22 © J.-M. Vallet/CICRP > L’ENQUÊTE cautérise des petites plaies. Les dermatologues emploient le laser pour brûler des taches de l’épiderme ou diminuer la pilosité. Les statues et les monuments se refont également une beauté grâce à lui. En tirant des impulsions laser sur la surface de la pierre, on peut en effet la chauffer suffisamment pour entraîner sa brève évaporation et retirer ainsi la couche noirâtre due à une réaction chimique avec la pollution des villes. Autre bénéficiaire : les peintures sur pierre. En collaboration avec plusieurs organismes nationaux de conservation du patrimoine, le Laboratoire lasers, plasmas et procédés photoniques (LP3) 4, à Marseille, a mis au point une technique pour redonner leurs couleurs à des sculptures ou à des fresques murales. « Le rouge à base d’oxyde de plomba beaucoup été utilisé dans les églises, décrit Philippe Delaporte, responsable du projet au LP3. Or ce rouge réagit à l’oxygène de l’air et noircit. Avec un laser continu, on peut faire évaporer l’oxygène et retrouver la couleur originelle. » Grâce au soutien du fabricant de laser Coherent, une peinture murale du XIX e siècle de la chapelle de Solomiat, dans l’Ain, a partiellement retrouvé sa jeunesse d’antan. Avec ces recherches, le laser, enfant illégitime de la Grande Guerre et des recherches menées sur les radars et les micro-ondes, croise une nouvelle fois la route de l’histoire. Au vu des mille et une applications de l’instrument de Townes et Schawlow, parions notre chemise que l’évènement se reproduira. Xavier Müller 1. Unité CNRS/Université Paris-VI/ENS Paris/Collège de France. 2. Unité CNRS/Université Rennes-I/Insa Rennes/ENST Bretagne. 3. Unité CNRS/Ensam ParisTech. 4. CNRS/Université Aix Marseille-II. Les lasers permettent de restaurer les fresques murales : à gauche, en noir, la zone non traitée, à droite, la zone irradiée redevenue rouge orangé. CONTACTS ➔ Sylvain Fève, feve@ensaat.fr ➔ Lucile Julien, julien@spectro.jussieu.fr ➔ Philippe Delaporte delaporte@lp3.univ-mrs.fr Le journal du CNRS n°243 avril 2010 5 mm © NASA/Debbie McCallum Grâce au laser, l’observatoire astronomique et géophysique Goddard, aux États-Unis, suit les déplacements de la sonde spatiale LRO, en orbite autour de la Lune. Des lasers Question : quelle est la seule composante du programme américain Appollo toujours en fonctionnement ? Celle qui permet de mesurer la distance Terre-Lune. Les missions Apollo 11, 14 et 15 avaient en effet installé sur le sol lunaire des réflecteurs lasers. Dans les décennies suivantes, en braquant vers ces réflecteurs des faisceaux laser depuis le sol terrestre (et vers des réflecteurs déposés par deux sondes russes), les astrophysiciens ont dévoilé l’image d’une Lune orbitant à 384 467 kilomètres autour de notre planète et s’en éloignant de 3,3 cm par an. Le programme, toujours en cours, permet d’affiner notre connaissance de l’histoire passée et future du satellite naturel de la Terre à travers celle de son orbite. Cet exemple le prouve : les lasers sont des outils au moins aussi utiles aux scientifiques qu’aux industriels. En physique fondamentale, l’instrument de Charles Townes va, par exemple, prochainement servir à tester une loi de la relativité générale selon laquelle la gravité influence le temps : celui-ci s’écoulerait plus vite dans l’espace qu’à la surface d’une planète ! En théorie, comparer les temps donnés par l’horloge d’un satellite en orbite et le temps international, mesuré sur Terre, devrait suffire à mettre en évidence l’effet. Mais « il existe actuellement 100 à 150 horloges atomiques au sol qui déterminent, après avoir effectué une moyenne, le temps mondial, rappelle Pierre Exertier, directeur de recherche au laboratoire Géosciences Azur (Géoazur) 1, à Sophia- Antipolis. Or les systèmes actuels de transfert de temps par ondes radio [grâce auxquels les horloges s’ « échangent » leur temps, NDLR] sont moins précis que les horloges elles-mêmes, de sorte que la précision du temps international est limité à quelques nanosecondes », un à-peu-près insuffisant pour observer l’effet de la gravité. D’où l’idée du projet T2L2, auquel participe Pierre Exertier, d’exploiter le réflecteur monté sur le satellite océanographique Jason 2, lancé en 2008, pour synchroniser, grâce à une lumière laser faisant des allers et retours entre le sol et Jason, le temps de plusieurs horloges atomiques terrestres. Quand cet échange de données entre terre et espace, encore en rodage, sera réalisé, les physiciens disposeront enfin d’un chronomètre à la graduation assez fine pour y lire l’effet de la gravité sur l’écoulement du temps. SONDER L’ATMOSPHÈRE En 1991, au pôle Nord, à la station Dumon- Durville, la joie se lit sur les visages d’une équipe de physiciens de l’atmosphère : ils viennent d’installer l’un des tout premiers lidars (instrument mimant le principe du radar avec une lumière) dans une région polaire. Leur satisfaction est d’autant plus grande que la tâche n’a pas été aisée, notamment parce qu’il avait fallu empaqueter et rendre étanche pour la traversée en bateau ce monstre occupant un conteneur entier. Depuis ce travail de pionnier, l’instrument s’est miniaturisé et a montré tout son intérêt pour sonder l’atmosphère. « Les lidars servent notamment à mesurer la couche d’un ou deux kilomètres à partir du sol, où se concentre la pollution, résume Sophie Godin Beekmann, chercheuse du Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (Latmos) 2, à Paris, qui avait participé à l’expédition |