CNRS Le Journal n°244 mai 2010
CNRS Le Journal n°244 mai 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°244 de mai 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,9 Mo

  • Dans ce numéro : Afrique le nouvel élan

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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26 > L’ENQUÊTE réserves mondiales de diamants, 73% des réserves de platine, 42% des réserves de bauxite, 40% des réserves d’or, 38% des réserves d’uranium, 10% des réserves de pétrole, 8% des réserves de gaz naturel. Sans oublier un fabuleux capital forestier. Problème : les pays occidentaux et les principaux États émergents (Chine, Inde, Brésil) se ruent sur ces matières premières pour diversifier leurs approvisionnements énergétiques. La raison ? « Ces ressources y sont, d’une certaine façon, plus faciles d’accès qu’ailleurs, décrypte Géraud Magrin, du Pôle de recherche pour l’organisation et la diffusion de l’information géographique (Prodig) 1. Quand vous voulez exploiter du pétrole ou de l’uranium en Afrique, vous avez affaire, en général, à des États dotés de capacités de négociation réduites, alors que des pays comme le Venezuela ou la Russie se montrent beaucoup plus exigeants et imposent leurs conditions. » Et d’expliquer que la valeur croissante de l’or noir aiguise la compétition entre les multinationales présentes de longue date sur la scène africaine (les États-Uniens Exxon Mobil et Chevron Texaco, les Européens Shell, British Petroleum, Total et Agip) et deux nouvelles catégories d’acteurs : des compagnies privées originaires du Nord (Canada, États-Unis, Australie…) et moins grandes que les majors, et des entreprises issues des pays émergents. « Ces nouveaux venus cherchent à occuper des segments de marché où les majors sont moins présentes : exploration, gisements en fin de vie ou présentant un risque géopolitique, poursuit le même expert. Mais ils se montrent apparemment moins sensibles que les majors aux pressions de l’opinion publique occidentale dès qu’il est question des dégradations environnementales, de la spoliation des populations riveraines des champs de pétrole et des atteintes aux droits de l’homme, ce qui constitue un problème. Ils n’ont pas d’image de marque mondiale à défendre, ni de réseau de distribution qui pourrait être pénalisé par une campagne de boycott internationale. » UN FORMIDABLE POTENTIEL Paradoxalement, même les pays africains exportateurs de pétrole souffrent parfois de pénurie énergétique. Le Nigeria, premier producteur de pétrole africain et sixième mondial, dispose de quatre raffineries susceptibles de satisfaire sa propre demande et celle des pays voisins. Or, le mauvais entretien de ces installations l’oblige à importer régulièrement du carburant. Les chutes d’Inga, au Congo, considérées comme le meilleur potentiel hydroélectrique du monde, illustrent elles aussi les formidables potentialités naturelles de l’Afrique, et la marge de progrès dont disposent les pays dans leur exploitation : en effet, ces chutes ne sont valorisées à l’heure actuelle qu’à 2% de leurs possibilités. Pour valoriser et transformer des matières Le journal du CNRS n°244 mai 2010 © I. Sanogo/AFP © M. Nascimento/REA premières brutes, « encore faut-il disposer d’une population d’hommes et de femmes dont le niveau de qualification professionnelle et la productivité sont élevés, poursuit Patrick Plane, du Centre d’études et de recherches sur le développement international (Cérdi) 2. Mais en l’état de son système d’éducation, de recherche et de santé, « l’Afrique subsaharienne est loin de posséder un « capital humain » suffisant pour s’imposer dans la compétition économique mondiale ». Facteur aggravant, « la faiblesse même de ce capital conduit les investisseurs Au Congo, les chutes d’Inga sont les plus grosses chutes d’eau du monde en volume et représentent un formidable potentiel hydroélectrique. Grâce à des conditions climatiques idéales, le Kenya a développé la culture des fleurs coupées pour le marché international. étrangers à ne s’intéresser qu’à l’exploitation des ressources naturelles, et non à leur transformation parce qu’ils ne trouvent pas sur place le savoir-faire technique ad hoc ». Et voilà pourquoi l’on coupe les arbres en Afrique et l’on fabrique les meubles en Chine ! Autre entrave au décollage économique du continent : la rente. De quoi s’agit-il ? Des superprofits liés à des produits dont le prix de vente est très supérieur au coût de production. Pourtant, après les indépendances, les revenus
© H. de Foresta/IRD faramineux tirés de la vente de produits pétroliers, miniers et agricoles sur le marché mondial n’avaient rien d’un problème. Ils ont alors été utilisés par de nombreux États africains pour « développer leur marché intérieur en s’industrialisant et en limitant leurs importations. Et ces revenus ont été distribués par les gouvernants à des réseaux (fonctionnaires, responsables de sociétés publiques…) afin d’assurer la stabilité sociale et politique dans des pays composés de mosaïques ethniques, dit Bernard Conte, du Centre d’études d’Afrique noire (Céan). Malgré une dérive progressive, ces modèles ont été porteurs de croissance dans les années 1960-1970, à tel point que l’on a pu parler de « miracle », comme en Côte d’Ivoire ». La crise de la dette de 1982 3 a marqué la fin de ces expériences et le début des Programmes d’ajustement structurels (PAS) imposés par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, en contrepartie de leur « aide » financière. La réduction de la dépense publique, la privatisation, la déréglementation, la libéralisation, les dévaluations… inclus dans les PAS, poursuit le même expert, « ont provoqué la captation de la rente par des firmes multinationales du Nord. Le volume de la rente restant sur le sol national a été drastiquement réduit et a aiguisé les appétits des élites africaines qui n’ont plus recyclé cet argent dans des projets industriels, des programmes d’éducation et de santé… Le gâteau se réduisant, son partage a engendré des conflits parfois sanglants (au Liberia, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire…) que des États affaiblis par les PAS n’ont pas pu empêcher ». Attention, toujours, de ne pas parler de l’Afrique comme d’un ensemble, en oubliant que les économies qui la composent sont diverses. « À côté d’une majorité de pays dits à bas revenu (c’està-dire où le revenu par tête est inférieur à 975 $/an), on trouve des pays à revenu intermédiaire comme l’Angola ou le Cameroun (de 976 $ à 3855 $), et même des pays situés à la frange supérieure de cette catégorie comme le Gabon ou le Botswana (de 3856 $ à 11905 $) », explicite Nicole Alice Sindzingre, du laboratoire ÉconomiX. Par ailleurs, quand l’aide internationale demeure très forte dans certains pays, cette manne est marginale en Afrique du Sud ou au Nigeria. Hétérogénéité encore sachant que certains États dépendent de l’exportation de produits primaires agricoles (cacao, café, coton…) ou « extractifs » (ressources pétrolières ou minières), quand d’autres ont atteint un certain niveau d’industrialisation, à l’instar du Kenya qui s’est doté d’une agro-industrie relativement prospère (fleurs coupées, légumes de contre-saison). Au total toutefois, « l’Afrique subsaharienne exporte essentiellement des matières premières non transformées, commente Nicole Alice Sindzingre. Et son économie est caractérisée par sa faible industrialisation : les produits manufacturés ne représentent que 30% de ses exportations, contre 77% pour la région Asie-Pacifique ». Au Congo, une plantation d’eucalyptus en savane permet la production de bois. DES PISTES POUR L’AVENIR Pour accélérer le développement du continent, les solutions ne manquent pas (sur le papier). La priorité, pour de nombreux observateurs ? Construire des unions supranationales sur des bases régionales, comme cela existe déjà en Afrique australe où l’Afrique du Sud joue le rôle de pays locomotive. La constitution de vastes ensembles comparables à l’Union européenne permettrait aux États-membres de dépasser leurs faiblesses respectives et de faire émerger, à terme, des marchés suffisamment L’ENQUÊTE 27 larges pour peser sur la scène internationale. Mais, compte tenu de ses handicaps, « les seules règles du libéralisme ne peuvent s’appliquer à l’Afrique », plaide Patrick Plane. Le retard accumulé par le continent est tel que celui-ci ne pourra s’insérer pleinement dans l’économie mondiale que si « la communauté internationale lui concède unilatéralement des avantages commerciaux compatibles avec une régionalisation efficace. L’objectif est ambitieux, plus facile à évoquer qu’à mettre en application. Mais ce protectionnisme temporaire permettrait à l’Afrique de forger ses armes avant d’aborder le marché mondial ». Tous les espoirs restent donc permis. Philippe Testard-Vaillant 1. Unité CNRS/Universités Paris-I, -IV et -VII/EPHE/IRD. 2. Unité CNRS/Université d’Auvergne. 3. Après une période de crédit facile et bon marché, les pays africains ont eu à subir l’augmentation importante des taux d’intérêt décidée en 1979 par la réserve fédérale des États- Unis. Celle-ci a coïncidé avec la chute des cours des produits bruts au début des années 1980. CONTACTS ➔ Bernard Conte, conte@u-bordeaux4.fr ➔ Géraud Magrin, geraud.magrin@cirad.fr ➔ Patrick Plane, p.plane@u-clermont1.fr ➔ Nicole Alice Sindzingre sindzingre@wanadoo.fr POUR EN SAVOIR PLUS À LIRE > Politique en Afrique : état des débats et pistes de recherche, M. Gazibo etC. Thiriot (dir.), éd. Karthala, 2009. > L’Afrique, Hélène d'Almeida-Topor, éd. Le cavalier bleu, 2009. > Le développement face à la pauvreté, sous la direction de Patrick Plane, Bernard Decaluwé et Fouzi Mourji, éd. Économica, 2006. EN LIGNE > Le site de l’Association pour la promotion scientifique de l’Afrique, lancée par Vincent Rivasseau : www.scienceafrique.fr À VOIR > La grande muraille verte (2010, 21 min), de Nicolas Temple, CNRS Images (voir p.42). http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.php ? urlaction =doc&id_doc=2188 > La calebasse et le pluviomètre, (2007, 60 min) de Marcel Dalaise, produit par CNRS Images, IRD, Météo France et Ifremer. http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.php ? urlaction =doc&id_doc=1817 Contact : Véronique Goret (Ventes), CNRS Images – vidéothèque. Tél. : 01 45 07 59 69 – videotheque.vente@cnrs-bellevue.fr Le journal du CNRS n°244 mai 2010



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