CNRS Le Journal n°242 mars 2010
CNRS Le Journal n°242 mars 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°242 de mars 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,9 Mo

  • Dans ce numéro : Ce que révèlent nos tabous

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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30 © Photos : O. Martinelli 9 ZOOM 9 Cette pièce d’argent pur provient de Kongsberg, en Norvège. Au XVIII e siècle, le roi de Suède Christian VII a distribué les plus beaux spécimens tirés de cette mine à des souverains d’Europe. 10 Jean-Claude Boulliard a mis quatre ans à acquérir ces magnifiques rutiles sur hématite. 11 Ce spécimen d’aigue-marine, baptisé Manhattan, a été acquis en 1989. 12 Échantillon de calcite et sphalérite. 13 Cette fluorite, aux cristaux bleu électrique, provient de Beix dans le Puy-de-Dôme. 14 Cet échantillon est rare car vanadinite et goethite sont associées. Il a été extrait du gisement de Taouz, au Maroc. Le journal du CNRS n°242 mars 2010 10 11 14 > 12 collection est stockée dans un hangar dans des conditions déplorables. Elle ne sera pas beaucoup mieux traitée dans ses nouveaux locaux où les pièces, peu protégées et trop accessibles, vont se détériorer. Du coup, bien peu d’échantillons acquis à l’origine ont subsisté. En 1969, la collection est transférée à l’université Pierre-et-Marie-Curie nouvellement créée sur le campus de Jussieu. Lorsqu’il prend la direction de la collection, en 1998, Jean-Claude Boulliard la dépoussière. Il en fait un service comparable à un laboratoire de recherche. Car ces minéraux sont aussi un outil d’études précieux pour les scientifiques, dans de multiples disciplines : en physique des solides, en spectroscopie, en archéologie ou encore en biologie ! « On pense que les premières formes de vie sont nées dans des feuillets de roche dont elles se nourrissaient pour subsister », argumente le chercheur. Chaque année donc, des dizaines de scientifiques sollicitent la collection. Pas question bien entendu de prêter des pièces exposées, trop précieuses. Pour satisfaire leur demande, il puise dans le fonds qui comprend 15 000 spécimens représentant 1 600 espèces sur les 4 400 connues. Pour ce fonds comme pour l’exposition, le directeur s’emploie à sans cesse renouveler la collection, « sinon, estime-t-il, elle devient vite dépassée ». Mais la tâche est loin d’être aisée. « Le temps des expéditions où l’on pouvait fouiller soi-même les sites est révolu, explique-t-il. Aujourd’hui, les gisements sont 13 exploités par des professionnels qui vendent leur récolte sur le marché des minéraux. » Or, ce dernier a littéralement explosé ces dernières années, notamment via Internet. Le seuil des 100 000 euros pour une pièce est régulièrement dépassé. Or, le budget de Jean-Claude Boulliard pour l’achat d’échantillons est d’environ 15 000 euros par an ! « Pour m’en sortir, je guette les bonnes affaires, et je mise sur les pièces amenées à prendre de la valeur quand leur gisement sera fermé. Venez voir… » Il nous guide vers son bureau qui se prolonge vers un immense atelier. Avec délice, il ouvre une boîte cartonnée perchée en haut d’une armoire de naturaliste. Une forêt de cristaux mauves et violets se révèle alors : « c’est une fluorite, je l’ai achetée à un prix très raisonnable à un commerçant qui apprécie particulièrement la collection ». Sera-t-elle nettoyée, taillée pour paraître plus belle encore ? « Je nettoie les pièces dans un bain à ultrasons mais je ne les taille jamais. Les pièces sont exposées dans leur état naturel », nous informe le gardien de cet antre. La fluorite viendra donc rejoindre la collection dont la qualité scientifique, historique, artistique et sentimentale, est inestimable. Émilie Badin ➔ À lire : Minéraux remarquables de la collection UPMC – La Sorbonne, Jean-Claude Boulliard et Orso Martinelli, éd. Le Pommier, novembre 2009, 224p. – 69 €. 1. Unité CNRS/Universités Paris-VI et VII/IPGP/IRD. CONTACT ➔ Jean-Claude Boulliard Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés, Paris jean-claude.boulliard@impmc.jussieu.fr
Yannick Mellier Astrophysicien Traqueur de l’invisible Lorsqu’il a pointé sa première lunette astronomique vers le ciel, Yannick Mellier, chercheur à l’Institut d’astrophysique de Paris (IAP) 1, avait dix ans. « L’instant où l’on observe Saturne pour la première fois dans une lunette astronomique est magique : on ressent une émotion si profonde que cela peut devenir une sorte de rupture. » C’était en 1968. Quelque quarante ans plus tard, sa fascination pour le ciel reste intacte mais la lunette astronomique a été troquée contre les puissants télescopes de Hawaii ou du Chili. Et ce ne sont plus les astres visibles qui l’intéressent, mais les structures de l’Univers qui ne se voient pas, qui s’obstinent à demeurer invisibles. L’œil pétillant d’enthousiasme et de fierté pour le travail réalisé, le lauréat 2009 de la médaille d’argent du CNRS revient sur les grands moments de son parcours scientifique. Son goût pour les choses du ciel le pousse naturellement vers des études de physique, puis vers un DEA d’astrophysique. Il consacre sa thèse, réalisée à l’observatoire de Toulouse, à la structure des amas de galaxies. Puis départ pour un postdoctorat à Durham, en Angleterre, avant de s’installer pour un an à Hawaii. C’est là qu’il découvre l’instrument auquel il doit une grande partie de ses découvertes : le télescope Canada-France-Hawaii. « Ce télescope est loin d’être parmi les plus grands du monde : il n’a que 4 mètres de diamètre, explique-til. En revanche, son impact scientifique a été si considérable au cours des dernières années qu’il est parmi les plus prestigieux. » Suite à son séjour à Hawaii, Yannick Mellier obtient un poste à Toulouse puis, après quelques années de recherche extrêmement fructueuses, il décide en 1995 de passer à un nouveau cap de sa carrière en intégrant l’IAP. Avec lui, l’Univers semble fait d’illusions d’optique, de trompe-l’œil et de mirages qui trahissent la présence d’une matière invisible. En effet, depuis 1995, l’astronome a entrepris des recherches vertigineuses qui pourraient représenter un tournant dans la cosmologie. Il s’intéresse au cisaillement gravitationnel : les images distordues de galaxies très lointaines peuvent renseigner sur les concentrations de matière qui se trouvent entre elles et l’observateur. Pour bien comprendre, il faut revenir sur l’une des conséquences de la relativité d’Einstein : la masse des objets célestes dévie la lumière. Ainsi, lorsqu’un corps massif (trou noir, galaxie…) se trouve entre l’observateur et un objet lumineux, ce dernier peut apparaître déformé et démultiplié. Ce sont les effets de cisaillement et de lentille gravitationnels. Il se peut même que l’image d’un objet soit si bouleversée qu’il prenne la forme d’un anneau, appelé anneau d’Einstein. C’est en 1987, lors de son doctorat, aux côtés de Bernard Fort et de Geneviève Soucail, que le jeune homme découvre pour la première fois ce phénomène. « L’instant où l’on observe Saturne pour la première fois est magique. » Le cisaillement gravitationnel est la seule façon de percevoir la matière noire, une forme de matière dont la nature demeure encore un mystère mais qui est cinq fois plus abondante que la matière normale qui nous constitue. Attention : cette cartographie de l’invisible est très difficile à mettre en œuvre. « Elle est à la limite même de la technologie actuelle car la distorsion de la lumière que l’on cherche à mesurer est extrêmement faible », indique l’astronome. Pour mener à bien cette tâche, les chercheurs utilisent une merveille technologique, une caméra RENCONTREAVEC 31 géante appelée MegaCam, placée au foyer du télescope Canada-France-Hawaii. La quantité de données produites par l’instrument est si abondante qu’il a fallu créer un centre de traitement de données, appelé Terapix, qui lui est dédié. Construit à l’IAP, Terapix est dirigé par Yannick Mellier lui-même. D’énormes moyens, en somme, à la mesure de l’enjeu : retracer les étapes qui ont fait de l’Univers ce qu’il est aujourd’hui. « En comparant la distribution de la matière dans l’Univers, nous pouvons mettre à l’épreuve les différents modèles cosmologiques et dire lesquels correspondent à nos observations », précise-t-il. Et c’est ainsi que nous en saurons plus sur nos origines. « La recherche, admet Yannick Mellier, me prend pratiquement tout mon temps. » Lorsque, néanmoins, il réussit à s’offrir quelques heures pour lui, il en profite pour assouvir sa passion pour la littérature, l’histoire et la philosophie des sciences, ou la sculpture. Mais, au fait, qu’est donc devenue la lunette astronomique de ses premières observations ? « Je ne suis pas vraiment astronome amateur, alors je l’ai donnée à une école. » Difficile de revenir aux petites lunettes lorsqu’on s’est habitué aux plus beaux observatoires du monde ! Sebastián Escalón ➔ Retrouvez les « Talents » du CNRS sur www.cnrs.fr/fr/recherche/prix.htm 1. Unité CNRS/Université Paris-VI. CONTACT ➔ Yannick Mellier Institut d’astrophysique de Paris mellier@iap.fr Le journal du CNRS n°242 mars 2010 © J. Mouette/CNRS Photothèque



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