CNRS Le Journal n°243 avril 2010
CNRS Le Journal n°243 avril 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°243 de avril 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,2 Mo

  • Dans ce numéro : La révolution laser

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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36 INSITU EXPERTISE De l’éthique pour les Stic Comment faire face aux multiples problèmes éthiques posés par l’explosion des technologies de l’information et de la communication dans notre société ? Le Comité d’éthique du CNRS (Comets) vient de livrer ses réponses à cette épineuse question. Impossible, pour qui observe la fantastique percée des sciences et technologies de l’information et de la communication (Stic) dans notre vie privée et professionnelle, de ne pas éprouver la double tentation contradictoire d’applaudir aux formidables bienfaits qu’elles apportent, tout en s’alarmant des menaces qu’elles comportent. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, le déploiement de ces technologies fournit en effet d’indéniables solutions pour mieux vivre ensemble. Tout quidam ou presque peut désormais s’adresser en quelques clics au monde entier grâce à Internet, et réciproquement, le monde entier peut s’adresser à lui. En contrepartie, l’actualité regorge d’exemples de dysfonctionnements parfois dramatiques : grandes pannes de réseaux, propagation malveillante de rumeurs ou d’informations personnelles, diffusion de données confidentielles, et cybercriminalité. Sans oublier les dérives inhérentes aux autres domaines d’application des Stic, qu’il s’agisse de la robotique, de la vidéosurveillance, du télétravail, des machines à voter électroniques, ou encore de la radio-identification. « Tous ces problèmes surgissent a posteriori, après le déploiement de ces technologies à grande échelle. Il est donc déjà trop tard pour rectifier le tir. Ce qui veut dire qu’il serait plus éthique de mener en amont (c’est-à-dire au moment même où se déroulent les recherches) une réflexion sur les conséquences possibles des résultats de ces travaux. Cette approche permettrait de mieux faire face aux problèmes liés aux Stic en concevant des technologies agiles ou en préparant des antidotes pour faciliter leur adaptation à la réalité et à l’évolution des usages constatés, voire de les contourner en identifiant de nouveaux modèles économiques et sociétaux », plaide Joseph Mariani, directeur de l’Institut des technologies multilingues et multimédias de l’information 1 et membre du Comité d’éthique du CNRS (Comets). Lequel vient de rendre un rapport sur ces questions brûlantes 2 au terme de dix réunions conduites par un groupe de travail multidisciplinaire entre novembre 2008 et septembre 2009, et de multiples auditions d’experts. Les recommandations formulées par le Le journal du CNRS n°243 avril 2010 Comets ? Entre autres, mieux sensibiliser les chercheurs aux enjeux éthiques des Stic via la création d’un site web incluant un forum de discussion, l’organisation d’un colloque ou l’ajout d’une rubrique « éthique » dans les dossiers d’activités, soutenir des projets communs avec les sciences humaines et sociales, former les étudiants dans les écoles doctorales ou en créant un master international sur le thème « Éthique et Stic », et donner au public une information objective sur l’avancée des recherches dans ce domaine en évitant les effets d’annonce. Surtout, les sages du Comets, à l’unisson avec les informaticiens de la commission chargée par l’Inria de plancher sur le même thème 3, prônent l’instauration d’un « Comité sur l’éthique des recherches en Stic ». Ce dispositif d’envergure nationale, qui devrait être porté sur les fonds baptismaux courant 2010 et alimenter une réflexion de fond sur l’impact éthique des Stic, « serait commun aux organismes de recherche nationaux travaillant dans ce domaine (CNRS, Inria, CEA, Institut Télécom…), aux universités et aux grandes écoles, commente Joseph Mariani. Il réunirait des chercheurs des Stic et des SHS (philosophes, juristes, économistes, sociologues, anthropologues…) ainsi que des industriels, et entretiendrait des liens avec les observatoires des usages des TIC existants, les comités d’éthique généralistes et la représentation nationale ». Philippe Testard-Vaillant 1. L’Immi est une unité mixte internationale commune au CNRS, à l’Université de Karlsruhe et à l’Université technique de Rhénanie-Westphalie. Joseph Mariani est également chercheur au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur du CNRS. 2. Pour une éthique de la recherche en sciences et technologies de l’information. Consultable en ligne : www.cnrs.fr/fr/organisme/ethique/comets/index.htm 3. Rapport sur la création d’un comité d’éthique en sciences et technologies du numérique. Disponible à l’adresse suivante : http:Ilwww.inria.fr/actualites/espace-presse/pdf/cprapportinria-ethiquestn.pdf CONTACT ➔ Joseph Mariani Institut des technologies multilingues et multimédias de l’information, Orsay joseph.mariani@limsi.fr ©C. Lebedinsky/CNRS Photothèque CERN En route vers une Ancien directeur de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3) du CNRS, Michel Spiro vient d’être élu à la présidence du conseil du Cern. Il nous parle des défis qui attendent l’organisation européenne, des débuts du LHC à la conception des accélérateurs de particules de demain. Pouvez-vous nous présenter le Cern et nous dire quel rôle joue son conseil ? Michel Spiro : Le Cern est l’organisation européenne pour la recherche nucléaire. Il réunit 20 États membres (18 pays de l’Union européenne plus la Suisse et la Norvège). Le conseil du Cern fixe la stratégie scientifique et les moyens à allouer aux différents projets du laboratoire situé près de Genève (à cheval sur la frontière francosuisse), qui emploie 2 250 personnes, accueille 10 000 utilisateurs du monde entier et dont le budget annuel est de 650 millions d’euros. En tant que président du conseil, mon rôle est de faire en sorte que les États arrivent à des décisions et votent des résolutions communes au cours des quatre conseils annuels.
nouvelle physique Votre mandat sera forcément marqué par les grands débuts du LHC… M. S. : En effet, mon mandat, qui est de trois ans, correspond à un moment crucial pour le Cern : la mise en route du LHC (le grand collisionneur d’hadrons), la plus grande et la plus ambitieuse machine jamais construite pour la physique des particules. Les premiers résultats scientifiques, qui devraient être obtenus durant mon mandat, conditionneront l’avenir de la discipline en Europe et dans le monde entier pour les 20 années qui viennent. C’est dire si ces résultats sont attendus avec impatience par tous les physiciens de la planète ! Après un an de retard, le LHC a commencé à fonctionner fin 2009. Quel est aujourd’hui le calendrier et quand espère-t-on obtenir les premiers résultats ? M. S. : Ce retard à l’allumage est dû à la complexité de la machine. Mais ce n’est pas catastrophique pour un projet qui doit durer vingt ans. Au cours de cette année, nous monterons progressivement la puissance déployée par la machine jusqu’à atteindre, fin 2010, la moitié de son énergie nominale, soit 7 téraélectronvolts (ou TeV) 1. Le LHC deviendra alors officiellement l’accélérateur de particules le plus puissant de la planète. Suivra ensuite une pause d’une année au cours de laquelle seront réalisées des modifications sur l’équipement afin d’obtenir, en 2012, l’énergie nominale, soit 14 TeV. À partir de là, les découvertes devraient se succéder. Le LHC est attendu par toute la communauté des physiciens. En quoi va-t-il révolutionner la discipline ? M. S. : Son principal objectif, c’est d’abord la découverte du fameux boson de Higgs. Cette particule est actuellement la pièce manquante du modèle standard, modèle sur lequel repose la physique des particules, pour expliquer d’où provient la masse de toutes les particules. Mais le LHC pourrait également ouvrir une nouvelle fenêtre sur la physique en découvrant de nouveaux constituants de la matière plus élémentaires encore que ceux que l’on connaît aujourd’hui et qui ne rentrent pas dans le cadre du modèle standard. Ce serait alors une véritable révolution scientifique. Et cela constituerait évidemment un argument fort pour construire un successeur au LHC. Au-delà de la physique des particules, c’est une meilleure compréhension de l’Univers dans son ensemble qui se jouera avec le LHC. Car il pourrait nous éclairer sur la disparition de l’antimatière aux débuts de l’Univers, sur la matière noire, qui constitue l’essentiel de la matière du cosmos mais dont la nature demeure encore mystérieuse. Ou encore sur l’énergie noire, elle aussi énigmatique, qui accélère l’expansion de l’Univers. Le Cern prépare-t-il d’ores et déjà l’après LHC ? M. S. : Oui bien sûr. Actuellement, la communauté scientifique réfléchit, pour l’horizon 2030, à une machine qui ferait entrer en collision des électrons et des positrons (dans le LHC, ce sont des collisions protons-protons). À la différence du LHC qui a une forme de cercle, elle serait linéaire et s’étendrait sur 30 km. Baptisé ILC, cet équipement permettrait d’étudier en détail le boson de Higgs, si bien sûr celui-ci est découvert par le Pour succéder au LHC, le Cern développe Clic, une technologie d'accélération des particules. © M. Brice/CERN Entretien HORIZON 37 LHC. Mais si par contre le LHC venait à découvrir d’autres particules avec des énergies supérieures, alors il faudrait concevoir une machine capable d’accélérer les électrons et les positrons à une énergie plus grande encore. Le Cern travaille actuellement au développement d’une telle technologie baptisée Clic. Et d’ici à trois ans, on devrait savoir si celle-ci est prometteuse et pas trop chère à mettre en place. Avez-vous bon espoir que cette future machine soit construite elle aussi par le Cern ? M. S. : Oui, je pense que le Cern a toutes les chances de conserver cette machine sur son territoire. Son principal atout est d’avoir construit le LHC et d’en avoir fait une collaboration mondiale : en plus des 20 États membres, environ 80 autres pays ont collaboré d’une manière ou d’une autre au projet en apportant des chercheurs ou des petites briques à la machine. Qui plus est, le Cern souhaite aujourd’hui s’ouvrir à d’autres pays. Cinq nouveaux États (Chypre, la Slovénie, la Serbie mais aussi la Turquie et Israël) demandent actuellement à entrer dans l’Organisation. Et la question de l’ouverture à des pays plus éloignés (Brésil, Inde, Chine, Corée et Canada) est d’actualité. Tout cela donne au Cern une longueur d’avance sur ses principaux concurrents que sont les États-Unis et le Japon. Et font de lui le centre mondial de la physique des particules pour longtemps encore. Enfin, pour conclure, quel bilan tirez-vous de vos sept années passées à la tête de l’IN2P3 ? M. S. : Le principal changement que j’ai voulu faire passer à ce poste, c’est que l’IN2P3 vive le fait d’être au CNRS comme une chance et y voit l’opportunité de développer des projets interdisciplinaires avec les autres instituts du CNRS. Et réciproquement que le CNRS considère comme une chance que l’IN2P3 en fasse partie parce qu’il y a des méthodes de travail –liées à la gestion de grands projets – dont les autres instituts peuvent s’inspirer. Je pense avoir atteint mon objectif. En témoignent les rapprochements qui se sont opérés entre nos chercheurs et ingénieurs et ceux d’autres disciplines telles l’énergie nucléaire, l’environnement, la santé. Et surtout l’étude de l’Univers où une nouvelle branche, celle des astroparticules, s’est créée. Propos recueillis par Julien Bourdet © CERN 1. L’électronvolt est une unité de mesure d’énergie qui désigne aussi, en physique des particules, la masse des particules. Un TeV correspond à l’énergie d’un moustique en vol. Mais ici, cette énergie est concentrée dans un proton, 1000 milliards de fois plus petit qu’un moustique. CONTACT ➔ Michel Spiro Cern, Genève michel.spiro@cern.ch Le journal du CNRS n°243 avril 2010



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