14 © F. Pitchal/SAFRAN INNOVATION Entretien SAFRAN Un goût pour la recherche Nouveaux matériaux, énergétique, mécanique ou encore biométrie… les champs de recherche communs du groupe Safran et du CNRS croisent naturellement questions fondamentales et problématiques industrielles. Entretien avec Jean-Paul Herteman, président du directoire du groupe Safran, et membre du Conseil d’administration du CNRS. Safran est un équipementier international de haute technologie, leader en aéronautique, défense et sécurité. Quelle est la part de ses activités consacrée à la recherche et au développement ? Jean-Paul Herteman : En 2009, Safran a réalisé un chiffre d’affaire d’environ 10,5 milliards d’euros et a consacré 1,1 milliard d’euros à la recherche et au développement. Ces activités concernent 20% des 54900 collaborateurs du groupe. Notre succès industriel est intimement lié aux progrès technologiques que nous accomplissons et intégrons dans nos produits. Ainsi, l’année dernière, Safran a déposé 500 brevets, se plaçant au cinquième rang du classement des acteurs français réalisé par l’Institut national de la propriété industrielle. Sur quoi l’innovation de Safran est-elle fondée ? J-P.H.: Évidemment, nous ne disposons pas en interne de tous les savoir-faire scientifiques et techniques nécessaires à notre développement, en particulier pour ce qui concerne les premières étapes de la recherche & technologie (R & T). Aussi Safran a construit un important réseau de partenaires au sein de la recherche universitaire ou appliquée. Depuis de nombreuses années, le CNRS est le premier partenaire scientifique de Safran et assure plus de la moitié de nos collaborations scientifiques. Ce n’est pas un hasard. L’industrie aéronautique est très attentive à la fiabilité et à la sûreté de ses produits et est soumise à la plus grande rigueur dans la certification de ses innovations, qu’il s’agisse de matériaux, de procédés ou de pièces spécifiques. Cela passe par une parfaite compréhension des phénomènes amonts, c’est-à-dire des propriétés physiques et chimiques de nos produits. En ce sens, nous partageons pour une part les objectifs d’enrichissement de la connaissance qui sont ceux du CNRS. Le journal du CNRS n°243 avril 2010 Schéma de la plateforme Pivoine 2G exploitée par le CNRS, des universités, le Cnes et Safran pour étudier des moteurs électriques à plasma. Au point d’avoir mis sur pied des laboratoires communs… J-P. H. : Exactement. Le cas du Laboratoire des composites thermostructuraux (LCTS) à Bordeaux en est un excellent exemple. Unité mixte fondée en 1988 qui regroupe le CNRS, le CEA, l’Université de Bordeaux-1 et le groupe Safran, le LCTS est au plan mondial l’une des plus importantes unités de recherche consacrées aux composites destinés aux hautes températures. En 20 ans, il a été à l’origine d’une quinzaine de brevets et d’une centaine de thèses. Comment est né ce laboratoire ? J-P. H. : Dès 1975, la Société européenne de propulsion [NDLR : absorbée en 1997 par Snecma dont la fusion avec Sagem en 2005 a donné naissance au groupe Safran] avait collaboré avec le Laboratoire de chimie du solide du CNRS à l’élaboration de matériaux en carbure de silicium, afin de répondre à nos besoins en propulsion et en freinage aéronautique. Mais d’une certaine manière, ces collaborations ponctuelles, débouchant sur des solutions pragmatiques, ne nous satisfaisaient pas totalement. D’où la décision de créer un laboratoire commun afin d’affiner notre compréhension de ces matériaux, puis par la suite d’en développer de nouveaux, telles les céramiques, sur la base d’une compréhension de leurs propriétés à l’échelle microscopique. C’est ainsi que nous avons développé les matériaux utilisés pour la tuyère du Rafale ou celle du lanceur lourd Delta4 de Boeing. C’est aussi dans ce cadre que nous développons © P.Lasgorceix/ICARE ©L. Médard/CNRS Photothèque aujourd’hui les céramiques légères et ultrarésistantes qui équiperont d’ici 10 à 20 ans les avions verts, consommant 25 à 50% en moins de carburant qu’aujourd’hui. Sur quels autres sujets Safran et le CNRS collaborent-ils ? J-P. H. : Les scientifiques du CNRS travaillent dans de nombreuses directions. Ainsi, leurs centres d’intérêt couvrent une part importante de nos besoins fondamentaux, que ce soit en énergétique, aérodynamique, mécanique, biométrie ou science des systèmes complexes. Concrètement, nous avons mis en place de véritables pôles délocalisés. Sur la combustion par exemple, nous collaborons avec 15 laboratoires et 40 thèses ont été soutenues depuis 2002. Sur la modélisation numérique, nous avons suivi 107 thèses dans 50 laboratoires sur la même période. Et sur la réduction des nuisances sonores, nous avons mis en place un programme incluant 30 laboratoires en 2005. Dans chacun de ces exemples, 50% des laboratoires appartiennent au CNRS. Je voudrais encore citer notre collaboration avec l’Institut de combustion, aérothermique, réactivité et environnement (Icare) du CNRS, à Orléans, avec lequel nous avons développé la technologie de propulsion plasmique pour satellites, utilisée sur la sonde européenne Smart 1 (lancée en 2003), dont la performance propul- |