CNRS Le Journal n°244 mai 2010
CNRS Le Journal n°244 mai 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°244 de mai 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,9 Mo

  • Dans ce numéro : Afrique le nouvel élan

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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28 ZOOM GLACIOLOGIE À l’assaut des cascades éphémères 1 Le journal du CNRS n°244 mai 2010 2 Jusqu’alors, on ne savait rien des cascades de glace, terrain de jeu de nombreux grimpeurs. C’est désormais chose faite grâce à des chercheurs grenoblois qui viennent de publier la première étude sur le sujet. Pour comprendre comment elles se forment, comment elles évoluent et pourquoi elles se brisent parfois, ils ont dû organiser des expéditions très sportives. Et oublier leur vertige. © F. Damilano
Chaque hiver entre 2006 et 2009, ils se sont volontairement suspendus à 150 m au-dessus du vide, accrochés avec crampons et piolets à de vertigineuses cascades de glace. Pas pour la gloire ou l’exploit sportif, mais pour la science. Les aventuriers de la recherche : Maurine Montagnat et Jerôme Weiss, du Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement (LGGE) 1 de Grenoble, et leurs étudiants. Ils ont escaladé les cascades de glace appelées Nuit-Blanche et Shiva-Lingam, près du glacier d’Argentière dans le massif du Mont- Blanc, ainsi que celle de Revenaud, en Italie. Trois cascades libres – dites free standing– ancrées à la roche uniquement au sommet et à la base. Leur objectif : étudier la formation et l’évolution de ces structures éphémères, puisqu’il s’agit de chutes d’eau gelées. Cette campagne de recherche, proposée et financée par la fondation d’entreprise Petzl, a été motivée par des questions posées par les pratiquants sur les différents types de glace, leur résistance, leur comportement en fonction de la météo. Il faut dire qu’en France, le nombre d’adeptes, occasionnels ou réguliers, de ce sport extrême est estimé à 10 000. Et chaque année, une douzaine d’accidents graves surviennent. « Mais le but n’était pas de faire de la recherche appliquée, qui aurait par exemple débouché sur la mise en place d’une échelle de risques, précise Maurine Montagnat. Il s’agissait au contraire d’une recherche purement fondamentale. » « Aucune étude n’avait encore été menée sur le sujet, nous étions en quelque sorte pionniers, poursuit la chercheuse. Il a donc fallu innover pour élaborer un protocole de recherche et concevoir des outils spécifiques. » Chaque hiver, l’équipe effectuait deux sorties par mois. Au programme : faire des prélèvements de stalactites et carotter la glace avec un carottier portatif afin d’analyser sa structure et la répartition des cristaux ; frapper la surface glacée avec un « impacteur » pour tester sa résistance, y insérer un capteur de contraintes mécaniques. Enfin, installer des appareils photo en équilibre pour capturer une image de la cascade toutes les quatre heures et comprendre comment elle évolue au cours du temps. Le tout… en supension audessus du vide ! « Nous étions solidement assurés à la roche, mais il valait mieux ne pas avoir peur du vide, car le paysage 3 4 5 plongeant était très impressionnant !, raconte Maurine Montagnat. Heureusement, la présence de nos précieux guides, François Damilano et Didier Lavigne, nous réconfortait. Experts de l’escalade sur glace, ils ont une excellente connaissance empirique des cascades. Notre travail a permis de vérifier par des méthodes scientifiques ce qu’ils avaient déjà en partie compris par l’expérience. » L’équipe a par exemple découvert que les cascades de glace se forment assez rapidement. Au départ, des petites stalactites s’agrègent entre elles. À leur contact, l’eau liquide gèle progressivement, de sorte que la cascade s’épaissit. Au bout d’un moment, elle atteint pourtant un seuil. De l’eau liquide continue de circuler, mais elle se retrouve emprisonnée par la glace. Ainsi isolée du froid, elle ne gèle pas et la cascade cesse de croître. Elle peut néanmoins continuer de grossir par épisodes, par exemple si un grimpeur libère de petits filets d’eau en plantant son piolet. « C’est notamment grâce aux images systématiques capturées par les appareils photo 2 que nous avons reconstitué cette évolution. Mais nous avons aussi assisté à > 6 © Photos : M. Dalmasso ©L. Moreau ZOOM 29 Dessus Bas 1 cm 1 Ce ne sont pas des sportifs qui évoluent sur ces cascades de glace suspendues à 150 m au-dessus du vide, mais les scientifiques du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement (LGGE) à Grenoble. 2 3 4 Le guide de haute montagne François Damilano (au premier plan) et Pierre- Alexandre Labory, étudiant au laboratoire, effectuent un prélèvement à l’aide d’un carottier portatif conçu et fabriqué au LGGE. 5 Échantillon d’une stalactite vu au microscope à la lumière polarisée. Une telle analyse permet d’étudier la répartition des cristaux de glace. © B. Cinquin-Lapierre 6 La cascade appelée Nuit-Blanche dans le massif du Mont-Blanc se compose de deux pans parallèles (à droite). C’est celui de gauche que l’équipe a étudié. Le journal du CNRS n°244 mai 2010



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