CNRS Le Journal n°244 mai 2010
CNRS Le Journal n°244 mai 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°244 de mai 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,9 Mo

  • Dans ce numéro : Afrique le nouvel élan

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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10 © A. Diguet, D. Baigl, A. Saint-Jalmes/CNRS Photothèque VIEDESLABOS Actualités AGRONOMIE Au cœur du diamant noir Il aura fallu près de cinq ans à un consortium franco-italien, dont font partie des équipes du CNRS 1 et du Génoscope d’Evry, pour décrypter entièrement le génome de la truffe noire, Tuber melanosporum. Cinq années au terme desquelles le célèbre champignon tant prisé des fins gourmets livre ses secrets, avec quelques surprises à la clé. Première d’entre elles : la taille de son génome. Il est constitué de 125 millions de paires de bases 2, ce qui fait de lui le plus gros génome de champignon séquencé à ce jour. En comparaison, celui d’une simple levure n’en contient qu’une douzaine de millions. En revanche, le nombre de gènes se révèle assez restreint : seulement 7500 (la levure en possède environ 6 000). Et c’est de l’étude détaillée de ces gènes que OPTIQUE Des gouttes guidées par la lumière Le journal du CNRS n°244 mai 2010 sont venues les autres nouveautés. « Pendant longtemps, on a cru que Tuber melanosporum était autofertile, ou homothallique (sorte d’hermaphrodisme,ndlr) et qu’il n’y avait qu’une faible diversité génétique chez cette espèce, indique Claude Murat, chercheur à l’Inra et membre de l’équipe. C’est finalement le contraire. » Son mode de reproduction est en fait celui d’un champignon dit hétérothallique et nécessite la rencontre de deux « partenaires » compatibles. Les scientifiques ont identifié les gènes correspondant aux deux types sexuels. « Cet aspect inédit de la génétique des truffes aura peut-être des conséquences pratiques, explique Claude Murat. Certaines zones de culture – les truffières – produisent beaucoup. Est-ce parce qu’elles présentent des proportions idéales de champignons Après la pince optique, la tenaille optique. Les physiciens savent depuis longtemps comment déplacer des objets petits comme des grains de poussière à l’aide de faisceaux laser : c’est le principe de la pince optique. Une collaboration franco-japonaise vient d’élever ce principe un cran au-dessus. La technique de guidage lumineux qu’elle a élaborée est capable de déplacer des objets plus gros : des gouttelettes de taille millimétrique. Les chercheurs issus de trois laboratoires – le département de chimie de l’ENS Paris 1, l’Institut de physique de Rennes 2 et l’université de Kyoto – se sont penchés sur le cas d’une goutte d’huile flottant à la surface d’un réservoir d’eau. À cette eau, ils ont ajouté une molécule photosensible, spécialement synthétisée pour l’occasion, qui a la double particularité de venir se glisser à l’interface entre l’eau et l’huile, et de changer de géométrie en fonction de l’éclairement : sous une lumière bleue, la molécule est droite comme uni, tandis qu’elle devient coudée sous une lampe UV. Or, comme le décrit Damien Baigl, coauteur de ces travaux : « En changeant la conformation de la molécule, la lumière UV change son affinité visà-vis de l’eau et de l’huile et donc la tension de surface 3 à l’interface eau/huile. » L’éclairement d’une partie de la goutte provoque une variation de la tension de surface, entraînant un déplacement. Plus concrètement, la goutte fuit la lumière UV et est attirée par la lumière bleue. Et à la manière de doigts invisibles, des rayons de compatibles ? A contrario, les truffières peu productrices n’ont-elles en fait qu’un seul type sexuel, ce qui empêche la reproduction ? » L’analyse de la compatibilité sexuelle des truffes pourrait répondre à ces questions. Autre idée reçue battue en brèche : la pauvreté génétique du diamant noir. Les nouvelles données du séquençage ont montré une grande diversité entre les truffes issues de différentes régions. Les différences de goût entre les truffes du Périgord, de Charente, d’Italie ou d’Espagne pourraient donc ne pas être uniquement liées au terroir mais aussi trouver leur origine dans la génétique. Un goût qui n’a d’ailleurs plus de secrets. On connaissait déjà les composés volatiles à l’origine de la saveur délicate de la truffe, notamment les composés soufrés. Grâce au décryptage du génome, les réactions biochimiques qui les produisent ont pu être décortiquées. En passant, les scientifiques ont confirmé un potentiel allergène minime et une absence complète de toxicité. Les amateurs du diamant noir seront rassurés. Fabrice Demarthon 1. Unités « Architecture et fonction des macromolécules biologiques » (CNRS/Universités Aix-Marseille -I et -II) et « Génomique métabolique » (CNRS/CEA/Université d’Evry) 2. Le génome est composé d’une succession de bases – adénine (A), thymine (T), cytosine (C), guanine (G) – associées en paires. CONTACTS Centre Inra, Nancy ➔ Francis Martin fmartin@nancy.inra.fr ➔ Claude Murat claude.murat@nancy.inra.fr Des lettres et un motif réalisés grâce à une nouvelle technique de guidage lumineux qui permet de déplacer une goutte d'huile de 2mm de diamètre. Chaque photo est une superposition de prises : entre chacune d’elles, la goutte a été déplacée. lumière bicolores peuvent la piéger et permettre sa manipulation avec une force spectaculaire pour un objet physique d’une telle dimension. Si la démonstration de principe de cet effet a été faite avec un système huile-eau, toute combinaison de liquides est envisageable, sous réserve d’adapter l’affinité de la molécule photosensible aux liquides mis en jeu. La microfluidique, domaine en plein essor, pourrait être le premier terrain d’application de ces travaux. Consistant à manipuler de petites quantités de liquide à des fins par exemple d’analyse biologique, la microfluidique exige pour l’instant la présence, sur le trajet des liquides, de pompes et de vannes de taille inférieure au millimètre. Or cette micromachinerie est complexe à fabriquer et son remplacement par des pinces optiques impossible, car les échantillons de liquides sont trop volumineux. Le guidage lumineux de ceux-ci par molécules photosensibles résoudrait le problème. Xavier Müller 1. Unité « Processus d’activation sélectif par transfert d’énergie uni-électronique ou radiatif » (Pasteur). Unité CNRS/ENS Paris/Université Paris-VI. 2. Unité CNRS/Université Rennes-I. 3. La tension de surface est une force qui existe à l’interface entre deux milieux différents. C’est elle qui fait qu’une goutte d’eau ne s’étale pas sur une feuille de plastique. CONTACT ➔ Damien Baigl « Processus d’activation sélectif par transfert d’énergie uniélectronique ou radiatif », Paris damien.baigl@ens.fr
© PNAS PHYSIQUE STATISTIQUE La loi du chacun pour soi En s’inspirant de la physique des particules, des chercheurs ont établi une équation qui permet de prendre en compte les choix individuels pour simuler un comportement collectif. Chaque matin, des milliers d’automobilistes font le choix le plus judicieux à leurs yeux pour parvenir rapidement au bureau et finissent dans de grands embouteillages, toujours aux mêmes heures et aux mêmes endroits, qui retardent tout le monde. Ce type bien connu de paradoxe social, où l’action de chaque individu pour satisfaire ses attentes contribue à créer une dynamique sociale parfois insatisfaisante pour tous, peut être modélisé. Mais les modèles de comportement collectif ne permettent pas de lier directement le choix individuel à la dynamique globale : c’est l’ordinateur qui simule cette dynamique pas par pas, comme au jeu d’échecs, jusqu’à la fin de la partie. Bref, il n’y a en général pas de raccourci liant cette dynamique de masse aux règles de comportement de chaque individu ; toute la partie doit être jouée. Or, une équipe du Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon 1 et de l’Institut rhônalpin des systèmes complexes (Ixxi) 2, animée par Pablo Jensen, est parvenue à emprunter ce raccourci à l’aide d’une seule équation qui relie l’action d’un individu au phénomène de masse 3. Une manière de comprendre comment le microscopique (les individus) détermine le macroscopique (la société). Ces simulations de la répartition de deux types d’habitants dans un quartier tiennent compte d’une nouvelle variable : le comportement individuel. Leur travail s’applique à un modèle particulier, dû à Thomas Schelling, prix Nobel d’économie en 2005, qui étudie les choix de résidence urbaine de deux types d’habitants, les rouges et les verts. Schelling a montré que même si chaque habitant désire vivre dans un quartier mixte, il peut arriver que la ville finisse par se retrouver partagée en quartiers rouges et quartiers verts, ce qui ne satisfera personne. Selon les simulations, cela se produit quand les individus suivent une règle égoïste du type « si je vois un quartier plus mixte que le mien, j’y déménage », sans tenir compte des effets de leur déménagement sur les voisins. En revanche, la mixité sera réelle si les individus font un choix plus collectif, par exemple, en évaluant l’effet du déménagement sur la mixité de leur ancien et de leur nouveau quartier. Tels sont les résultats des simulations. Mais comment relier mathématiquement la règle individuelle de comportement à son effet global sur la ville ? C’est ici qu’intervient la physique statistique, qui s’occupe des grandes assemblées de particules : plutôt que de simuler les phénomènes de masse, elle les décrit au moyen d’équations exprimant ce lien entre l’action de VIEDESLABOS 11 chaque particule (données de départ) et la configuration globale qui en résulte. « Le problème, précise Pablo Jensen, c’est que les équations de la physique statistique décrivent des phénomènes très particuliers. Tout se passe comme si les particules étaient absolument altruistes : leur comportement est dicté uniquement par la recherche d’un équilibre collectif du système. Mais dans la société, chaque individu définit son comportement selon un mélange entre ses propres souhaits et des contraintes collectives. Or nous pensons avoir réussi à intégrer la donnée « souhaits individuels » à l’équation « collective » de la physique statistique. » Concrètement, les chercheurs ont proposé une équation décrivant la mixité des quartiers de la ville en fonction de ce jeu « choix égoïste–contrainte collective ». Et leur résultat coïncide avec les simulations : dans le cas où l’égoïsme est maximal et le collectif minimal, on retrouve l’effet de ségrégation ; dans le cas inverse, la répartition est mixte. Mieux : leur fonction permet de suivre tout le dégradé entre ces deux extrêmes en faisant varier le couple de paramètres égoïsme-collectif. Aujourd’hui, les physiciens, en collaboration avec une économiste, veulent publier une version plus économique de leur travail. Une manière de jouer collectif. Roman Ikonicoff 1. Unité CNRS/ENS Lyon/Université Lyon-I. 2. L’Ixxi fédère près de 200 chercheurs de laboratoires différents autour de la thématique des systèmes complexes. 3. Étude publiée le 8 décembre 2009 dans PNAS n°106 vol. 49,pp. 20 622-20 626. CONTACT ➔ Pablo Jensen Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon pablo.jensen@ens-lyon.fr Le journal du CNRS n°244 mai 2010 © Isu/Getty Images



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