10 © Ben H. Warren VIEDESLABOS Actualités BIODIVERSITÉ L’odyssée des espèces de Madagascar Pourquoi de nombreuses espèces de cet État insulaire d’Afrique ont-elles une origine asiatique ? Des chercheurs français ont peut-être résolu cette énigme : de nombreuses îles, aujourd’hui immergées, ont formé un gué, propice aux escales, entre l’Inde et le continent africain. Voici l’un des plus persistants mystères de l’histoire naturelle : l’origine de la biodiversité de Madagascar. Vu la position géographique de la Grande Île, on s’attendrait à ce que toutes les espèces qui l’habitent –ou presque– soient d’origine africaine. Or, il se trouve qu’un bon tiers des animaux et végétaux malgaches sont d’origine asiatique. Comment diable ont fait tant d’espèces d’oiseaux, insectes, reptiles, poissons et plantes pour réaliser un voyage de plus de 3 600 kilomètres à travers l’océan Indien avant de s’installer à Madagascar ? Cette question déconcerte depuis le XIX e siècle des savants aussi importants qu’Alfred Wallace, codécouvreur de l’idée de la sélection naturelle. Des chercheurs du laboratoire « Évolution et diversité biologique » 1 de Toulouse et de l’université de la Réunion viennent de proposer une explication à cette bizarrerie. Dans un article publié dans la revue Cladistics 2, ils montrent qu’au cours des 35 derniers millions d’années, des variations récurrentes du niveau de la mer ont laissé affleurer de nombreuses îles dans l’océan Indien. Aujourd’hui englouties, ces îles auraient rendu possible cette étonnante migration d’espèces depuis l’Inde. Dans les années 1960, on avait cru cette affaire élucidée grâce à la tectonique des plaques : le peuplement de Madagascar avait eu lieu il y a plus de 80 millions d’années, lorsque l’Inde, l’Afrique et Madagascar ne formaient qu’un seul supercontinent, le Gondwana, qui s’est ensuite désagrégé. Une belle théorie balayée dans les Le journal du CNRS n°243 avril 2010 Seychelles Saya de Malha Maldives Chagos Nazareth Saint-Geran Saint-Brandon (Cargados Carajos) Île Maurice La Réunion Sur cette carte, on peut voir un chapelet d’îles maintenant englouties (en bleu) qui aurait favorisé la migration d’espèces asiatiques vers Madagascar. années 1990, par le développement des techniques de séquençage rapide de l’ADN et l’explosion de la systématique moléculaire, approches qui permettent d’estimer depuis combien de temps deux espèces se sont séparées d’un ancêtre commun. Appliquées à la biodiversité malgache, elles ont montré que la plupart des espèces asiatiques étaient arrivées bien après la dislocation du Gondwana. Les chercheurs se retrouvaient à nouveau dans l’incapacité d’expliquer comment des milliers d’espèces avaient allégrement traversé l’océan Indien. Et ce, jusqu’à ce que nos chercheurs se penchent sur de nouvelles cartes des fonds marins et sur des données paléoclimatiques. « Il y a entre l’Inde et Madagascar une série de hautsfonds. Durant les 35 derniers millions d’années, le niveau de la mer a considérablement varié de façon répétée. À certaines périodes, il a été 150mètres plus bas. Or, en abaissant le niveau de la mer de seulement 75 mètres, nous voyons ces hauts-fonds se transformer en un chapelet d’îles formant une sorte de gué entre l’île et le continent », explique Christophe Thébaud, chercheur au laboratoire EDB. Avec la présence de ces « gîtes d’étape », la distance transocéanique entre Madagascar et l’Inde passe de 3 600 kilomètres à 1 500. De plus, certaines de ces îles avaient une surface considérable. Et elles ont pu abriter, durant leurs dizaines de milliers d’années d’existence, une riche biodiversité qui a ainsi pu se propager de proche en proche, avec l’aide des vents de la mousson d’hiver qui soufflent vers le sud-ouest. Reste encore aux chercheurs à renforcer leur théorie en testant certaines hypothèses. Par exemple, un point en sa faveur serait de démontrer que la plupart des espèces d’origine asiatique de Madagascar sont adaptées aux climats côtiers qui régnaient sur ces îles de passage. Mais déjà, nos chercheurs voudraient tirer les leçons de cet imbroglio qui durait depuis 150 ans : « L’un des intérêts de ces travaux est de rappeler que l’on ne peut pas retracer l’évolution de la biodiversité sans tenir compte des modifications géographiques ayant eu lieu au cours du temps. » Sebastián Escalón © D. Hansen 1. Unité CNRS/Université Paul-Sabatier/Enfa. 2. Publié en ligne le 15 décembre 2009. CONTACT ➔ Christophe Thébaud Évolution et diversité biologique, Toulouse thebaud@cict.fr PARTICULES Des rayons dans Mais d’où viennent donc les rayons cosmiques ? La question empoisonne les astronomes depuis la découverte du phénomène au début du XX e siècle. Ce flux de particules de haute énergie venu de l’espace est constitué de protons, de quelques noyaux (principalement d’hélium) et de 1% d’électrons. Et serait pour l’essentiel produit au sein de notre galaxie, dans des superaccélérateurs de particules au sein d’étoiles moribondes : les restes de supernovae. Sauf que, malgré des décennies d’efforts, les scientifiques n’ont toujours pas réussi à le démontrer. Une équipe internationale associant 51 laboratoires dont cinq du CNRS 1 vient de franchir une étape décisive vers l’établissement de cette |