CNRS Le Journal n°242 mars 2010
CNRS Le Journal n°242 mars 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°242 de mars 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,9 Mo

  • Dans ce numéro : Ce que révèlent nos tabous

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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12 © F. Aguila/IPMC/CNRS et Université de Nice-Sophia Antipolis VIEDESLABOS Actualités PHYSIQUE Des photons attrapés au vol Imaginez la future trajectoire d’un billet de dix euros de votre poche : lors d’un prochain achat, il ira probablement remplir le portefeuille d’un commerçant de votre ville, et ce relais continuera jusqu’à ce que la coupure, à la faveur d’un voyage, se retrouve dans le porte-monnaie, peut-être, d’un habitant de Lille ou de Marseille. Ce type de trajectoire, constituée de sauts de puce ponctués par de longues lignes droites, s’appelle en mathématiques un vol de Lévy. La course d’un photon dans l’enveloppe externe du Soleil et la trajectoire d’un albatros en quête de nourriture sont parfois décrites comme des vols de Lévy. Toutefois, aucune observation directe et franche du phénomène n’avait jamais été réalisée pour la lumière. Robin Kaiser et ses collègues de l’Institut non linéaire de Nice Sophia-Antipolis 1, avec l’aide d’une chercheuse brésilienne de l’université fédérale de Paraiba, viennent de réaliser la toute première, en utilisant une vapeur d’atomes 2. Mais pourquoi les vols de Lévy de photons échappaient-ils à la sagacité des physiciens ? Simplement car : « pour pouvoir suivre un photon, il faudrait en quelque sorte le marquer, note Robin Kaiser. Et c’est en fait impossible. » LE CHIFFRE Le journal du CNRS n°242 mars 2010 Représentation d’artiste de la trajectoire (en blanc) d’un photon dans un gaz dilué de rubidium. 50 ➔ En savoir plus : www2.cnrs.fr/presse/communique/1780.htm L’équipe de Nice est parvenue à penser autrement le problème grâce à un montage expérimental astucieux, basé sur des cellules emplies de vapeur de rubidium à travers lesquelles les particules de lumière se frayent un chemin. Le tout paré d’un système de détection très précis. « Le défi était de parvenir à une détection extrêmement soigneuse, limitée au final seulement par les parasites liés à la source de photons elle-même et aux rayons cosmiques », décrit Robin Kaiser. À partir des données recueillies sur la distance qu’ils parcouraient, l’équipe a observé que les photons voyageaient bel et bien dans le rubidium en phase gazeuse selon un vol de Lévy, en avançant par petits sauts rythmés par de longues traversées. À présent, les chercheurs voudraient rendre plus sophistiquée l’expérience afin d’observer d’autres régimes de trajectoire, mais ils songent aussi, désormais, à faire bénéficier d’autres scientifiques de leurs connaissances, grâce à de possibles ponts avec d’autres systèmes physiques. « Nos travaux pourraient ainsi avoir des ouvertures aussi bien sur le plan fondamental, sur la compréhension des mécanismes microscopiques de la diffusion de lumière dans des vapeurs chaudes, mais aussi sur le plan des applications, en aidant par exemple à mieux comprendre la lumière émise par des objets astrophysiques tels que le Soleil ou encore les régimes extrêmes de certaines lampes à décharge (les lampes remplies de gaz où circule un courant électrique) », espère Robin Kaiser. Depuis leur mathématisation dans les années 1940, les vols de Lévy trouvent désormais un second souffle grâce à la physique. Xavier Müller 1. Unité CNRS/Université de Nice. 2. Travaux publiés dans Nature Physics. CONTACT ➔ Robin Kaiser Institut non linéaire de Nice Sophia Antipolis robin.kaiser@inln.cnrs.fr Cinquante fois plus de risques de développer une obésité sévère : la statistique concerne les individus porteurs d’une anomalie sur le chromosome 16 que des scientifiques viennent de mettre en évidence. Si celle-ci est présente chez moins d’une personne sur 1000, elle expliquerait près de 1% des cas d’obésité. Obtenu grâce à la technologie des puces à ADN, ce résultat a été publié dans la revue Nature le 4 février par des chercheurs du CNRS et leurs collègues de douze équipes européennes. © NASA/GSFC/METI/ERSDAC/JAROS, and U.S./Japan ASTER Science Team © Sémhur/Wikimedia Commons Le triangle de l’Afar se trouve à l’intersection de trois plaques tectoniques qui s’écartent à la vitesse de 15 mm par an, donnant naissance à un océan.
5 km GÉOPHYSIQUE Le plancher de la région de l’Afar au volcanisme intense est essentiellement composé de laves remontant du manteau terrestre. Naissance d’un océan À bord de 4x4 ou à dromadaire, d’intrépides géophysiciens partent sillonner la dépression de l’Afar, située juste à côté de la corne de l’Afrique. Leur but : installer un réseau de sismographes et de GPS afin de suivre l’activité d’une dorsale océanique et l’ouverture d’un nouvel océan. Nous voici dans la dépression de l’Afar, juste au-dessus de la corne de l’Afrique. C’est l’un des endroits les plus arides de la planète, une région désolée aux paysages hallucinés qui s’enfoncent dans le bleu métallique de la mer Rouge. À l’intersection de la Somalie, de l’Éthiopie, de l’Érythrée et du Djibouti, c’est un lieu souvent sous tension. Pourtant, une équipe de géophysiciens est bien décidée à s’y établir durablement. À leurs yeux, l’Afar est l’une des grandes merveilles du monde : dans cette dépression au volcanisme intense, trois plaques tectoniques s’écartent, donnant naissance à un océan dont la mer Rouge et le golfe d’Aden ne sont que les prémisses. Les chercheurs de l’Institut de physique du globe (IPG) de Strasbourg 1 et de celui de Paris 2 veulent suivre en direct l’intense activité tectonique et volcanique qui anime l’Afar. Pour cela, ils ont lancé le projet DoRA (Dynamique du Rifting en Afar), soutenu par l’ANR, l’Institut national des sciences de l’Univers du CNRS et porté par Cécile Doubre, chercheuse à l’IPG de Strasbourg. Durant les quatre ans prévus pour le projet, une kyrielle de missions dans les parties éthiopiennes et djiboutiennes de l’Afar est prévue. En ce mois de mars et jusqu’à la mi-avril, les chercheurs sont ainsi en Éthiopie pour poser une série de sismomètres et de stations GPS qui, à terme, comptera une vingtaine d’instruments. Leur but est d’obtenir un réseau assez dense de capteurs pour étudier l’évolution de l’un des rifts, la déchirure de la croûte terrestre qui prolonge la Mer Rouge en Afar. L’entreprise est digne d’un roman d’aventures. « Les premiers sismomètres sont en train d’être placés dans des zones où l’on peut accéder en 4x4. Mais pour installer les capteurs dans les zones centrales du rift, nous allons devoir louer des dromadaires aux nomades », explique Cécile Doubre. Redoublant de précautions, accompagnés de guides et d’interprètes, les scientifiques se doivent d’expliquer aux habitants, parfois méfiants, leurs objectifs et la fonction des instruments laissés sur place. Mais ce n’est pas tout : si certains des instruments peuvent transmettre par radio ou Wi-Fi les données enregistrées vers une station centrale située dans la ville de Samara, en Éthiopie, d’autres, plus isolés, devront être visités régulièrement par les chercheurs. Toutes ces actions ne pourraient être menées à bien sans la collaboration de partenaires locaux : l’Observatoire géophysique d’Addis-Abeba, l’Université de Semara, capitale de l’Afar éthiopien, et pour la partie djiboutienne, l’Observatoire géophysique d’Arta et le Centre d’études et de recherches de Djibouti. Mais que recèle donc cet endroit qui intéresse tant les géophysiciens ? « En général, le fonctionnement d’une dorsale océanique ne peut s’observer que par 3 000 mètres de fond. Or, en Afar, ce sont deux dorsales qui « sautent » à terre. Du point de vue géologique, c’est comme si l’on marchait au fond d’un océan naissant », explique Cécile Doubre. « Ceci nous permet d’étudier de près la dynamique d’ouverture des plaques continentales et de bien caractériser les mécanismes intervenant dans la transition entre la croûte océanique et les plaques © Institut de physique du globe Mission VIEDESLABOS Installation de l’une des stations du réseau sismologique qui se met en place sur le bord de l’un des deux rifts de l’Afar. continentales. » Au niveau des rifts, le magma du manteau terrestre remonte à la surface et repousse les plaques continentales tout en créant un nouveau plancher océanique. Ainsi la péninsule arabique s’éloigne de l’Afrique tandis que la mer Rouge et le golfe d’Aden s’élargissent à la vitesse de 15 millimètres par an. Mais si les grandes lignes du processus sont connues, de nombreuses questions restent en suspens. « Nous voulons étudier précisément les mécanismes contrôlant l’ouverture d’un segment de rift, et en particulier caractériser le rôle des volcans et de leurs réservoirs à magma dans la déformation de la croûte terrestre. Cette déformation se fait soit par l’injection de dykes, de profondes fissures remplies de magma qui ouvrent la croûte terrestre, soit par le glissement de failles tectoniques. Nous cherchons aussi à mieux comprendre l’interaction entre ces deux processus. » Depuis septembre 2005, ce rift est particulièrement actif et a vu l’apparition de dizaines de dykes. Pour la première fois, ce phénomène a pu être étudié à l’aide de GPS et de données satellites. Bientôt, grâce au réseau de sismomètres, les chercheurs pourront « écouter » la croûte terrestre se déformer au niveau du rift. Ils pourront aussi étudier, à l’aide d’images radar du satellite Envisat, comment se propagent de proche en proche ces déformations. L’Afar est bel et bien le seul endroit au monde où ces questions sur la dynamique des plaques et le fonctionnement des dorsales océaniques peuvent être étudiées. Voilà pourquoi, en 4x4 ou à dos de dromadaire, on est sûr d’y trouver des géologues. Sebastián Escalón 1. Unité CNRS/Université de Strasbourg/École et observatoire des sciences de la Terre. 2. Unité CNRS/Universités de Paris-VI et VII/Université de la Réunion. CONTACT ➔ Cécile Doubre Institut de physique du globe, Strasbourg cdoubre@eost.u-strasbg.fr Le journal du CNRS n°242 mars 2010 13



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