CNRS Le Journal n°243 avril 2010
CNRS Le Journal n°243 avril 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°243 de avril 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,2 Mo

  • Dans ce numéro : La révolution laser

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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8 VIEDESLABOS Actualités ARCHÉOLOGIE Neuf mois de fouilles entre 2008 et 2009 auront été nécessaires à l’équipe de Sébastien Bully, du laboratoire « Archéologie, terre, histoire, sociétés » (AR- TeHIS) 1, pour sortir de terre les vestiges de l’une des églises de l’abbaye de Luxeuil-les-Bains en Franche-Comté. Quel Luxovien aurait pu s’imaginer que sous la place où il faisait son marché se cachaient près de 125 sarcophages datés entre le V e et le début du VIII e siècle ? Comment auraitil pu penser qu’il s’agissait là de l’une des plus grandes concentrations de l’Est de la France ? « Les premières tombes et les premiers squelettes ne sont qu’à quelques centimètres du sol actuel, confie Sébastien Bully. On passe presque directement du goudron de la route aux couvercles des sarcophages. » Ce bond chronologique éclair s’explique : l’ensemble des couches supérieures du sol a disparu parce qu’au XIX e siècle, la ville a abaissé le niveau de la place à deux reprises. C’est à la suite d’un sondage effectué en prévision de travaux que les archéologues ont découvert le site et engagé les fouilles programmées. « En 2005, précise l’archéologue, nous avons fait une grande tranchée sur la place parce que des sources d’archives et des plans anciens indiquaient la présence d’une église funéraire appartenant à l’abbaye de Luxeuil, l’une des abbayes les plus prestigieuses du monde occidental du haut Moyen Âge. » Cette renommée, elle la doit à son fondateur Colomban, un moine irlandais, et à ses multiples © Photos : équipe de fouille, CNRS Un monastère à fleur de bitume En Haute-Saône, des archéologues du CNRS viennent d’exhumer les vestiges de l’un des plus importants monastères d’Europe du haut Moyen Âge : environ 125 sarcophages, des murs bien conservés d’une église funéraire et une crypte. Une stèle funéraire antique sculptée forme le couvercle de ce sarcophage (V e siècle). Le journal du CNRS n°243 avril 2010 disciples. Grâce à eux, l’abbaye va devenir un lieu de formation d’abbés et d’évêques qui, à leur tour, fonderont une cinquantaine de monastères dans toute l’Europe. Luxeuil s’imposera alors, entre le VII e et le X e siècle, comme une véritable capitale monastique. Aujourd’hui, les résultats de ces fouilles remettent en question une partie de l’histoire de la ville et de la fondation de son abbaye. On pensait que saint Colomban avait édifié son monastère à la fin du VI e siècle dans une ville antique en ruine et désertée. Or, sur les 650 m 2 de fouilles, les archéologues ont constaté qu’il existait des preuves matérielles de la permanence d’une occupation. La plus ancienne, un quartier artisanal, remonte au I er siècle après Jésus-Christ. D’autres édifices se sont succédés au cours du temps dans les mêmes lieux : un habitat urbain galloromain ou domus du II e siècle, une nécropole païenne au IV e siècle ou encore une basilique paléochrétienne aux V et VI e siècles. La première mention de cette église funéraire remonte à la fin du X e siècle, dans un texte relatant l’inhumation « dans une crypte d’un travail admirable » 2, de saint Valbert, troisième abbé de Luxeuil. « Matérialiser et identifier cet espace à partir de sources écrites aussi anciennes, insiste l’archéologue, c’est rarissime. Grâce à cela, nous avons pu confronter le texte à la réalité : une salle quadrangulaire dont le décor architectural ne correspondait en rien à l’image que l’on pouvait s’en faire. » Les murs sans peintures, ni fresques, ni sculptures étaient seulement animés par des niches aveugles. Les vestiges du haut Moyen Âge mis au jour sont exceptionnels car ils restent très rares en Franche- Comté. Et leur analyse, par des études pluridisciplinaires (anthropologie, étude des céramiques, des monnaies…), apportera un riche complément aux sources historiques. Les conclusions définitives devraient être rendues en fin d’année. Depuis la fin du mois de janvier, le chantier de fouilles est terminé mais le site ne sera pas remblayé. En effet, la ville de Luxeuil envisage de préserver les lieux et de mettre en valeur ces découvertes. Pour cela, une demande de protection au titre des monuments historiques et un projet de musée sont en cours. Après restauration, les vestiges seront exposés. Des passerelles et des vitres de verre seront aménagées directement sur le site pour permettre aux visiteurs de marcher sur les traces de la ville antique de Luxovium et de son monastère. Géraldine Véron 1. Unité CNRS/Université de Bourgogne/Ministère de la culture et de la communication. 2. Récit des miracles des abbés Eustasie et Valbert, écrit par l’abbé Adson. CONTACT ➔ Sébastien Bully Archéologie, terre, histoire, sociétés (ARTeHIS), Dijon sebastien.bully@club-internet.fr
Vue générale de la nécropole. La plupart des sarcophages sont intacts, leurs couvercles scellant encore la cuve. ALZHEIMER L’énigme du cuivre presque résolue Depuis quelques années, on sait que le cuivre, et plus précisément l’ion cuivrique Cu 2+, est impliqué dans la maladie d’Alzheimer. Des éléments à charge ont été avancés par plusieurs laboratoires dans le monde, sans que les détails exacts sur son rôle et la manière dont il interagit avec les autres éléments de la maladie ne soient connus. Aujourd’hui, les travaux réalisés au laboratoire « Systèmes membranaires, photobiologie, stress et détoxication » (SMPSD) 1, à Saclay, et au Laboratoire de chimie de coordination (LCC) du CNRS à Toulouse, apportent enfin des réponses précises sur ce point. Plus exactement, les scientifiques sont parvenus à déchiffrer l’interaction de l’ion cuivrique avec l’amyloïde-β. Ce peptide, constitué d’une chaîne de 40 à 42 acides aminés, est connu pour sa participation à la maladie d’Alzheimer. Dans un cerveau sain, il se trouve sous forme ÉVOLUTION Une hasardeuse histoire de l’humanité Selon le concept de sélection naturelle imaginé par Darwin, l’environnement modèle les espèces en éliminant les individus les moins adaptés à leur milieu. Chez l’humain, c’est au contraire le hasard, que les scientifiques qualifient de dérive génétique, qui serait le principal moteur de l’évolution. Et ce depuis les premières migrations d’Homo sapiens en dehors de l’Afrique, il y a 60 000 ans. Son importance dans le façonnage de l’espèce humaine vient d’être confortée par une nouvelle étude de grande ampleur 1 menée par des chercheurs du laboratoire Anthropologie bioculturelle 2 et de l’université de Stanford, aux États-Unis. Pour disposer d’un échantillon suffisamment représentatif des populations humaines contemporaines, l’équipe a tout d’abord réuni les données d’une cinquantaine d’études génétiques déjà publiées. À partir d’un vaste échantillon de 45 864 individus appartenant à 937 populations différentes, les scientifiques ont mesuré la diversité génétique du chromosome Y. Ils ont ensuite déterminé la valeur attendue de cette diversité en partant de l’hypothèse que seule la dérive génétique, ou la sélection naturelle, intervenait. « La diversité mesurée était très proche de celle obtenue dans l’hypothèse où seule la dérive génétique participait à l’évolution de l’homme, prouvant que le hasard avait donc joué un rôle prépondérant », souligne Jacques Chiaroni. Présent en un seul exemplaire dans le génome masculin, le chromosome Y a l’avantage de ne pas être soumis aux échanges de matériel génétique, appelés recombinaisons, entre les 22 autres chromosomes groupés par paires. Une particularité qui lui permet de garder intactes les mutations accumulées au fil du temps et de la colonisation de la planète par l’homme. Celle-ci a été entreprise à partir du rift africain par de petits groupes successifs, d’un millier d’individus tout au plus. Disposant d’un réservoir de diversité génétique forcément plus restreint que la population d’origine, ces pionniers ont subi, au fil des générations, la perte aléatoire de certaines variations –des allèles – d’un même gène. Quant aux allèles qui furent épargnés par le phénomène, ils ont vu leur fréquence augmenter très rapidement au fil du temps. C’est cette évolution que les chercheurs ont analysée. Pour autant, notre espèce n’est pas parvenue à s’affranchir totalement VIEDESLABOS 9 soluble. Dans celui d’un malade, il s’agrège en plaques saturées d’ions métalliques neurotoxiques (dont l’ion cuivrique). « Il y avait beaucoup de controverses concernant les acides aminés impliqués dans la fixation du cuivre », explique Pierre Dorlet, chercheur au SMPSD. La diversité des méthodes utilisées depuis 2000 ne permettait en effet pas de les identifier avec certitude. « Nous avons donc utilisé un ensemble de méthodes dites spectroscopiques et recoupé les résultats de toutes nos mesures. De façon univoque, nous avons réussi alors à déterminer quels étaient les acides aminés du peptide qui fixaient l’ion cuivrique. » À savoir deux acides aspartiques (Asp 1 et 7), deux acides glutamiques (Glu 3 et 11) et deux histidines (His 13 et 14). À Saclay, les chercheurs ont fait appel à la résonance paramagnétique électronique (RPE). À Toulouse, à la résonance magnétique nucléaire (RMN). Ces deux méthodes analogues de sondage des éléments ont abouti aux résultats publiés en novembre et en décembre dernier dans le journal allemand Angewandte Chemie 2. Reste à déterminer l’ordre des choses. « Ce que l’on ne connaît pas encore, souligne Pierre Dorlet, c’est la place du cuivre dans la chronologie de la maladie : si la concentration de cuivre est une des sources du mal ou si le mal est à l’origine de la concentration du cuivre. » La compréhension de cette étape dans la maladie d’Alzheime pourrait, à long terme, contribuer à la mise au point d’un remède. Stéphan Julienne 1. Laboratoire CNRS/CEA. 2. Vol. 48, Issue 50, 7 décembre, 2009,pp. 9 522-9 525 Vol. 48, Issue 49, 23 novembre 2009,pp. 9273-9276 CONTACT ➔ Pierre Dorlet SMPSD, Saclay pierre.dorlet@cea.fr des lois de la sélection naturelle : « Même si celle-ci a encore perdu du terrain avec la maîtrise du langage puis l’apparition de l’agriculture, qui ont permis aux hommes de s’adapter à leur milieu avant que la nature ne les y contraigne, explique Jacques Chiaroni, cela ne signifie pas que la sélection naturelle n’a plus prise sur nous. » En matière d’évolution le hasard ne ferait pas tout. Grégory Fléchet 1. Article publié dans PNAS, le 1 er décembre 2009, vol. 106, n°48,pp. 20 174-20 179. 2. Unité CNRS/Établissement français du sang/Université Aix-Marseille-II. CONTACT ➔ Jacques Chiaroni Anthropologie bioculturelle, Marseille jacques.chiaroni@efs.fr Le journal du CNRS n°243 avril 2010



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