CNRS Le Journal n°243 avril 2010
CNRS Le Journal n°243 avril 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°243 de avril 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 5,2 Mo

  • Dans ce numéro : La révolution laser

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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10 © Ben H. Warren VIEDESLABOS Actualités BIODIVERSITÉ L’odyssée des espèces de Madagascar Pourquoi de nombreuses espèces de cet État insulaire d’Afrique ont-elles une origine asiatique ? Des chercheurs français ont peut-être résolu cette énigme : de nombreuses îles, aujourd’hui immergées, ont formé un gué, propice aux escales, entre l’Inde et le continent africain. Voici l’un des plus persistants mystères de l’histoire naturelle : l’origine de la biodiversité de Madagascar. Vu la position géographique de la Grande Île, on s’attendrait à ce que toutes les espèces qui l’habitent –ou presque– soient d’origine africaine. Or, il se trouve qu’un bon tiers des animaux et végétaux malgaches sont d’origine asiatique. Comment diable ont fait tant d’espèces d’oiseaux, insectes, reptiles, poissons et plantes pour réaliser un voyage de plus de 3 600 kilomètres à travers l’océan Indien avant de s’installer à Madagascar ? Cette question déconcerte depuis le XIX e siècle des savants aussi importants qu’Alfred Wallace, codécouvreur de l’idée de la sélection naturelle. Des chercheurs du laboratoire « Évolution et diversité biologique » 1 de Toulouse et de l’université de la Réunion viennent de proposer une explication à cette bizarrerie. Dans un article publié dans la revue Cladistics 2, ils montrent qu’au cours des 35 derniers millions d’années, des variations récurrentes du niveau de la mer ont laissé affleurer de nombreuses îles dans l’océan Indien. Aujourd’hui englouties, ces îles auraient rendu possible cette étonnante migration d’espèces depuis l’Inde. Dans les années 1960, on avait cru cette affaire élucidée grâce à la tectonique des plaques : le peuplement de Madagascar avait eu lieu il y a plus de 80 millions d’années, lorsque l’Inde, l’Afrique et Madagascar ne formaient qu’un seul supercontinent, le Gondwana, qui s’est ensuite désagrégé. Une belle théorie balayée dans les Le journal du CNRS n°243 avril 2010 Seychelles Saya de Malha Maldives Chagos Nazareth Saint-Geran Saint-Brandon (Cargados Carajos) Île Maurice La Réunion Sur cette carte, on peut voir un chapelet d’îles maintenant englouties (en bleu) qui aurait favorisé la migration d’espèces asiatiques vers Madagascar. années 1990, par le développement des techniques de séquençage rapide de l’ADN et l’explosion de la systématique moléculaire, approches qui permettent d’estimer depuis combien de temps deux espèces se sont séparées d’un ancêtre commun. Appliquées à la biodiversité malgache, elles ont montré que la plupart des espèces asiatiques étaient arrivées bien après la dislocation du Gondwana. Les chercheurs se retrouvaient à nouveau dans l’incapacité d’expliquer comment des milliers d’espèces avaient allégrement traversé l’océan Indien. Et ce, jusqu’à ce que nos chercheurs se penchent sur de nouvelles cartes des fonds marins et sur des données paléoclimatiques. « Il y a entre l’Inde et Madagascar une série de hautsfonds. Durant les 35 derniers millions d’années, le niveau de la mer a considérablement varié de façon répétée. À certaines périodes, il a été 150mètres plus bas. Or, en abaissant le niveau de la mer de seulement 75 mètres, nous voyons ces hauts-fonds se transformer en un chapelet d’îles formant une sorte de gué entre l’île et le continent », explique Christophe Thébaud, chercheur au laboratoire EDB. Avec la présence de ces « gîtes d’étape », la distance transocéanique entre Madagascar et l’Inde passe de 3 600 kilomètres à 1 500. De plus, certaines de ces îles avaient une surface considérable. Et elles ont pu abriter, durant leurs dizaines de milliers d’années d’existence, une riche biodiversité qui a ainsi pu se propager de proche en proche, avec l’aide des vents de la mousson d’hiver qui soufflent vers le sud-ouest. Reste encore aux chercheurs à renforcer leur théorie en testant certaines hypothèses. Par exemple, un point en sa faveur serait de démontrer que la plupart des espèces d’origine asiatique de Madagascar sont adaptées aux climats côtiers qui régnaient sur ces îles de passage. Mais déjà, nos chercheurs voudraient tirer les leçons de cet imbroglio qui durait depuis 150 ans : « L’un des intérêts de ces travaux est de rappeler que l’on ne peut pas retracer l’évolution de la biodiversité sans tenir compte des modifications géographiques ayant eu lieu au cours du temps. » Sebastián Escalón © D. Hansen 1. Unité CNRS/Université Paul-Sabatier/Enfa. 2. Publié en ligne le 15 décembre 2009. CONTACT ➔ Christophe Thébaud Évolution et diversité biologique, Toulouse thebaud@cict.fr PARTICULES Des rayons dans Mais d’où viennent donc les rayons cosmiques ? La question empoisonne les astronomes depuis la découverte du phénomène au début du XX e siècle. Ce flux de particules de haute énergie venu de l’espace est constitué de protons, de quelques noyaux (principalement d’hélium) et de 1% d’électrons. Et serait pour l’essentiel produit au sein de notre galaxie, dans des superaccélérateurs de particules au sein d’étoiles moribondes : les restes de supernovae. Sauf que, malgré des décennies d’efforts, les scientifiques n’ont toujours pas réussi à le démontrer. Une équipe internationale associant 51 laboratoires dont cinq du CNRS 1 vient de franchir une étape décisive vers l’établissement de cette
AÉROLOGIE La suie, quelle poisse ! C’est une nuisance bien identifiée. L’un de ces polluants caractérisés de longue date. Produite par la combustion des moteurs ou par les feux de cheminée, la suie qui baigne en permanence dans l’air de nos villes est connue depuis longtemps pour avoir des impacts négatifs sur la santé, la visibilité ou le climat. Mais au moins, les experts de la qualité de l’air s’accordaient-ils jusqu’à présent pour estimer que la participation de cet aérosol à la chimie de notre environnement urbain était limitée. Des chercheurs lyonnais, suisses et canadiens viennent pour la première fois de démontrer exactement le contraire 1. L’équipe de Barbara d’Anna et Christian George Les astrophysiciens pensent que les rayons cosmiques sont créés au sein de restes de supernovae. Grâce au téléscope spatial Fermi, ils ont réussi à réunir de nouveaux éléments en faveur de cette thèse. les supernovae preuve 2. En utilisant l’instrument LAT (Large Area Telescope) du télescope spatial Fermi de la Nasa, ces chercheurs ont, en effet, réalisé une image d’un reste de supernova dans une gamme de longueurs d’onde du rayonnement gamma qui leur était jusque-là inaccessible. Or, expliquent-ils, réussir ce type de cliché est indispensable à la résolution du mystère. « Selon les théories en vigueur, les rayons cosmiques ont pour origine les supernovae, des explosions d’étoiles massives arrivées en fin de vie, explique Jean Ballet, chercheur au laboratoire « Astrophysique, interactions multiéchelles » (AIM) 3 à Gif-sur-Yvette. En se déplaçant à une vitesse de plusieurs milliers de kilomètres par seconde, l’onde de choc générée de l’Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon 2 à Villeurbanne a mis en contact des échantillons de suie avec différents gaz présents dans l’atmosphère des grandes agglomérations. Leur verdict ? Contrairement aux idées reçues, le composé carboné est réactif lorsqu’il est soumis à la lumière du jour. Au point qu’il participe, non seulement à l’augmentation de la concentration d’ozone dans l’air des cités durant la journée, mais également au déplacement de cette pollution sur des dizaines de kilomètres ! « Longtemps, les scientifiques ont pensé que la capacité à réagir de la suie était inhibée rapidement par le caractère oxydant de l’air et donc que son impact sur la composition de l’atmosphère était limité, explique Christian George, directeur de recherche au CNRS. Mais cette hypothèse paraissait douteuse aux yeux de certains spécialistes, qui s’étonnaient de constater que les expériences de laboratoire soutenant cette théorie avaient été réalisées dans les années 1980 dans l’obscurité. » En recommençant le test en présence de lumière cette fois, Barbara d’Anna, Christian George et leurs collègues sont arrivés à une tout autre conclusion. Selon eux, sous irradiation solaire, le dioxyde d’azote (NO 2) de l’air réagit très efficacement avec la suie pour produire de l’acide nitreux (HONO), l’un des précurseurs de l’ozone. De plus, l’équipe a découvert que la suie est capable de piéger à sa surface durant par l’explosion piégerait en son sein des protons et des électrons du milieu interstellaire. Puis, les accélérerait à des énergies très importantes avant, au bout de quelques milliers d’années, de les relarguer dans l’espace. » De là, ils parviendraient jusqu’à nous. Au début des années 2000, des études ont permis de vérifier cette hypothèse pour les seuls électrons. Mais qu’en est-il des protons qui constituent 99% des particules dont sont faits les rayons cosmiques ? Pour le démontrer, il faut dans un premier temps repérer dans des restes de supernovae la trace d’un rayonnement gamma, caractéristique du phénomène d’accélération des protons. Puis à établir, dans une seconde phase, sa signature – son spectre disent les astrophysiciens – complète. C’est ce que vient de réaliser en partie la collaboration internationale réunie autour du télescope spatial Fermi. Sur le reste de La suie présente dans l'air des villes peut devenir un puissant réactif atmosphérique. © NASA/DOE/Fermi LAT Collaboration, CXC/SAO/JPL-Caltech/Steward/O. Krause et al., and NRAO/AUI VIEDESLABOS 11 la nuit une partie des oxydes d’azote qu’elle 5 µm libère à nouveau une fois le jour venu. Comme il peut être emporté très loin par les vents en quelques heures, l’aérosol carboné pourrait ainsi jouer le rôle d’un transporteur nocturne longue distance de ces initiateurs de l’ozone. Vahé Ter Minassian 1 Pnas, 11 novembre 2009. 2 Unité CNRS/Université Lyon-I. CONTACTS Ircelyon, Villeurbanne ➔ Barbara d’Anna barbara.danna@ircelyon.univ-lyon1.fr ➔ Christian George christian.george@ircelyon.univ-lyon1.fr supernovae W44, situé à environ 91 000 années-lumière de la Terre, l’équipe a obtenu une partie du spectre gamma caractéristique de l’accélération des protons. Voici deux ans, le télescope au sol HESS 4 avait réussi cet exploit sur un autre reste dans le domaine des rayons gamma les plus énergétiques. Il n’y a donc plus qu’à trouver un vestige que les deux instruments pourraient observer de concert pour apporter la preuve définitive de l’origine des rayons cosmiques. Vahé Ter Minassian 1. Laboratoire « AIM », Laboratoire Leprince-Ringuet, Laboratoire de physique théorique et astroparticules, Centre d’études nucléaires de Bordeaux-Gradignan, Centre d’étude spatiale des rayonnements. 2. Science, 26 février 2010, n°327,pp. 1103- 1106 (publié en ligne le 7 janvier 2010). 3. Unité CNRS/Université Paris-Diderot/CEA-Irfu. 4. HESS (High Energy Stereoscopic System) est un réseau de quatre télescopes. Il est actuellement le détecteur de rayons gamma le plus sensible aux très hautes énergies. CONTACT ➔Jean Ballet Laboratoire AIM, Gif-sur-Yvette jean.ballet@cea.fr Le journal du CNRS n°243 avril 2010 © F. Simonet/IRCELYON



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