CNRS Le Journal n°243 avril 2010
CNRS Le Journal n°243 avril 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°243 de avril 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,2 Mo

  • Dans ce numéro : La révolution laser

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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22 © J.-M. Vallet/CICRP > L’ENQUÊTE cautérise des petites plaies. Les dermatologues emploient le laser pour brûler des taches de l’épiderme ou diminuer la pilosité. Les statues et les monuments se refont également une beauté grâce à lui. En tirant des impulsions laser sur la surface de la pierre, on peut en effet la chauffer suffisamment pour entraîner sa brève évaporation et retirer ainsi la couche noirâtre due à une réaction chimique avec la pollution des villes. Autre bénéficiaire : les peintures sur pierre. En collaboration avec plusieurs organismes nationaux de conservation du patrimoine, le Laboratoire lasers, plasmas et procédés photoniques (LP3) 4, à Marseille, a mis au point une technique pour redonner leurs couleurs à des sculptures ou à des fresques murales. « Le rouge à base d’oxyde de plomba beaucoup été utilisé dans les églises, décrit Philippe Delaporte, responsable du projet au LP3. Or ce rouge réagit à l’oxygène de l’air et noircit. Avec un laser continu, on peut faire évaporer l’oxygène et retrouver la couleur originelle. » Grâce au soutien du fabricant de laser Coherent, une peinture murale du XIX e siècle de la chapelle de Solomiat, dans l’Ain, a partiellement retrouvé sa jeunesse d’antan. Avec ces recherches, le laser, enfant illégitime de la Grande Guerre et des recherches menées sur les radars et les micro-ondes, croise une nouvelle fois la route de l’histoire. Au vu des mille et une applications de l’instrument de Townes et Schawlow, parions notre chemise que l’évènement se reproduira. Xavier Müller 1. Unité CNRS/Université Paris-VI/ENS Paris/Collège de France. 2. Unité CNRS/Université Rennes-I/Insa Rennes/ENST Bretagne. 3. Unité CNRS/Ensam ParisTech. 4. CNRS/Université Aix Marseille-II. Les lasers permettent de restaurer les fresques murales : à gauche, en noir, la zone non traitée, à droite, la zone irradiée redevenue rouge orangé. CONTACTS ➔ Sylvain Fève, feve@ensaat.fr ➔ Lucile Julien, julien@spectro.jussieu.fr ➔ Philippe Delaporte delaporte@lp3.univ-mrs.fr Le journal du CNRS n°243 avril 2010 5 mm © NASA/Debbie McCallum Grâce au laser, l’observatoire astronomique et géophysique Goddard, aux États-Unis, suit les déplacements de la sonde spatiale LRO, en orbite autour de la Lune. Des lasers Question : quelle est la seule composante du programme américain Appollo toujours en fonctionnement ? Celle qui permet de mesurer la distance Terre-Lune. Les missions Apollo 11, 14 et 15 avaient en effet installé sur le sol lunaire des réflecteurs lasers. Dans les décennies suivantes, en braquant vers ces réflecteurs des faisceaux laser depuis le sol terrestre (et vers des réflecteurs déposés par deux sondes russes), les astrophysiciens ont dévoilé l’image d’une Lune orbitant à 384 467 kilomètres autour de notre planète et s’en éloignant de 3,3 cm par an. Le programme, toujours en cours, permet d’affiner notre connaissance de l’histoire passée et future du satellite naturel de la Terre à travers celle de son orbite. Cet exemple le prouve : les lasers sont des outils au moins aussi utiles aux scientifiques qu’aux industriels. En physique fondamentale, l’instrument de Charles Townes va, par exemple, prochainement servir à tester une loi de la relativité générale selon laquelle la gravité influence le temps : celui-ci s’écoulerait plus vite dans l’espace qu’à la surface d’une planète ! En théorie, comparer les temps donnés par l’horloge d’un satellite en orbite et le temps international, mesuré sur Terre, devrait suffire à mettre en évidence l’effet. Mais « il existe actuellement 100 à 150 horloges atomiques au sol qui déterminent, après avoir effectué une moyenne, le temps mondial, rappelle Pierre Exertier, directeur de recherche au laboratoire Géosciences Azur (Géoazur) 1, à Sophia- Antipolis. Or les systèmes actuels de transfert de temps par ondes radio [grâce auxquels les horloges s’ « échangent » leur temps, NDLR] sont moins précis que les horloges elles-mêmes, de sorte que la précision du temps international est limité à quelques nanosecondes », un à-peu-près insuffisant pour observer l’effet de la gravité. D’où l’idée du projet T2L2, auquel participe Pierre Exertier, d’exploiter le réflecteur monté sur le satellite océanographique Jason 2, lancé en 2008, pour synchroniser, grâce à une lumière laser faisant des allers et retours entre le sol et Jason, le temps de plusieurs horloges atomiques terrestres. Quand cet échange de données entre terre et espace, encore en rodage, sera réalisé, les physiciens disposeront enfin d’un chronomètre à la graduation assez fine pour y lire l’effet de la gravité sur l’écoulement du temps. SONDER L’ATMOSPHÈRE En 1991, au pôle Nord, à la station Dumon- Durville, la joie se lit sur les visages d’une équipe de physiciens de l’atmosphère : ils viennent d’installer l’un des tout premiers lidars (instrument mimant le principe du radar avec une lumière) dans une région polaire. Leur satisfaction est d’autant plus grande que la tâche n’a pas été aisée, notamment parce qu’il avait fallu empaqueter et rendre étanche pour la traversée en bateau ce monstre occupant un conteneur entier. Depuis ce travail de pionnier, l’instrument s’est miniaturisé et a montré tout son intérêt pour sonder l’atmosphère. « Les lidars servent notamment à mesurer la couche d’un ou deux kilomètres à partir du sol, où se concentre la pollution, résume Sophie Godin Beekmann, chercheuse du Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (Latmos) 2, à Paris, qui avait participé à l’expédition
polaire. Le lidar mesure aussi des paramètres à plus de 30 kilomètres d’altitude, une région inaccessible au ballon-sonde. Enfin, grâce à cet instrument, on étudie les aérosols présents dans l’atmosphère dont l’impact sur le réchauffement climatique reste à préciser. » Le lidar analyse le ciel à partir de la Terre et réciproquement. En 2007, des archéologues l’utilisaient pour la première fois à bord d’un avion pour chercher des vestiges historiques sur le site galloromain de Mackwiller en Alsace. Des structures masquées par les forêts apparaissaient sur les images comme à l’air libre. Les archéologues emploient les lasers également pour dresser des plans de site (télémétrie laser), pour tamiser des échantillons sédimentaires (granulométrie laser), voire pour redonner vie à des objets ou des œuvres détériorées. Cette restauration s’effectue via un scanner laser, un instrument qui permet d’obtenir des copies numériques tridimensionnelles de pièces. « Le scanner 3D est un véritable outil de recherche, souligne Loïc Espinasse, ingénieur à l’Institut Ausonius 3, à Pessac, une plate-forme technologique 3D spécialisée dans l’archéologie. Grâce aux copies numériques, les chercheurs peuvent facilement partager leurs informations entre eux ou manipuler virtuellement des pièces trop fragiles dans la réalité, comme des pièces en bois ayant pourri dans un puits. » En 2005, l’Institut Ausonius avait fait office de pionnier en réalisant une copie parfaite et grandeur nature d’une œuvre antique, le sphinx des Naxiens. Le travail avait nécessité de scanner la sculpture, haute de trois mètres, puis de tailler avec des jets d’eau sous pression un bloc calcaire, à l’aide d’un robot piloté par ordinateur. © E. Perrin/CNRS Photothèque La modélisation du fort Saint-Jean, à Marseille, a été effectuée à l’aide d’un scanner 3D capable de relever la position de plusieurs millions de points. ©L. Gervais, A. Guichet/CNRS Photothèque/Institut Jacques Monod Cet ovocyte de drosophile transgénique a été observé par microscopie confocale à balayage laser. Visiter l’intérieur des tissus vivants, survoler la membrane cellulaire ou assister en direct à la séparation des chromosomes d’une cellule avant sa division : ce voyage, des biologistes l’entreprennent quotidiennement grâce au microscope confocal à balayage laser (MCBL). Le principe de base de cet outil a été jeté dès les années 1950, mais il a fallu attendre l’avènement du laser pour le voir se concrétiser. Quand un microscope conventionnel n’offre à la vue que la surface des tissus, le MCBL peut pénétrer à l’intérieur. Un avantage qui a été décuplé par l’arrivée de « protéines fluorescentes intégrées dans le vivant grâce à de l’ingénierie moléculaire », souligne Jean Salamero, chercheur CNRS et responsable de la plateforme Imagerie cellulaire et tissulaire de l’Institut Curie. Au final, la combinaison de la microscopie confocale et des protéines fluorescentes livre aujourd’hui une vision des évènements dynamiques intra ou extra-cellulaires avec une précision spatiale et temporelle inégalée. DISSÉQUER LE VIVANT Le MCBL reste un instrument coûteux, en particulier parce que, dans sa version la plus moderne, un seul appareil fait appel à plusieurs lasers à impulsions femtoseconde (un millionième de milliardième de seconde) afin de pouvoir rendre luminescent toute la gamme de protéines fluorescentes existantes. Toutefois, son prix devrait être réduit grâce à la startup Leukos, issue du laboratoire Xlim 4 de Limoges. La société commercialise en effet des sources laser d’impulsions émettant non pas une longueur d’onde spécifique, mais dans toute une bande de fréquence, supprimant la nécessité de recourir à différents lasers. L’ENQUÊTE 23 L’imagerie confocale n’est pas la seule technique à faire appel au laser en sciences du vivant. En biologie comme dans l’industrie, le laser est un outil versatile, multifonctions. On l’emploie pour décrypter l’ADN où c’est lui qui reconnaît le chapelet de molécules qui constitue le matériel génétique. Il sert également à identifier les cellules une par une d’après leur forme, leur taille ou leur contenu cellulaire et pour les trier à très haute vitesse (plusieurs milliers par seconde) : c’est la cytométrie en flux, utilisée aux stations marines de Roscoff, de Banyuls-sur-Mer ou de Marseille pour étudier les micro-organismes des océans. La microdissection, pendant biologique de l’usinage laser, est, elle, employée pour l’analyse des tissus. « Les lasers à impulsions sont utiles pour découper des cellules proprement à l’échelle du micron, voire moins, sans produire de dommages collatéraux », détaille Pierre- François Lenne, de l’Institut de biologie du développement de Marseille Luminy 5, qui a recours à la technique pour disséquer des structures à l’intérieur même de cellules vivantes et tester leur réaction mécanique. Identifier, dénombrer et disséquer les tissus : le laser est le naturaliste des cellules. RECONSTITUER LA TERRE En minéralogie, il jouerait plutôt le rôle de luthier. Sous la dénomination de spectroscopie Brillouin (une technique également employée dans les autres disciplines scientifiques), il met à jour les propriétés vibratoires des minéraux, informations dont se servent ensuite, par exemple, les géophysiciens pour imaginer la structure interne de la Terre. Cette spectroscopie souffre toutefois d’une contrainte : les échantillons analysés doivent être transparents pour être pénétrés par le faisceau laser, ce qui limite singulièrement le nombre de minéraux analysables et l’interdit notamment pour le fer, pourtant constituant principal du noyau terrestre. Pour remédier au problème, Frédéric Decremps, de l’Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés 6, à Paris, et Laurent Belliard, de l’Institut des nanosciences de Paris 7, sont en train d’adapter une méthode d’acoustique laser sous conditions extrêmes. Elle consiste à provoquer dans l’échantillon des minitremblements de terre à l’aide d’impulsions laser femtosecondes et à observer ensuite l’échantillon se déformer en direct. « La technique permet de mesurer les vitesses des ondes sonores dans des matériaux > Le journal du CNRS n°243 avril 2010



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