30 © Photos : O. Martinelli 9 ZOOM 9 Cette pièce d’argent pur provient de Kongsberg, en Norvège. Au XVIII e siècle, le roi de Suède Christian VII a distribué les plus beaux spécimens tirés de cette mine à des souverains d’Europe. 10 Jean-Claude Boulliard a mis quatre ans à acquérir ces magnifiques rutiles sur hématite. 11 Ce spécimen d’aigue-marine, baptisé Manhattan, a été acquis en 1989. 12 Échantillon de calcite et sphalérite. 13 Cette fluorite, aux cristaux bleu électrique, provient de Beix dans le Puy-de-Dôme. 14 Cet échantillon est rare car vanadinite et goethite sont associées. Il a été extrait du gisement de Taouz, au Maroc. Le journal du CNRS n°242 mars 2010 10 11 14 > 12 collection est stockée dans un hangar dans des conditions déplorables. Elle ne sera pas beaucoup mieux traitée dans ses nouveaux locaux où les pièces, peu protégées et trop accessibles, vont se détériorer. Du coup, bien peu d’échantillons acquis à l’origine ont subsisté. En 1969, la collection est transférée à l’université Pierre-et-Marie-Curie nouvellement créée sur le campus de Jussieu. Lorsqu’il prend la direction de la collection, en 1998, Jean-Claude Boulliard la dépoussière. Il en fait un service comparable à un laboratoire de recherche. Car ces minéraux sont aussi un outil d’études précieux pour les scientifiques, dans de multiples disciplines : en physique des solides, en spectroscopie, en archéologie ou encore en biologie ! « On pense que les premières formes de vie sont nées dans des feuillets de roche dont elles se nourrissaient pour subsister », argumente le chercheur. Chaque année donc, des dizaines de scientifiques sollicitent la collection. Pas question bien entendu de prêter des pièces exposées, trop précieuses. Pour satisfaire leur demande, il puise dans le fonds qui comprend 15 000 spécimens représentant 1 600 espèces sur les 4 400 connues. Pour ce fonds comme pour l’exposition, le directeur s’emploie à sans cesse renouveler la collection, « sinon, estime-t-il, elle devient vite dépassée ». Mais la tâche est loin d’être aisée. « Le temps des expéditions où l’on pouvait fouiller soi-même les sites est révolu, explique-t-il. Aujourd’hui, les gisements sont 13 exploités par des professionnels qui vendent leur récolte sur le marché des minéraux. » Or, ce dernier a littéralement explosé ces dernières années, notamment via Internet. Le seuil des 100 000 euros pour une pièce est régulièrement dépassé. Or, le budget de Jean-Claude Boulliard pour l’achat d’échantillons est d’environ 15 000 euros par an ! « Pour m’en sortir, je guette les bonnes affaires, et je mise sur les pièces amenées à prendre de la valeur quand leur gisement sera fermé. Venez voir… » Il nous guide vers son bureau qui se prolonge vers un immense atelier. Avec délice, il ouvre une boîte cartonnée perchée en haut d’une armoire de naturaliste. Une forêt de cristaux mauves et violets se révèle alors : « c’est une fluorite, je l’ai achetée à un prix très raisonnable à un commerçant qui apprécie particulièrement la collection ». Sera-t-elle nettoyée, taillée pour paraître plus belle encore ? « Je nettoie les pièces dans un bain à ultrasons mais je ne les taille jamais. Les pièces sont exposées dans leur état naturel », nous informe le gardien de cet antre. La fluorite viendra donc rejoindre la collection dont la qualité scientifique, historique, artistique et sentimentale, est inestimable. Émilie Badin ➔ À lire : Minéraux remarquables de la collection UPMC – La Sorbonne, Jean-Claude Boulliard et Orso Martinelli, éd. Le Pommier, novembre 2009, 224p. – 69 €. 1. Unité CNRS/Universités Paris-VI et VII/IPGP/IRD. CONTACT ➔ Jean-Claude Boulliard Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés, Paris jean-claude.boulliard@impmc.jussieu.fr |