty, du CRPG, montre que la composition terrestre n'est pas représentative de celle du système solaire initial. » La vraie référence en la matière est donc bien le Soleil. 1. Unité CNRS/Universite Nancy-I/INPL Nancy. 2. Résultats publiés dans la revue Geochimica et Cosmochimica Acta, vol. 74, jan. 2010. > Contact : Bernard Marty, bmarty@crpg.cnrs-nancy.fr VIEDESLABOS 9 Diepkloof témoignent en fait d’une vraie tradition graphique chez des hommes du Middle Stone Age, qui disposaient ainsi d’un système complexe de communication et de représentation. Fabrice Demarthon 1. Laboratoire « De la préhistoire à l’actuel : culture, environnement et anthropologie », CNRS/Universite Bordeaux-I/Ministère de la Culture et Communication/Inrap. CONTACT ➔ Pierre-Jean Texier « De la préhistoire à l’actuel : culture, environnement et anthropologie », Bordeaux pierrejean.texier@ipgq.u-bordeaux1.fr La sonde Genesis, écrasée dans l’Utah en 2004. Les échantillons rapportés ont enfin pu être analysés. Le journal du CNRS n°244 mai 2010 © USAF 388th Range Sqd



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