26 > L’ENQUÊTE réserves mondiales de diamants, 73% des réserves de platine, 42% des réserves de bauxite, 40% des réserves d’or, 38% des réserves d’uranium, 10% des réserves de pétrole, 8% des réserves de gaz naturel. Sans oublier un fabuleux capital forestier. Problème : les pays occidentaux et les principaux États émergents (Chine, Inde, Brésil) se ruent sur ces matières premières pour diversifier leurs approvisionnements énergétiques. La raison ? « Ces ressources y sont, d’une certaine façon, plus faciles d’accès qu’ailleurs, décrypte Géraud Magrin, du Pôle de recherche pour l’organisation et la diffusion de l’information géographique (Prodig) 1. Quand vous voulez exploiter du pétrole ou de l’uranium en Afrique, vous avez affaire, en général, à des États dotés de capacités de négociation réduites, alors que des pays comme le Venezuela ou la Russie se montrent beaucoup plus exigeants et imposent leurs conditions. » Et d’expliquer que la valeur croissante de l’or noir aiguise la compétition entre les multinationales présentes de longue date sur la scène africaine (les États-Uniens Exxon Mobil et Chevron Texaco, les Européens Shell, British Petroleum, Total et Agip) et deux nouvelles catégories d’acteurs : des compagnies privées originaires du Nord (Canada, États-Unis, Australie…) et moins grandes que les majors, et des entreprises issues des pays émergents. « Ces nouveaux venus cherchent à occuper des segments de marché où les majors sont moins présentes : exploration, gisements en fin de vie ou présentant un risque géopolitique, poursuit le même expert. Mais ils se montrent apparemment moins sensibles que les majors aux pressions de l’opinion publique occidentale dès qu’il est question des dégradations environnementales, de la spoliation des populations riveraines des champs de pétrole et des atteintes aux droits de l’homme, ce qui constitue un problème. Ils n’ont pas d’image de marque mondiale à défendre, ni de réseau de distribution qui pourrait être pénalisé par une campagne de boycott internationale. » UN FORMIDABLE POTENTIEL Paradoxalement, même les pays africains exportateurs de pétrole souffrent parfois de pénurie énergétique. Le Nigeria, premier producteur de pétrole africain et sixième mondial, dispose de quatre raffineries susceptibles de satisfaire sa propre demande et celle des pays voisins. Or, le mauvais entretien de ces installations l’oblige à importer régulièrement du carburant. Les chutes d’Inga, au Congo, considérées comme le meilleur potentiel hydroélectrique du monde, illustrent elles aussi les formidables potentialités naturelles de l’Afrique, et la marge de progrès dont disposent les pays dans leur exploitation : en effet, ces chutes ne sont valorisées à l’heure actuelle qu’à 2% de leurs possibilités. Pour valoriser et transformer des matières Le journal du CNRS n°244 mai 2010 © I. Sanogo/AFP © M. Nascimento/REA premières brutes, « encore faut-il disposer d’une population d’hommes et de femmes dont le niveau de qualification professionnelle et la productivité sont élevés, poursuit Patrick Plane, du Centre d’études et de recherches sur le développement international (Cérdi) 2. Mais en l’état de son système d’éducation, de recherche et de santé, « l’Afrique subsaharienne est loin de posséder un « capital humain » suffisant pour s’imposer dans la compétition économique mondiale ». Facteur aggravant, « la faiblesse même de ce capital conduit les investisseurs Au Congo, les chutes d’Inga sont les plus grosses chutes d’eau du monde en volume et représentent un formidable potentiel hydroélectrique. Grâce à des conditions climatiques idéales, le Kenya a développé la culture des fleurs coupées pour le marché international. étrangers à ne s’intéresser qu’à l’exploitation des ressources naturelles, et non à leur transformation parce qu’ils ne trouvent pas sur place le savoir-faire technique ad hoc ». Et voilà pourquoi l’on coupe les arbres en Afrique et l’on fabrique les meubles en Chine ! Autre entrave au décollage économique du continent : la rente. De quoi s’agit-il ? Des superprofits liés à des produits dont le prix de vente est très supérieur au coût de production. Pourtant, après les indépendances, les revenus |