CNRS Le Journal n°243 avril 2010
CNRS Le Journal n°243 avril 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°243 de avril 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,2 Mo

  • Dans ce numéro : La révolution laser

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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26 > L’ENQUÊTE un intérêt grandissant. Comme les rayonsX, ces rayonnements ont la particularité de traverser facilement la peau et les vêtements mais sans en présenter les dangers. Très actives, les recherches devraient bientôt conduire au développement d’appareils d’imagerie dans les hôpitaux. Sans oublier que les ondes térahertz, du fait de leur fréquence élevée, pourraient permettre dans le futur des communications sans fil cent fois plus rapides que les réseaux wifi actuels. Parce qu’ils sont les seuls dispositifs compacts actuellement capables de produire de telles ondes, les lasers à cascade quantique sont bien partis pour s’emparer de ce marché. Avec un bémol toutefois : dans cette gamme d’énergie, il faut les refroidir à –100 °C pour qu’ils puissent fonctionner. « Le défi actuel est d’arriver à la température ambiante, note Raffaele Colombelli, chercheur à l’Institut d’électronique fondamentale 4 à Orsay. Il faudra pour cela mieux comprendre le phénomène et tester différents types de matériaux mais je n’ai pas de doute qu’on puisse un jour y arriver. » Autre valeur montante parmi les lasers à semiconducteur : le laser à îlots quantiques. Cette fois, au lieu de couches, ce sont des grains nanométriques qui sont insérés au sein d’une matrice également semiconductrice. L’idée ? Non seulement, faire baisser drastiquement le courant électrique nécessaire pour alimenter le laser, ce qui aurait également le mérite de moins le faire chauffer, mais également le rendre insensible aux écarts de température environnants, ce qui faciliterait le déploiement de la fibre optique à nos domiciles. Autant dire que le laser à îlots quantiques est un candidat incontournable pour les télécommunications de demain. Impossible de parler de la miniaturisation des lasers sans évoquer leur avenir potentiel au sein des ordinateurs du futur. Dans ces derniers en effet, la lumière pourrait venir remplacer les électrons actuellement utilisés, ce qui permettrait par exemple de transmettre des informations beaucoup plus rapidement. Les chercheurs travaillent aussi sur de nouvelles sources laser qui seraient capables de générer des photons uniques, notamment pour des transmissions sécurisées par cryptographie quantique. Mais le chemin s’annonce encore long car on est encore très loin des niveaux de miniaturisation de la microélectronique. Le journal du CNRS n°243 avril 2010 © F. Vrignaud/CNRS Photothèque Miniaturisation, puissance… une course s’est engagée pour rendre les lasers plus performants. Réglage du laser pilote de la station Laserix, à Orsay, destinée au développement de lasers X-UV à très grande intensité. TOUJOURS PLUS DE PUISSANCE Si une course à la miniaturisation s’est engagée d’un côté, une course à la puissance s’est ouverte de l’autre. C’est que l’industrie, grande consommatrice de lasers pour découper, souder, ou encore percer, est sans cesse demandeuse d’instruments toujours plus performants. Le laser à fibre, surtout, devrait tirer son épingle du jeu. Héritier de la technologie utilisée dans les fibres optiques transocéaniques pour amplifier le signal à intervalles réguliers, il s’apprête à succéder aux lasers de puissance actuels. Il est constitué d’une fibre optique dans laquelle ont été dispersés des ions de terres rares (un groupe de métaux dont font partie l’erbium ou l’ytterbium), qui, une fois excités par une diode laser, produisent la lumière. Celle-ci chemine le long de la fibre avant de sortir sous la forme d’un puissant faisceau. Le grand atout de ce laser, c’est que tous ses composants sont intégrés, et donc protégés, dans la fibre optique. De quoi le rendre beaucoup plus fiable, plus compact et doté d’un meilleur rendement que ses concurrents. D’ici à une dizaine d’années, une autre stratégie devrait permettre de gagner encore plus en puissance. En plein développement dans les laboratoires, la combinaison, dite cohérente, de lasers vise à coupler plusieurs faisceaux entre eux pour concentrer toute leur puissance dans un seul LA PUISSANCE DU SOLEIL DANS UN LASER Parce qu’elle pourrait constituer dans le futur une source d’énergie relativement propre et quasiment illimitée, la fusion thermonucléaire fait actuellement l’objet de recherches intensives. Son principe, qui imite le fonctionnement du Soleil : faire fusionner des noyaux de tritium et de deutérium et récupérer l’énergie produite par la réaction pour alimenter des turbines. Deux voies sont explorées pour y parvenir : le confinement magnétique d’un côté (avec le futur projet Iter notamment) et le confinement par des lasers de l’autre. « La puissance conjuguée de plusieurs faisceaux lasers permet de comprimer une cible remplie d’un mélange de deutérium et de tritium qui se met alors à chauffer, explique François Amiranoff, directeur du Laboratoire pour l’utilisation des lasers intenses 1 à Palaiseau. Si on parvient à atteindre une température de 100 millions de degrés, la fusion s’enclenche et se propage à l’ensemble de l’échantillon. » Cet allumage du combustible devrait être atteint dans les années qui viennent par le projet américain NIF, puis en France par le Laser Mégajoule (LMJ). L’étape suivante sera de construire un réacteur rayon. « Pour cela, il faut faire vibrer tous les lasers exactement en même temps », précise Vincent Couderc, de l’institut de recherche Xlim à Limoges 5. Pour y arriver, les chercheurs utilisent toute une batterie de miroirs déformables, lentilles et autres systèmes optiques complexes. Mais le jeu en vaut la chandelle : la technique permettra de conserver un faisceau intense sur une très longue distance, chose impossible avec un seul laser. Elle intéresse déjà l’industrie spatiale qui compte l’utiliser un jour dans son projet de centrale sur orbite : des satellites capteraient © A. Chézière/CNRS Photothèque
Mise en place de la chambre d’expérience du Laser Mégajoule, au centre de laquelle se concentrera la puissance de 200 lasers. prototype pour produire de l’énergie. Ce sera l’ambition du projet européen Hiper, qui devrait débuter à l’horizon 2025. 1. Unité CNRS/CEA/Paris-VI/École polytechnique. Contact : François Amiranoff, francois.amiranoff@polytechnique.fr J.B. 24 h/24 l’énergie du soleil avant de la transmettre sur terre par laser. UNE ÉNERGIE COLOSSALE Mais les avancées les plus spectaculaires en termes de puissance viendront des lasers ultraintenses installés dans de gigantesques infrastructures. La taille de l’un d’entre eux, le Mégajoule (LMJ), construit actuellement par la direction des applications militaires du CEA à Bordeaux, et qui sera mis en route en 2014, parle d’ellemême : 300 mètres de long pour 100 mètres de large. « Au cœur de l’installation, près de 200 faisceaux laser convergent en un point, explique Patrick Mora, président de l’Institut lasers et plasmas 6, qui coordonne les expériences scientifiques civiles du projet. Avant cela, chaque faisceau traverse des tubes de verre qui produisent de la lumière au moment même de son passage et l’amplifie ainsi un peu plus à chaque fois. En 300 mètres, on passe d’un mince rayon laser à un faisceau intense large de 40 centimètres ! » Focalisés sur une toute petite cible d’un millimètre, les 200 lasers permettent d’atteindre une énergie colossale de 2 mégajoules l’espace de quelques nanosecondes seulement. L’échantillon est alors comprimé à l’extrême et chauffé à des températures pouvant atteindre 100 millions de degrés. Des conditions infernales capables de simuler, à petite échelle, le fonctionnement d’une bombe atomique. On comprend alors pourquoi le LMJ, financé par des budgets militaires, est une pierre angulaire du programme de dissuasion français, après l’arrêt définitif des essais nucléaires. Mais les scientifiques civils, évidemment, s’intéressent eux aussi de près à ce projet. 20% des tirs leur seront consacrés. « La liste est longue des phénomènes que l’on pourra reproduire avec le LMJ : le comportement de la matière au centre de la Terre et des planètes géantes, le fonctionnement intime du Soleil, la formation des étoiles d’un côté et leur explosion de l’autre, etc. », anticipe le physicien. Les scientifiques poursuivront leur quête de l’extrême avec une autre machine, titanesque elle aussi : le projet européen ELI (Extreme Light Infrastructure), qui devrait voir le jour vers 2017. Cette fois, les impulsions laser qui seront envoyées sur les cibles seront beaucoup plus brèves, de quelques femtosecondes. Toute l’énergie sera ainsi concentrée en un temps extrêmement court. De quoi atteindre, sur une toute petite surface, une puissance instantanée gigantesque de plusieurs dizaines de pétawatts 7, soit beaucoup plus que la puissance électrique produite par toutes les centrales du monde réunies ! « Le champ électrique sera alors tellement intense que les particules seront accélérées sur quelques microns ou millimètres à la vitesse de la lumière, explique Fran- POUR EN SAVOIR PLUS À LIRE > Le laser, Fabien Bretenaker et Nicolas Treps, éd. EDP sciences, 2010. > La lumière à ma portée. Du soleil au laser, la lumière dans tous ses états, Guy Taïeb, Raymond Vetter, éd. Cépaduès, 2007. > Lasers, Jean-Pierre Faroux, Bernard Cagnac, éd. EDP Sciences, 2002. © P.Labèguerie/CEA çois Amiranoff, directeur du Laboratoire pour l’utilisation des lasers intenses à Palaiseau. En ralentissant, elles émettront un flash de rayons X et gamma à la fois très bref et extrêmement fin. » On pourra ainsi réaliser des clichés instantanés de la matière au niveau atomique, suivre l’évolution d’une molécule biologique ou encore sonder des matériaux très épais. En diminuant encore plus la durée de l’impulsion laser (jusqu’à l’attoseconde, soit 10 -18 seconde), et donc en augmentant sa puissance, les chercheurs tenteront la prouesse de créer de la matière à partir du vide. Selon la théorie quantique, en effet, le vide complet n’existe pas : des particules y apparaîtraient et disparaîtraient en permanence. Ultra-intense, le faisceau d’ELI pourrait séparer ces particules les unes des autres et les révéler ainsi aux scientifiques. Ouvrant ainsi la voie à une physique totalement nouvelle. Julien Bourdet 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-XIII. 2. Fédération de recherche CNRS/Université Paris-XI. 3. Car la fréquence de ces rayonnements est de l’ordre du térahertz (soit 1 012 hertz) 4. Laboratoire CNRS/Université Paris-XI. 5. Unité CNRS/Université de Limoges. 6. Groupement d’intérêt scientifique CNRS et CEA. 7. Un pétawatt correspond à 10 15 watts. > Introduction aux lasers et à l'optique quantique, de Claude Fabre, Gilbert Grynberg et Alain Aspect, éd. Ellipses, 1997. > D'où vient la lumière laser ? Evelyne Gil, éd. Le Pommier, 2006. EN LIGNE > Tout savoir sur le laser, ses applications et les évènements prévus pour célébrer ses 50 ans : www.50ansdulaser.fr L’ENQUÊTE CONTACTS ➔ François Amiranoff francois.amiranoff@polytechnique.fr ➔ Raffaele Colombelli raffaele.colombelli@u-psud.fr ➔ Vincent Couderc vincent.couderc@xlim.fr ➔ Martial Ducloy martial.ducloy@univ-paris13.fr ➔ Françoise Lozes francoise.lozes@laas.fr ➔ Patrick Mora patrick.mora@cpht.polytechnique.fr ➔ Nathalie Picqué nathalie.picque@u-psud.fr À VOIR EN LIGNE > 50 ans du Laser, un album photos à découvrir à la une de la banque d’images du CNRS. http:Ilphototheque.cnrs.fr > Lasers, les 50 ans, une sélection d’une trentaine vidéos à la une du catalogue de films du CNRS. http:Ilvideotheque.cnrs.fr Le journal du CNRS n°243 avril 2010 27



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