32 INSITU Entretien FINANCEMENT DE LA RECHERCHE « Une vraie dynamique s’est créée » L’Agence nationale de la recherche (ANR) fête son cinquième anniversaire. Sa directrice générale, Jacqueline Lecourtier, dresse un premier bilan, évoque la place de l’agence dans le paysage scientifique, ses relations avec le CNRS et les étapes à venir. Avant tout, quel est le rôle de l’ANR ? Jacqueline Lecourtier : Créée en 2005, l’ANR est une agence de financement de la recherche. Chaque année, nous lançons des appels à projets (AAP). Les chercheurs déposent ensuite leurs dossiers, et les meilleurs sont sélectionnés. Pour les AAP non thématiques, l’excellence scientifique et technique est l’unique critère de sélection. La pertinence économique entre également en jeu pour les projets menés par des entreprises. Les projets retenus sont financés pour une durée maximale de quatre ans. Mais cette durée peut être doublée quand nous finançons la suite de projets arrivés à leur terme : c’était le cas pour 15% des projets soutenus l’an passé. En 2009, 58 AAP ont été lancés, issus de sept programmes : biologie et santé ; écosystèmes ; énergie et écotechnologies ; Stic 1 et nanotechnologies ; sciences humaines et sociales ; matériaux, procédés, sécurité ; non thématique. Un budget de 657 millions d’euros a été alloué aux 1 341 dossiers retenus. Le journal du CNRS n°243 avril 2010 © J. Le Goff Quel bilan dressez-vous de l’agence depuis sa création ? J.L. : La demande s’est maintenue à un niveau élevé, avec environ 6000 projets soumis chaque année ! Autre enseignement, le financement moyen augmente : de 267000 € en 2005, il atteint aujourd’hui 480 000 €. Parallèlement, une vraie dynamique s’est créée : les projets pluridisciplinaires se multiplient, la qualité et la structuration des dossiers soumis s’améliorent, et des consortiums entre public et privé se sont mis en place pour répondre à nos appels. C’est une réelle satisfaction car un de nos objectifs est de stimuler la création de partenariats. Nous nous réjouissons aussi du taux de placement des jeunes chercheurs sur le marché de l’emploi après un CDD ou un postdoctorat financé grâce à l’ANR. Selon la dernière enquête, moins de 5% d’entre eux se retrouvent ensuite au chômage. Enfin, une des grandes évolutions concerne le pourcentage du budget consacré au programme non thématique. Il est passé de 28% en 2005 à 35% en 2009, et atteint 50% en 2010. Cette progression répond à la demande de scientifiques académiques pour qui la liberté de choix des sujets est une condition nécessaire de succès de la recherche et de l’innovation. C’était notamment celle de nombreuses équipes du CNRS. Conséquence : le nombre de demandes pour des projets non thématiques a bondi de 35% en 2010. D’autres modifications ont-elles été opérées depuis 2005 ? J.L. : Nous avons mis en place une démarche qualité qui a porté ses fruits. Tout d’abord, l’évaluation des projets et le processus de sélection se sont sensiblement améliorés 2. Les délais de réponse se sont homogénéisés et ne sont plus que de quatre mois maximum. Quant au temps nécessaire entre la sélection des dossiers et l’arrivée des fonds dans les laboratoires, il n’excède pas six mois. Parallèlement, les dossiers de demande de financement ont été simplifiés au maximum. Toutes les informations aujourd’hui demandées sont vraiment indispensables pour effectuer une évaluation pertinente, et permettent de gagner du temps sur la phase de contractualisation. Nous sommes également dans un processus d’amélioration continue des explications envoyées aux porteurs de projets non sélectionnés : près de 4 500 refus doivent être expliqués chaque année ! Enfin, en février 2008, l’agence s’est dotée d’un Conseil de prospective afin d’anticiper au mieux sur les sujets qui feront l’actualité de demain. Nous organisons aussi cinq à six ateliers de réflexion prospective par an, ciblés sur des questions stratégiques telles que la réduction des dépenses de santé ou le réchauffement climatique. Quels liens entretient l’ANR avec le CNRS ? J.L. : Précisons tout d’abord que plusieurs experts issus du CNRS figurent dans nos rangs : Alain Aspect, directeur de recherche au CNRS et Médaille d’or de l’organisme en 2005, est membre du Conseil d’administration présidé par Jacques Stern, lui-même Médaille d’or du CNRS en 2006 ; Patrick Chaussepied dirige le département biologie-santé. La responsabilité de nombreux programmes de l’ANR est également confiée à certains de ses chercheurs. Par ailleurs, la mobilisation des scientifiques du CNRS est forte pour nous aider à évaluer les projets, notamment ceux du programme blanc où ils BIOLOGIE SANTÉ 28% STIC NANOTECHNOLOGIES 28% RÉPARTITION DES FINANCEMENTS POUR LES APPELS À PROJETS THÉMATIQUES (de 2005 à 2008) représentent près de 50% des experts sollicités. Depuis la création de l’agence, l’unité support 3 pour la gestion de ce programme est d’ailleurs une unité propre du CNRS. Et grâce à sa récente réforme en Instituts thématiques, il devrait être encore plus pertinent pour nous aider à la programmation scientifique, et à dresser le bilan des projets arrivés à terme. Côté financements, le CNRS est le premier bénéficiaire des dotations accordées par l’ANR depuis sa création, à égalité avec les universités (environ 24% chacun). Plus largement, comment se positionne l’ANR dans le paysage scientifique français récemment redessiné ? J.L. : Même si son budget ne représente que 8% de la dépense publique nationale de recherche, l’agence apporte de la flexibilité dans le L’ANR EN CHIFFRES 150 personnes/Environ 50 appels à projets par an/Près de 6000 projets soumis chaque année/5800 projets et 20000 équipes financés entre 2005 et 2009/Budget total attribué depuis 2005 : 2,4 milliards d’euros/Budget 2009 : 860 millions d’euros dont 3,2% affectés aux frais de fonctionnement/Taux de sélection 2009 : 22,5% /Aide moyenne par projet en 2009 : 430000 € (projets académiques), 870000 € (projets partenariaux) |