20 © Ch. Boisseaux/LA VIE-REA > L’ENQUÊTE Qu’en est-il de sa démographie ? En 2009, l’ensemble du continent africain a franchi le cap symbolique du milliard d’habitants. Resté longtemps sous-peuplé parce que saigné par la traite négrière et les épidémies de tout poil, le continent, qui hébergeait un être humain sur dix au milieu du XX e siècle, en abrite désormais un sur sept et cumule les records démographiques, dont celui de la plus forte fécondité (4,6 enfants par femme contre 2,5 de moyenne mondiale) et de la jeunesse (43% des Africains ont moins de 15 ans). Si la population africaine croît de 2 à 3% par an depuis vingt ans, « elle dispose encore de beaucoup d’espace, notamment en Afrique équatoriale, où la densité de population est extraordinairement basse, fait observer Hervé Le Bras, du Laboratoire de démographie historique (LDH-CRH) 3. Et comme les rendements à l’hectare des cultures sont faibles, leur amélioration pourrait permettre de nourrir les bouches supplémentaires. Il n’y a donc pas de raison de brandir le spectre d’une croissance démographique effrénée synonyme de tous les dangers (famines, émigration, terrorisme, conflits armés…) ». TRANSITIONS DÉMOGRAPHIQUES Qui plus est, plusieurs pays subsahariens, comme le Kenya, enregistrent une baisse d’environ 30% de leur fécondité par rapport aux années 1990. Et le Maghreb est en pleine transition démographique car la fécondité y est en baisse (2 enfants par femme en Tunisie, 2,3 en Algérie, 2,4 au Maroc…). En outre, l’âge des femmes à la naissance de leur premier enfant y a considérablement augmenté (plus de 29 ans, contre 19 ans au moment des indépendances). Cependant, à l’échelle du continent, les femmes africaines déclarent encore avoir plus d’enfants qu’elles n’en souhaitent. Il faut dire que la contraception y est 2,4 fois moins pratiquée qu’en Europe ou en Asie. C’est qu’ « il ne suffit pas de distribuer des préservatifs, comme on l’a Le journal du CNRS n°244 mai 2010 longtemps pensé, pour que la fécondité baisse, dit Hervé Le Bras. Le cocktail développement économique/scolarisation des jeunes filles/droit des femmes à l’égalité s’avère beaucoup plus efficace ». Bien que, pour l’heure, seulement 30% de la jeunesse fréquentent un établissement d’enseignement secondaire. HYPERPRÉSENCE DU RELIGIEUX Actrice de la mondialisation dans le domaine culturel et artistique, soucieuse d’endiguer la fuite de ses cerveaux à l’étranger et de consolider sa recherche scientifique, capable de peser dans les relations internationales à travers les partenariats qu’elle tisse avec des pays comme la Chine ou l’Inde ou lors de grandes conférences internationales comme celles sur le climat, l’Afrique actuelle est aussi un continent marqué par l’hyperprésence du religieux sur son sol. Le pourcentage de catholiques et de protestants y est l’un des plus forts dans le monde, à tel point que le centre de gravité du christianisme se déplace de son cœur historique européen vers le Sud. « Tous les Africains se revendiquent d’une religion, qu’il s’agisse du christianisme, de l’islam ou des religions animistes africaines, dit André Mary, du Centre d’études interdisciplinaires des faits religieux (CEIFR). Et ceci vaut pour les chefs d’État. Le mouridisme 4 du président sénégalais Abdoulaye Wade ou le pentecôtisme du président nigérian Olusegun Obasandjo sont une affaire publique. Le président du Gabon Ali Bongo est imam et prêche à la télévision lors des grandes fêtes de l’islam. » Une effervescence religieuse qui se traduit dans toutes les capitales africaines par un foisonnement de crèches, d’écoles confessionnelles et de centres de guérison qui font la prospérité de la mouvance évangélique (ou La religion tient une place importante en Afrique. Ici, une messe pentecôtiste à Kagioini, au Kenya. pentecôtiste), un néoprotestantisme dont le succès populaire menace les églises « missionnaires » et augure d’une « pentecôtisation » du champ religieux et politique. Ainsi va l’Afrique, continent singulièrement complexe. Philippe Testard-Vaillant 1. Unité CNRS/Univ. Paris-I/EPHE/Univ. de Provence. 2. Unité CNRS/IEP Bordeaux. 3. Unité CNRS/EHESS. 4. D’inspiration soufie, la confrérie des Mourides a été fondée par le cheikh Ahmadou Bamba au tournant du XIX e siècle. Cap-Vert 12% Gambie 1% Sahara Occidental Sénégal 8% Mauritanie 4% Guinée 9% Guinée Bissau 3% Sierra Leone 2% Liberia 17% 24% Maroc 12% Côte d’Ivoire 8% Mali 5,4% Burkina Faso 3% Ghana 6% < 5 000 étudiants Togo 5% Entre 5 000 et 10 000 Entre 10 000 et 50 000 Entre 50 000 et 100 000 Entre 100 000 et 500 000 > 500 000 Non renseigné Taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur Algérie 24% L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR EN AFRIQUE © Infographie : C. Hein pour le journal du CNRS CONTACTS ➔ Pierre Boilley pierre.boilley@univ-paris1.fr ➔ Hervé Le Bras herve.le-bras@ehess.fr ➔ André Mary andre-mary@wanadoo.fr ➔ René Otayekr.otayek@sciencespobordeaux.fr (Source : Unesco, données les plus récentes disponibles entre 2000 et 2009) Tunisie 32% Niger 1% Nigeria 10% Bénin 6% Guinée Équatoriale Sao Toméet-Principe 4% Cameroun 8% Gabon |