12 ©C. Marcelloni/CERN VIEDESLABOS Actualités PHYSIQUE DES PARTICULES Premières collisions au LHC En provoquant la première collision de protons à très haute énergie, les scientifiques du Cern viennent de franchir une étape très importante. Récit d’une journée historique. En ce matin du 30 mars 2010, l’ambiance est électrique dans les locaux de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern), à Genève. Une rencontre inédite est sur le point d’avoir lieu dans le Large Hadron Collider (LHC), plus grand accélérateur de particules de la planète. Dans cet anneau de 27 kilomètres de circonférence enfoui à 100 mètres sous terre de part et d’autre de la frontière franco-suisse, deux faisceaux de protons viennent d’être lancés dans des directions opposées à une vitesse frisant celle de la lumière. Les yeux rivés sur les écrans, des physiciens de l’Europe entière attendent, un brin fébriles, l’impact entre les particules subatomiques : « Après deux tentatives infructueuses depuis le début de la matinée, la tension est devenue perceptible dans la salle de contrôle », reconnaît Daniel Fournier, physicien au Laboratoire de l’accélérateur linéaire (Lal) 1 à Orsay et responsable de l’expérience Atlas 2 pour le CNRS. Il est 13 heures lorsque les premiers chocs protoniques se produisent enfin. Bien qu’aucun résultat ne soit attendu de Une visualisation de l’entrée en collision des deux faisceaux de protons dans le détecteur Atlas. ces premières collisions encore trop peu nombreuses, sur les écrans de contrôle des détecteurs, l’évènement se matérialise par une myriade de trajectoires de particules projetées dans toutes les directions. Pour réaliser cette prouesse, deux « paquets » de protons ont été projetés en sens inverse dans le LHC puis accélérés progressivement jusqu’à atteindre chacun une énergie de 3,5 millions de millions d’électronvolts (3,5 teraélectronvolts ou TeV). Si cette valeur est proche de l’énergie d’une Le journal du CNRS n°244 mai 2010 abeille en vol, elle n’en demeure pas moins… colossale. Car l’énergie portée par chaque proton est emprisonnée dans une sphère mille milliards de fois plus petite que l’insecte. Au cours de la journée, une trentaine de rencontres « explosives » à 7 TeV, un record sans précédent, seront comptabilisées chaque seconde. Cinq jours plus tard, les scientifiques en dénombrent déjà plusieurs centaines de millions. Ce ne sont pourtant que les prémisses d’un défi qui s’annonce bien plus passionnant : « Dans deux ou trois ans, lorsque le fonctionnement du LHC sera optimum, chaque proton atteindra une énergie de 7 TeV, s’enthousiasme Daniel Fournier. Grâce à un niveau de luminosité bien supérieur à celui obtenu actuellement, que nous obtiendrons en multipliant le nombre de « paquets » de protons lancés les uns contre les autres, nous espérons détecter pour la première fois des particules élémentaires inédites comme le fameux boson de Higgs ». Pour atteindre cet objectif, les chercheurs du Cern peuvent compter sur Atlas et CMS 3. Aucune particule ne devrait en effet échapper à ces superdétecteurs dont les couches successives de plusieurs mètres d’épaisseur corsettent le LHC au niveau des quatre points de collision potentiels 4. Ainsi, la communauté scientifique pourra-t-elle lever une partie du voile qui entoure les briques primordiales de l’Univers. Grégory Fléchet ➔ En savoir plus : « Naissance d’un géant », Le journal du CNRS n°222-223,pp. 6-10. 1. Unité CNRS/Université Paris-XI. 2. Atlas est un dispositif instrumental toroïdal pour le LHC. 3. Comme Atlas, CMS est un détecteur généraliste capable d’étudier tous les aspects des collisions entre protons. 4. Deux autres appareils, LHCb et Alice, étudient respectivement les désintégrations de particules porteuses d’une caractéristique quantique dite de beauté et les collisions entre noyaux de plomb, qui seront injectés ultérieurement dans le LHC. CONTACT ➔ Daniel Fournier Laboratoire de l’accélérateur linéaire (Lal), Orsay fournier@lal.in2p3.fr À Kiruna (Suède), les chercheurs vont lancer leur ballon pour mesurer les concentrations de méthane et de CO 2. EN BREF Des piétons modèles Comment se déplacent les piétons ? Des chercheurs du Centre de recherches sur la cognition animale 1 ont étudié les comportements collectifs en milieu urbain grâce à des enregistrements vidéo. Contrairement aux modèles simplifiés actuels selon lesquels les piétons se déplacent indépendamment les uns des autres, l’étude montre que 50 à 70% d’entre eux forment de petits groupes, souvent de deux à quatre personnes, marchant côte à côte ou bien en « V » ou en « U », selon la densité de la foule. Les simulations numériques des chercheurs ont ensuite montré que ces groupes réduisent l'efficacité globale du trafic d'environ 17%. Publiés le 7 avril dans PLoS One, ces résultats vont permettre d’améliorer les modèles de prévision afin de mieux gérer le trafic piétonnier. 1. Unité CNRS/Université Toulouse-III, avec l'École polytechnique fédérale de Zürich > Plus d’infos : www2.cnrs.fr/presse/communique/1852.htm |