© Photos : H. Raguet/CNRS Photothèque 6 VIEDESLABOS Reportage ÉCOLOGIE Bienvenue dans les serres du futur C’est un évènement international en matière d’écologie : l’Écotron européen de Montpellier commence à fonctionner. Pour le plus grand bonheur des scientifiques qui vont étudier les réactions d’un écosystème face à une modification de son environnement, tel un réchauffement climatique. C’est une tâche pour le moins originale que vient d’accomplir ce grutier en ce 31 mars 2010 : placer des cubes de prairie d’une tonne chacun sous des dômes transparents. La toute première expérimentation de l’écotron va pouvoir commencer… L’éco-quoi ? L’écotron est la première très grande infrastructure française 1 en écologie. Entre vignes et garrigue, à deux pas de Montpellier, sa construction a été financée par le CNRS, la région Languedoc-Roussillon et le Conseil général de l’Hérault afin d’étudier le comportement des écosystèmes, des organismes et de la biodiversité face à des bouleversements environnementaux comme le changement climatique. Pour ce faire, douze serres trônent au-dessus du bâtiment du labo, comme autant d’immenses « tubes à essai », dans lesquelles des morceaux d’écosystèmes seront soigneusement analysés. Mais ces dômes ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Dessous grouille une multitude de câbles et de tuyaux reliés à des instruments et à une électronique de pointe, elle-même connectée à des postes informatiques de pilotage. Car dans ces atmosphères confinées, hormis la lumière qui, elle, est naturelle, tout est paramétré. Mais surtout, tout sera mesuré : humidité, température, échanges gazeux, transpiration de la végétation, isotopes de carbone et d’oxygène et même des gaz traces, présents en très faible quantité, comme le méthane ou l’oxyde d’azote. La végétation et le sol seront eux aussi passés au peigne fin. « Tous les éléments et processus d’un écosystème doivent être mesurés simultanément pour identifier leurs interactions, de quoi satisfaire l’ensemble de la communauté scientifique en écologie », explique Jacques Roy, directeur de l’écotron. Le pari risque fort d’être gagné puisque Le prélèvement des blocs de prairie de moyenne montagne sur le site auvergnat de l’Inra, à Saint-Genès- Champanelle, n’a pas été une mince affaire ! Le journal du CNRS n°244 mai 2010 quantité de laboratoires, français et européens, ont proposé des expérimentations pour inaugurer l’écotron. Mais continuons la visite. La structure offre trois plateaux expérimentaux adaptés à des études menées à trois échelles différentes. « Macrocosmes » est le premier plateau opérationnel avec ces fameux dômes transparents. Douze enceintes de confinement recouvertes d’une sorte de bâche en forme de parapluie de Tefzel – un dérivé du téflon particulièrement transparent aux UV – peuvent accueillir des monolithes de sol intact de 5 m 2 sur 1m80 de haut (soit 9 m 3) avec leur communauté végétale, microbienne et animale. Pour une durée d’au moins un an, c’est là que se déroulent les expérimentations les plus proches de la réalité, celles qui reproduisent les processus complexes à l’œuvre dans les écosystèmes. DES SCÉNARIOS POUR 2050 L’expérimentation qui vient de débuter est coordonnée par l’Inra de Clermont-Ferrand. Elle va mesurer le comportement de blocs de prairie d’Auvergne sous le climat supposé de 2050. Les douze dômes permettent de tester deux facteurs : la prairie sera ou non soumise à des évènements extrêmes (sécheresse et forte température), à deux niveaux de dioxyde de carbone (CO 2) atmosphérique, l’un équivalent à celui d’aujourd’hui et l’autre doublé. Cela fait quatre groupes de trois dômes identiques pour obtenir des statistiques fiables. Catherine Picon- Cochard, la scientifique de l’Inra qui mène cette étude, s’interroge : « Une augmentation de CO 2 atmosphérique est a priori bénéfique pour les plantes puisqu’en favorisant leur photosynthèse et la fermeture de leurs stomates (pores qui assurent les échanges gazeux et la transpiration au niveau des feuilles,ndlr), cette hausse leur permettrait de mieux faire face au stress hydrique 2. Mais qu’en est-il si la sécheresse se prolonge ? Et comment les différentes espèces vont-elles adapter l’ouverture de leurs stomates ? » Plusieurs équipes européennes viendront se greffer à l’étude menée dans le plateau « Macrocosmes » : des écologues d’Innsbruck en Autriche vont s’intéresser à la respiration du sol et des racines ; d’autres, irlandais, vont se concentrer sur la photosynthèse au niveau de l’espèce, ou encore, des scientifiques belges vont filmer la végétation lors d’un évènement extrême en caméra infrarouge, car la température des feuilles de chaque plante indique le niveau d’ouverture de leurs stomates. « Les dômes du plateau « Macrocosmes » offrent des conditions très proches du terrain tout en permettant de contrôler et mesurer Grâce aux blocs de prairie installés dans les 12 serres de l’écotron, les chercheurs vont pouvoir observer le comportement de ces écosystèmes face aux changements climatiques. |