CNRS Le Journal n°242 mars 2010
CNRS Le Journal n°242 mars 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°242 de mars 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,9 Mo

  • Dans ce numéro : Ce que révèlent nos tabous

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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16 PAROLED’EXPERT Les 14 et 21 mars, les électeurs sont appelés à voter afin de renouveler l’ensemble des conseillers régionaux des 26 régions françaises. Mais quelle place occupent vraiment nos régions dans le système politique français ? Romain Pasquier : Depuis la première élection régionale de 1986, les régions ont investi nombre de sujets au cœur de la vie quotidienne des citoyens : l’enseignement (construction des lycées, gestion des personnels non-enseignants…), le transport (les Trains express régionaux – TER –, ports et aéroports d’intérêt régional…), la formation professionnelle et l’apprentissage, le développement économique (aides aux entreprises et à l’artisanat) et l’aménagement du territoire. Ces compétences obligatoires sont fixées par la loi. Par ailleurs, elles ont développé, sous l’impulsion volontariste des élus, une série de compétences non obligatoires qui touchent des domaines aussi divers que la culture, le sport ou la vie associative. Comment expliquer la mise en place relativement récente de ces élections ? R.P. : Dans les années 1950, les pouvoirs publics ont engagé une vaste politique de déconcentration économique et administrative. Au départ, les régions françaises étaient des circonscriptions utilisées pour planifier les investissements de l’État (infrastructures, équipements, etc.). Puis, avec la montée en puissance des mouvements régionalistes dans les années 1970, les premières institutions régionales ont pris la forme d’établissements publics sous tutelle de l’État. Il a fallu attendre les lois Deferre de 1982-1983, dites lois de Le journal du CNRS n°242 mars 2010 Romain Pasquier, politologue, chargé de recherche au Centre de recherches sur l’action politique en Europe (Crape) 1 et enseignant à l’Institut d’études politiques de Rennes Le temps des régions décentralisation, pour que les régions se voient dotées d’une autorité exécutive et obtiennent davantage d’autonomie et de liberté d’action. Alors quels sont les enjeux des prochaines élections ? R.P. : Il y a tout d’abord des enjeux régionaux évidents : les présidents sortants défendant un bilan de six années d’action publique régionale. Selon les cas, ces enjeux sont plus ou moins territorialisés. Car si la France est une nation, elle est aussi un kaléidoscope de particularismes très divers (identités, langues régionales…). En Bretagne et en Alsace, par exemple, les gens sont 50% à se sentir autant bretons ou alsaciens que français 2. Le sentiment d’appartenance et le désir de développer des compétences dans des domaines liés à l’identité du territoire peuvent y être plus marquées qu’en Champagne-Ardennes ou en Franche-Comté. La façon dont la région est perçue par une majorité de citoyens, territoire vécu ou circonscription administrative, peut avoir un impact sur les politiques menées. Toutefois, il ne faut pas oublier que ces élections sont des intermédiaires et qu’elles interviennent à mi-mandat présidentiel. « Si la France est une nation, elle est aussi un kaléidoscope de particularismes très divers. » L’enjeu national est donc inévitable… R.P. : En effet, les résultats seront nécessairement interprétés comme une indication de l’adhésion ou non des Français à la politique du gouvernement. Cette interprétation est d’ailleurs facilitée par une organisation des élections semblable aux élections nationales : campagne nationale, elles se déroulent le même jour, dans toute la France, avec les mêmes forces politiques… De plus, le bon taux habituel de participation 3 offre la possibilité pour les partis politiques de réaliser un test grandeur nature en vue des présidentielles de 2012. Le basculement des régions à gauche depuis 2004, le contexte de crise actuel et la réforme des collectivités territoriales renforceront également cette image nationale. Un mot sur cette réforme, dont la première mesure, actée début février, vise à remplacer les conseillers régionaux élus par des « conseillers territoriaux » ? R.P. : La disparition des mandats de conseillers régionaux comme ceux des conseillers généraux est prévue pour 2014. La répartition territoriale des nouveaux conseillers, leur mode d’élection et leurs compétences doivent être définis dans deux projets de loi ultérieurs. Mais avec les élections présidentielles de 2012 tout peut changer. Si réforme il y a, elle devrait aboutir à une simplification progressive des structures administratives locales (régions, départements, communes…). L'objectif étant de clarifier les compétences de chacune et d’encadrer au mieux la pratique des cofinancements : actuellement, ce sont 20 à 30% des budgets des collectivités territoriales qui s’enchevêtrent ! La réforme prévoirait également la création de nouvelles communes, de métropoles dotées de compétences élargies telles que la mise en œuvre de politiques sociales, compétence actuelle des départements… À suivre. Propos recueillis par Géraldine Véron 1. Unité CNRS/IEP Rennes/Université Rennes-I. 2. Citoyenneté régionale, étude du CNRS et de la Fondation européenne pour la science, 2009. 3. Environ 55-60% (équivalent aux élections législatives). CONTACT ➔ Romain Pasquier Centre de recherches sur l’action politique en Europe, Rennesrpasquier@hotmail.com
Thomas Mariotti Un grain de philo dans la finance David Bowie avait émis des titres 1 basés sur les recettes futures d’un de ses albums. L’album n’était pas encore vendu, mais il a touché l’argent tout de suite. C’est ce qu’on appelle la titrisation. » Thomas Mariotti a une manière très pédagogique d’illustrer le mécanisme qui, en s’emballant, a conduit à la crise des subprimes. Auparavant, il avait expliqué au tableau, toujours avec clarté, les principes de base de l’économie : efficacité, distribution des richesses, satisfaction. « Mais ce qui est intéressant, bien sûr, c’est d’étudier les déviations de ces principes. » À 40 ans, il a déjà dans ce domaine une longue expérience, récompensée en 2009 par le prix « meilleur jeune chercheur en finance » de l’institut Europlace, et en 2007, par la médaille de bronze du CNRS. Une expérience acquise pour l’essentiel au sein du Groupe de recherche en économie mathématique et quantitative (Gremaq) 2 et de l’Institut d’économie industrielle (Idei), hébergés par l’université des sciences sociales de Toulouse. Deux établissements marqués par la figure d’un économiste aujourd’hui disparu, unanimement reconnu par ses pairs, Jean-Jacques Laffont. Thomas Mariotti s’inscrit dans la filiation thématique qui caractérise ses travaux et ceux de la très réputée « école toulousaine » : l’économie de l’information, un domaine emmené désormais par Jean Tirole, un autre Toulousain célèbre, médaille d’or 2007 du CNRS. « Les acteurs de l’économie manipulent l’information, ils cachent par exemple leurs revenus ou leurs perspectives réelles de bénéfices », explique Thomas Mariotti. D’où des déficits d’information qui peuvent, par exemple, conduire un banquier à ne pas investir. Le jeune économiste intègre ces questions à deux domaines : la finance d’entreprise, qui étudie les instruments que l’entreprise utilise pour se financer (actions, dette, etc.) et les relations entre les acteurs de ce financement ; et la finance de marché, qui s’intéresse à l’évaluation des titres. Deux disciplines qui ont évolué de manière indépendante et que le jeune économiste s’attache à réunifier. Un peu comme les physiciens qui veulent réconcilier la relativité générale et la mécanique quantique ? « Oui, mais l’économie, en comparaison, c’est peanuts ! » Trop modeste, quand on sait que des outils mathématiques complexes prennent une part grandissante dans la discipline, dont la théorie des jeux, qui aide à décrire les interactions entre les consommateurs. Pendant sa prépa maths et lettres, Thomas Mariotti hésitait entre l’économie et la philosophie. « Un jour, mon professeur de sciences sociales m’a fait lire l’ouvrage de John © J.-F. Dars/CNRS Photothèque JEUNESCHERCHEURS 17 Richard Hicks, Value and Capital. À la fin, il y avait un appendice avec des équations mathématiques. Cela a été une révélation pour moi : on pouvait utiliser les maths pour modéliser les comportements économiques. » Philosophe mais amoureux de logique, il choisit donc l’économie qu’il trouve plus concrète. Plus tard, un passage à la London School of Economics lui fait découvrir l’approche anglosaxonne : « Ils sont beaucoup plus pragmatiques. J’ai appris qu’il ne suffit pas d’écrire un modèle, il faut montrer son originalité et engendrer des prédictions vérifiables. » « Il faut mettre les bonus sur un compte qu’on ne débloquerait qu’en cas de bons résultats durables. » Mais il reste loin de la City et de ses profits mirobolants. Aujourd’hui, il s’intéresse à d’autres profits, d’une actualité brûlante : la rémunération des dirigeants, et en particulier les bonus. « Attribuer des bonus garantis est une absurdité. Et leur étalement ne suffit pas. Il faut regarder les performances des managers sur le long terme, et mettre, par exemple, les bonus sur un compte bloqué qu’on ne débloquerait qu’en cas de bons résultats durables. On commence à utiliser des modèles pour comprendre ces processus. » Un discours qui pourrait intéresser certains partis politiques. Mais Thomas Mariotti ne souhaite pas s’engager dans cette voie : « Je reste un théoricien. Mon rôle est de continuer à améliorer les modèles ». Des modèles, en a-t-il, au fait ? « Je préfère ne citer personne. Je dirais simplement qu’en économie, il faut relire les classiques. » Sur son bureau, une édition ancienne de Value and Capital est là pour en témoigner. Jean-François Haït 1. On appelle titre tout ce qui est échangé sur les marchés financiers. Ce sont essentiellement des actions et des obligations. 2. Unité CNRS/Université Toulouse-I/Inra. CONTACT ➔ Thomas Mariotti Groupe de recherche en économie mathématique et quantitative, Toulouse mariotti@cict.fr Le journal du CNRS n°242 mars 2010



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