CNRS Le Journal n°242 mars 2010
CNRS Le Journal n°242 mars 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°242 de mars 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,9 Mo

  • Dans ce numéro : Ce que révèlent nos tabous

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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36 INSITU HISTOIRE Les manuscrits renaissent de leurs cendres Restaurer des manuscrits du Moyen Âge abîmés lors de la Seconde Guerre mondiale, telle est la délicate et capitale mission des scientifiques du projet Chartres. Chartres, 1944 : un bombardement allié frappe par erreur la bibliothèque municipale et ses 2 000 manuscrits. La moitié de ce fonds inestimable, allant des temps carolingiens à l’époque moderne, part en fumée et ce qui reste devient presque inutilisable pour les chercheurs. Comme le détaille Dominique Poirel, de l’Institut de recherche et d’histoire des textes (IRHT) du CNRS à Paris, « les manuscrits sauvés des flammes ont vu leur reliure détruite, ce qui a favorisé le désordre des feuillets. Beaucoup ont été partiellement détruits, surtout dans les marges où étaient tracés les numéros de feuillet. Enfin, l’action successive du feu et de l’eau des lances à incendie a engendré un processus de vitrification des parchemins, les rendant cassants et difficiles à manipuler. » Jusqu’à aujourd’hui. En effet, sur les 960 manuscrits qui avaient pu être Fragment d’un registre nécrologique de l’abbaye de Saint- Père de Chartres sauvés des flammes, le projet Chartres, financé par le très grand équipement (TGE) Adonis du CNRS, s’est donné pour objectif de restituer à la communauté scientifique les 450 spécimens datant du Moyen Âge. Pour ce faire, un programme en quatre étapes a été défini par l’IRHT, en collaboration avec le TGE Adonis, la Bibliothèque nationale de France, la bibliothèque municipale de Chartres et le ministère de la Culture et de la Communication. Tout d’abord, restaurer les manuscrits qui le nécessitent. « Il s’agit de leur redonner leur souplesse d’origine par un séjour dans une chambre d’humidification, pour les détendre et rendre accessibles des informations cachées sous les plis », explique le scientifique. Les feuillets sont ensuite photographiés à très haute résolution, pour que, dans une troisième étape, des chercheurs spécialisés les remettent en ordre et les identifient. Enfin, l’ensemble, images et données scientifiques, sera dans les prochains mois mis en ligne gratuitement dans une bibliothèque virtuelle. À ce jour, 40 manuscrits ont été numérisés et 29 autres le seront d’ici un an. « Nous avons par exemple remis la main sur un recueil du XIII e siècle, renfermant un texte rarissime d’Odon de Tournai, important pour la querelle des universaux 1, se réjouit Dominique Poirel. Ou bien sur un ouvrage unique écrit de la main même de Thierry de Chartres, qui décrit l’enseignement des arts libéraux 2 dans les écoles de Chartres. C’est là un des ouvrages les plus importants de l’histoire intellectuelle du XII e siècle ! » C’est donc avec bonheur que les médiévistes voient aujourd’hui renaître de ses cendres un fonds classé avant la guerre comme le septième en importance parmi les bibliothèques de province. « Sans compter que, ajoute le chercheur, nous espérons que le protocole de sauvegarde et de BRÈVE Ouvrage du XIII e siècle lié à la querelle des universaux et conservé à Chartres. mise à disposition d’informations élaboré dans le cadre du projet Chartres servira pour d’autres projets analogues ». Mathieu Grousson 1. Du XII e au XIV e siècle, elle opposa les philosophes : ceux pour qui les universaux ou concepts, tels la circularité ou la chevalinité (par opposition aux particuliers, tel cercle ou tel cheval), sont de pures conceptions de l’esprit, à ceux pour qui ils avaient une existence propre. 2. Les arts libéraux sont composés du trivium qui comprend la grammaire, la dialectique et la rhétorique, et du quadrivium qui comprend l’arithmétique, la musique, la géométrie et l’astronomie. Accord majeur avec la Russie CONTACT ➔ Dominique Poirel Institut de recherche et d’histoire des textes, Paris dominique.poirel@irht.cnrs.fr Le CNRS vient de consolider ses liens avec la Russie grâce aux conventions signées le 21 décembre dernier à Moscou. Il s’agit de la création de six nouvelles actions structurantes ainsi que de la prolongation de quatre actions entre des équipes du CNRS et leurs partenaires en Russie pour les quatre années à venir. Pour l’Institut de chimie du CNRS, il s’agit en particulier de la création du Groupement de recherche international « Séparation nucléaire à l’avenir », qui se concentrera sur des aspects de radiochimie liés à la production d’énergie nucléaire basée sur le développement de nouvelles techniques. © Photos : CNRS- IRHT
LABORATOIRE EUROPÉEN ASSOCIÉ Voyage au cœur de l’os Développer de nouveaux scanners à ultrasons pour prévenir les fractures liées à l’ostéoporose à l’horizon 2015 : voici un des challenges lancés par trois équipes de recherche européennes du tout récent laboratoire européen associé Ultrasound Based Assessment of Bone (LEA Ulab). Il regroupe le laboratoire d’imagerie paramétrique (Lip) 1 de Paris et deux laboratoires allemands, le Q-BAM à Berlin et le MPRG, à Kiel 2. En France, trois millions de femmes sont atteintes d’ostéoporose – maladie qui fragilise le squelette –, soit une femme sur deux de plus de cinquante ans. Plus grave encore, 20% d’entre elles qui souffrent d’une fracture du col du fémur décèdent dans l’année qui suit le diagnostic, en général de complications suite à l’intervention chirurgicale. L’ostéoporose est ainsi devenue un problème majeur de santé publique, dont les coûts d’hospitalisation et de soins se chiffrent en millions d’euros. Face à ce fléau, la solution revient certes à progresser vers la mise au point de traitements toujours plus efficaces. Mais elle consiste aussi à intervenir en amont, en prévenant chaque fois que c’est possible le risque de fracture. Depuis quelques années, c’est au développement d’une nouvelle génération d’appareils de dépistage que travaille précisément l’équipe francogermanique. Si les techniques traditionnelles basées sur les rayons X représentent actuellement le standard en matière de diagnostic en permettant un sondage rapide de la fragilité des os, les nouvelles techniques d’imagerie médicale à ultrasons présentent deux avantages majeurs très prometteurs. D’abord, celui d’utiliser les ondes acoustiques, non invasives et parfaitement inoffensives (les rayonsX, eux, sont des radiations dites ionisantes, toxiques et cancérigènes). Et au-delà, de révéler les propriétés élastiques de la matière, là où la structure osseuse révèle ses fragilités les plus fines. Cette avancée en termes d’analyse et de dépistage ouvre ainsi la voie à un champ d’exploration de l’os jamais égalé. De son côté, le Lip a déjà développé deux dispositifs à ultrasons brevetés, l’un pour le calcanéum (talon), vendu à ce jour à plus de 1000 exemplaires dans une quarantaine de pays, et le second pour les os de l’avant-bras. Un troisième appareil a également été mis au point pour le col du fémur dans le cadre d’un contrat européen où le laboratoire se trouvait associé au MPRG de Kiel, spécialisé en transfert clinique, ainsi qu’à la PME suisse Sulzer entre 2003 et 2007. Il fait aujourd’hui l’objet d’études cliniques en vue de sa prochaine commercialisation. LES ULTRASONS EN DISENT LONG Malgré leur performance, ces appareils ne permettent toutefois ni de sonder la matière à l’échelle submillimétrique ni de comprendre l’impact, sur l’os entier, des minuscules altérations qui peuvent survenir au niveau des constituants élémentaires du tissu osseux. C’est ici que le savoirfaire de Kay Raum et son équipe de Berlin en matière de microscopie acoustique prend toute sa dimension. Grâce à l’utilisation d’ondes ultrasonores de très hautes fréquences (de quelques centaines de mégahertz à quelques gigahertz), cette technologie permet de sonder les propriétés élastiques de la matière à l’échelle du micron, c’est-à-dire au plus près des constituants élémentaires du tissu osseux. Les informations inédites obtenues à cette échelle aident les chercheurs à mieux comprendre l’origine des qualités de résistance mécanique des os et ainsi à optimiser les dispositifs diagnostiques. Pascal Laugier, directeur du Lip, a été l’initiateur de cette collaboration qui s’est formalisée dès 2002 avant de prendre la forme actuelle d’un LEA en 2008. Cette méthode, combinée à celles du Lip, permet aujourd’hui d’évoluer à différentes échelles. Avec deux brevets et une vingtaine de publications à leur actif, les seize chercheurs et doctorants d’Ulab ont déjà un peu levé le voile sur la matière osseuse. Une matière composite, minérale, poreuse, organisée selon une structure hiérarchisée en plusieurs niveaux, élastique, siège d’un renouvellement permanent de la matière et capable de contenir la propagation des microfissures et contraintes biomécaniques afin de préserver la fonctionnalité globale de l’os. Reste désormais à comprendre les interactions qui lient ses constituants. Ce travail devrait prendre encore quelques HORIZON 37 Pour mieux comprendre et dépister l’ostéoporose, des chercheurs français et allemands développent des scanners plus performants et moins nocifs pour les patients. Leur secret : les ultrasons. Ce dispositif utilise les ultrasons pour prédire le risque de fracture due à l’ostéoporose. années mais permet d’ores et déjà d’entrevoir la mise au point de nouveaux dispositifs ultrasonores qui viendront compléter l’arsenal diagnostic. Un coup d’accélérateur pourrait être donné à la recherche en fédérant les forces européennes engagées contre l’ostéoporose. Avec la création du premier symposium international en 2005 et la naissance de ce premier LEA, le Lip montre l’exemple. Séverine Lemaire-Duparcq Exploration par microscopie acoustique de l’os à plusieurs échelles permettant d’en étudier finement la structure. 1. Unité CNRS/Université Paris-VI. 2. Le laboratoire B-Bild-Sonographie und akustische Mikroskopie (Q-BAM) du Julius Wolff Institute, de la Berlin- Brandenburg School for Regenerative Therapies de l’Université La Charité de Berlin, et du Medical physics research group de l’Université de Kiel (MPRG) en Allemagne. CONTACTS ➔ Pascal Laugier Laboratoire d’imagerie paramétrique, Paris laugier@lip.bhdc.jussieu.fr ➔ Anne-Marie Brass Direction des affaires européennes (DAE) du CNRS anne-marie.brass@cnrs-dir.fr Le journal du CNRS n°242 mars 2010 © LIP et Q-BAM, Berlin © LIP et DMS



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