24 > © F. Perri/REA L’ENQUÊTE Copenhague, décembre 2009, lors de la conférence sur le climat. À la tribune, le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi s’exprime au nom du continent africain. Une illustration de la capacité qu’a l’Afrique, parfois, à parler d’une seule et même voix sur la scène mondiale. De même, depuis quelques années, à l’occasion des négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le continent fait bloc pour défendre ses intérêts dans certains dossiers, comme celui du coton. Par ailleurs, les préoccupations sécuritaires des grandes puissances occidentales en butte au terrorisme post- 11 septembre 1, leur recherche d’appuis dans les organisations internationales et la compétition pour l’accès aux ressources minérales et aux hydrocarbures dont regorge le sous-sol africain ont redoré le blason géopolitique du continent. Lequel pèse de facto d’un plus grand poids dans le jeu diplomatique international, même si encore aujourd’hui, aucun pays africain ne dispose d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies. La situation n’a donc plus rien à voir avec ce qu’elle était après la chute du mur de Berlin en 1989 et l’implosion de l’Empire soviétique, deux évènements quasi concomitants à la fin de l’apartheid sud-africain. « Le continent a alors cessé de constituer un terrain d’affrontement indirect entre les camps occidental et communiste. L’arrêt de la Guerre froide s’est traduite par un désengagement américain et soviétique en Afrique et une perte d’intérêt géostratégique pour la région pendant toute la décennie 1990 », rappelle Philippe Hugon, professeur émérite à Paris-Ouest-Nanterre-La Défense et Le journal du CNRS n°244 mai 2010 directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Reste que le rêve panafricain (l’idée de faire disparaître les frontières tracées par les ex-puissances coloniales pour construire une Afrique constituant une seule nation), porté au milieu du siècle dernier par le Ghanéen Kwame Nkrumah, a du plombdans l’aile. Le concept ne suscite aujourd’hui qu’un intérêt de façade et nul ou presque n’envisage sérieusement sa concrétisation à court terme. L’avènement de l’Union africaine (UA), qui a succédé en 2002 à l’Organisation de l’unité africaine (OUA) et regroupe la quasi totalité des États du continent était censé relever le flambeau du panafricanisme et conduire sur la scène mondiale une Afrique soudée. Or, commente Richard Banégas, du Cémaf, « malgré les efforts accomplis par cet organisme pour se doter d’institutions robustes (commission, parlement, cour de justice…), unifier les tarifs douaniers et mettre en place des mécanismes de concertation régionale, les rivalités internes et les intérêts nationaux l’emportent et l’empêchent d’exercer efficacement son rôle ». Une unité d’autant plus difficile à réaliser que le spectre des conflits armés continue de hanter le Tchad, la Somalie, l’Érythrée, l’Éthiopie, le Soudan… La région la plus conflictuelle demeurant la Corne de l’Afrique. « Le nombre de conflits est toutefois en légère diminution puisque les guerres civiles du Liberia et de Sierra Leone, engagées au début des années 1990, ont débouché sur des solutions politiques, relève Roland Marchal, du Centre d’études et de recherches internationales (Céri) 2. D’autre part, les grandes puissances considèrent que la situation dans la région des Grands En début d’année, a eu lieu le 9 e forum sur l’éducation pour tous au siège de l’Union africaine, à Addis- Abeba, en Éthiopie. L’Afrique en quête d’unité Le continent africain fait bloc pour défendre ses intérêts dans le secteur du coton. Lacs est normalisée dans la mesure où l’on se dirige vers des élections au Burundi et au Rwanda, et que le conflit entre rebelles et armée gouvernementale dans l’est de la République démocratique du Congo, pour extraordinairement problématique qu’il reste, semble en voie de règlement. Même si on peut ne pas partager cet optimisme. » Philippe Testard-Vaillant 1. Le Centre de commandement militaire des États-Unis pour l’Afrique (Africom), dont le siège temporaire est installé à Stuttgart, en Allemagne, a été créé en 2006. 2. Unité CNRS/Sciences Po Paris. CONTACTS ➔ Richard Banégas richard.banegas@noos.fr ➔ Philippe Hugon philippehugon@neuf.fr ➔ Roland Marchal marchal@ceri-sciences-po.org LE VRAI PRIX DE LA CRISE La bourrasque financière qui a éclaté aux États-Unis pendant l’été 2007 et dégénéré en tornade mondiale un an plus tard a-t-elle lourdement frappé l’Afrique ? Oui et non. « Les pays subsahariens possèdent en général des systèmes financiers peu sophistiqués, ainsi qu’un nombre limité de banques et de Bourses. Ces pays ont donc été moins exposés que les pays développés aux ravages des produits financiers dits toxiques (comme les subprimes) », assure Nicole Alice Sindzingre, du laboratoire ÉconomiX 1. En revanche, la chute de la demande mondiale pour les produits exportés par les pays subsahariens ou la chute de leur prix ont retenti sur des économies déjà fragilisées par leur faible compétitivité. En 2008, le © S. Torfinn/PANOS-REA |