36 INSITU EXPERTISE De l’éthique pour les Stic Comment faire face aux multiples problèmes éthiques posés par l’explosion des technologies de l’information et de la communication dans notre société ? Le Comité d’éthique du CNRS (Comets) vient de livrer ses réponses à cette épineuse question. Impossible, pour qui observe la fantastique percée des sciences et technologies de l’information et de la communication (Stic) dans notre vie privée et professionnelle, de ne pas éprouver la double tentation contradictoire d’applaudir aux formidables bienfaits qu’elles apportent, tout en s’alarmant des menaces qu’elles comportent. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, le déploiement de ces technologies fournit en effet d’indéniables solutions pour mieux vivre ensemble. Tout quidam ou presque peut désormais s’adresser en quelques clics au monde entier grâce à Internet, et réciproquement, le monde entier peut s’adresser à lui. En contrepartie, l’actualité regorge d’exemples de dysfonctionnements parfois dramatiques : grandes pannes de réseaux, propagation malveillante de rumeurs ou d’informations personnelles, diffusion de données confidentielles, et cybercriminalité. Sans oublier les dérives inhérentes aux autres domaines d’application des Stic, qu’il s’agisse de la robotique, de la vidéosurveillance, du télétravail, des machines à voter électroniques, ou encore de la radio-identification. « Tous ces problèmes surgissent a posteriori, après le déploiement de ces technologies à grande échelle. Il est donc déjà trop tard pour rectifier le tir. Ce qui veut dire qu’il serait plus éthique de mener en amont (c’est-à-dire au moment même où se déroulent les recherches) une réflexion sur les conséquences possibles des résultats de ces travaux. Cette approche permettrait de mieux faire face aux problèmes liés aux Stic en concevant des technologies agiles ou en préparant des antidotes pour faciliter leur adaptation à la réalité et à l’évolution des usages constatés, voire de les contourner en identifiant de nouveaux modèles économiques et sociétaux », plaide Joseph Mariani, directeur de l’Institut des technologies multilingues et multimédias de l’information 1 et membre du Comité d’éthique du CNRS (Comets). Lequel vient de rendre un rapport sur ces questions brûlantes 2 au terme de dix réunions conduites par un groupe de travail multidisciplinaire entre novembre 2008 et septembre 2009, et de multiples auditions d’experts. Les recommandations formulées par le Le journal du CNRS n°243 avril 2010 Comets ? Entre autres, mieux sensibiliser les chercheurs aux enjeux éthiques des Stic via la création d’un site web incluant un forum de discussion, l’organisation d’un colloque ou l’ajout d’une rubrique « éthique » dans les dossiers d’activités, soutenir des projets communs avec les sciences humaines et sociales, former les étudiants dans les écoles doctorales ou en créant un master international sur le thème « Éthique et Stic », et donner au public une information objective sur l’avancée des recherches dans ce domaine en évitant les effets d’annonce. Surtout, les sages du Comets, à l’unisson avec les informaticiens de la commission chargée par l’Inria de plancher sur le même thème 3, prônent l’instauration d’un « Comité sur l’éthique des recherches en Stic ». Ce dispositif d’envergure nationale, qui devrait être porté sur les fonds baptismaux courant 2010 et alimenter une réflexion de fond sur l’impact éthique des Stic, « serait commun aux organismes de recherche nationaux travaillant dans ce domaine (CNRS, Inria, CEA, Institut Télécom…), aux universités et aux grandes écoles, commente Joseph Mariani. Il réunirait des chercheurs des Stic et des SHS (philosophes, juristes, économistes, sociologues, anthropologues…) ainsi que des industriels, et entretiendrait des liens avec les observatoires des usages des TIC existants, les comités d’éthique généralistes et la représentation nationale ». Philippe Testard-Vaillant 1. L’Immi est une unité mixte internationale commune au CNRS, à l’Université de Karlsruhe et à l’Université technique de Rhénanie-Westphalie. Joseph Mariani est également chercheur au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur du CNRS. 2. Pour une éthique de la recherche en sciences et technologies de l’information. Consultable en ligne : www.cnrs.fr/fr/organisme/ethique/comets/index.htm 3. Rapport sur la création d’un comité d’éthique en sciences et technologies du numérique. Disponible à l’adresse suivante : http:Ilwww.inria.fr/actualites/espace-presse/pdf/cprapportinria-ethiquestn.pdf CONTACT ➔ Joseph Mariani Institut des technologies multilingues et multimédias de l’information, Orsay joseph.mariani@limsi.fr ©C. Lebedinsky/CNRS Photothèque CERN En route vers une Ancien directeur de l’Institut national de physique nucléaire et de physique des particules (IN2P3) du CNRS, Michel Spiro vient d’être élu à la présidence du conseil du Cern. Il nous parle des défis qui attendent l’organisation européenne, des débuts du LHC à la conception des accélérateurs de particules de demain. Pouvez-vous nous présenter le Cern et nous dire quel rôle joue son conseil ? Michel Spiro : Le Cern est l’organisation européenne pour la recherche nucléaire. Il réunit 20 États membres (18 pays de l’Union européenne plus la Suisse et la Norvège). Le conseil du Cern fixe la stratégie scientifique et les moyens à allouer aux différents projets du laboratoire situé près de Genève (à cheval sur la frontière francosuisse), qui emploie 2 250 personnes, accueille 10 000 utilisateurs du monde entier et dont le budget annuel est de 650 millions d’euros. En tant que président du conseil, mon rôle est de faire en sorte que les États arrivent à des décisions et votent des résolutions communes au cours des quatre conseils annuels. |