CNRS Le Journal n°240-241 jan/fév 2010
CNRS Le Journal n°240-241 jan/fév 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°240-241 de jan/fév 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,4 Mo

  • Dans ce numéro : Les secouristes de la nature

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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26 © Photos : A. Ducourneau. © A. Ducourneau L’ENQUÊTE Le tracé de la grande muraille verte. En plein cœur de la Camargue, des spécialistes des maladies infectieuses participent à la chasse au sanglier. Mais ce n’est pas le gibier qui les attire : eux traquent les virus. Car l’arrivée de la fameuse souche de la grippe H1N1 n’est pas un évènement seulement pour l’espèce humaine, mais aussi pour la biodiversité. Le virus, probablement issu des élevages de porcs du Mexique, pourrait bel et bien venir se loger dans l’organisme de leurs cousins sauvages. François Renaud, directeur de recherches au laboratoire Génétique et évolution des maladies infectieuses (Gémi) 1, explique la portée de ces recherches : « En Camargue, on trouve des sangliers, des hommes et des oiseaux migrateurs. C’est tout un Le journal du CNRS n°240-241 janvier-février 2010 Une muraille verte contre le désert C’est un projet pharaonique : planter une muraille d’arbres de 7000 kilomètres de long et 15 de large, entre Saint- Louis au Sénégal et Addis- Abeba en Éthiopie afin de stopper l’avancée du désert. Baptisée grande muraille verte, cette forêt est aussi une opportunité pour améliorer les conditions de vie des populations du Sahel. Sur le papier, le projet initié par la Communauté des états Sahélosahariens (Cen-Sad), et déjà en cours de réalisation, est enthousiasmant : constitué dans un premier Quand la biodiversité se grippe écosystème dans lequel le virus va circuler. » Celui-ci pourrait muter, se recombiner avec d’autres souches déjà présentes, ou encore, infecter d’autres organismes comme les oiseaux. Les chercheurs ne veulent rien perdre des évolutions du H1N1. Ces travaux, qui viennent à peine de commencer, s’intègrent dans un cadre plus large : comprendre la relation entre les agents pathogènes et les écosystèmes. « Virus, bactéries, nématodes et autres responsables de maladies infectieuses font autant partie de la biodiversité que les éléphants ou les orchidées. Ils prennent part à un équilibre écologique », affirme François Renaud. Ainsi, il y a de nombreux exemples où la déstabilisation temps de quatre espèces d’arbres (dont deux espèces d’acacias), ce couloir de forêt devrait peu à peu être investi par de nouvelles espèces animales et végétales, et abriter à terme une riche biodiversité. Cette plantation devrait aussi apporter de nouvelles ressources aux habitants, bois, plantes médicinales, résine d’acacia avec laquelle on produit de l’encens, tourisme… De plus, en freinant l’avancée du sable, elle devrait améliorer la qualité des sols et ainsi permettre aux habitants de faire un peu d’agriculture et reconstituer leurs pâturages. L’idée : freiner l’émigration écologique qui touche de plein fouet ces régions. Mais quelle sera la réalité de cet immense projet ? C’est ce que veulent savoir des chercheurs français et africains regroupés © D. Cohez et M.Gauthier Clerc/La tour du Valat d’un écosystème, ou bien l’érosion de la biodiversité a entraîné l’émergence ou la recrudescence d’une maladie infectieuse. Les épidémies de VIH ou d’Ebola peuvent s’expliquer par l’irruption de l’humain dans des écosystèmes auxquels il ne participait pas. Mais la diminution de la biodiversité se présente aussi dans l’agriculture et l’élevage, ce qui favorise l’émergence de nouvelles maladies infectieuses (lire Un forage dans la région du Ferlo, au Sénégal, sur le parcours de la grande muraille verte. autour d’un observatoire hommes-milieu. « Notre but est de collecter le maximum d’informations sur cette zone et d’analyser de manière très interdisciplinaire l’impact de cette action anthropique sur l’environnement et les hommes », explique l’anthropologue Gilles Boëtsch, directeur du laboratoire Environnement, santé et sociétés (ESS) 1, la première unité mixte internationale francoafricaine. L’observatoire concentrera ses études sur la vallée de Ferlo, au Sénégal, région habitée essentiellement par des bergers peuls. La vingtaine de chercheurs qui contribueront à ce projet viendront de disciplines diverses : Un sanglier au cœur de l’écosystème camarguais, dans lequel le virus H1N1 pourrait bien circuler.
anthropologues, médecins, Plantation d’un botanistes, biochimistes, écologues acacia, une espèce et modélisateurs tenteront de sélectionnée pour donner une image aussi riche que sa bonne adaptation précise de l’évolution de cette et les ressources vallée. « Les données que nous qu’elle procure aux villageois, comme de produirons seront à la disposition la gomme arabique. d’autres chercheurs et, bien sûr, des autorités locales. D’ailleurs, nous allons collaborer étroitement avec le ministère de l’Environnement du Sénégal. » Les premiers arbres ont été plantés il y a quatre ans. Ils ne sont pas encore bien hauts, mais d’après Gilles Boëtsch, d’ici quatre ou cinq ans, les premiers changements sociaux et environnementaux seront manifestes. SE 1. Unité CNRS/Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal)/Université de Bamako (Mali)/Centre national de la recherche scientifique et technologique (Burkina Faso). ➔ Gilles Boëtsch, gilles.boetsch@univmed.fr p. 28). « Afin de produire des protéines bon marché, les élevages modernes privilégient les grandes batteries d’animaux tous identiques. Mais ils constituent ainsi de gigantesques réacteurs biologiques. La souche H1N1 et la souche H5N1 de la grippe aviaire sont de purs produits de processus de sélection qui ont eu lieu dans les élevages de porcs ou de volailles. Et lorsque la population de virus atteint une masse critique, plus rien ne peut arrêter sa dissémination », explique François Renaud. Les maladies infectieuses, dont l’évolution est liée à la nôtre, sont bien parties pour faire encore un bon bout de chemin avec nous. SE 1. Unité CNRS/IRD. ➔ François Renaud, francois.renaud@mpl.ird.fr L’inventaire s’accélère Après trois siècles d’exploration de la biodiversité, 1,8 million d’espèces ont déjà été décrites et nommées. Impressionnant ! Mais insuffisant. Au moins dix fois plus resteraient à découvrir et, au rythme des extinctions, la plupart auront disparu avant. À moins que des techniques de biologie moléculaire, venant au secours de l’approche classique, ne donnent un grand coup d’accélérateur à l’inventaire. Jusqu’à présent, les taxonomistes (spécialistes de la classification des êtres vivants) distinguaient les espèces par des critères morphologiques ou comportementaux, étayés, depuis peu, par des critères génétiques. Lancé en 2003 par des chercheurs canadiens, le projet « code barre de la vie » 1 est une nouvelle approche : elle repose sur l’idée que les espèces peuvent se distinguer uniquement par l’examen d’une ou deux séquences de leur ADN. « Hormis l’exploration de la diversité du vivant, cela laisse entrevoir de multiples applications », estime Jérôme Chave, du laboratoire Évolution et diversité biologique 2, qui étudie la faisabilité de l’identification moléculaire des plantes tropicales. Les gestionnaires d’espaces naturels pourraient, par exemple, cartographier la biodiversité des espaces naturels, pour décider lesquels protéger en priorité, sans avoir à convoquer des spécialistes de tous les groupes d’êtres vivants qui s’y trouvent. Les douaniers lutteraient plus efficacement contre le trafic d’espèces. Autre approche récente, la métagénomique consiste à étudier directement l’ADN d’une communauté d’organismes. Concrètement, il s’agit de prendre un petit échantillon de sol ou un petit volume d’eau de mer, par exemple, et d’aller « à la pêche aux gènes », sans chercher à individualiser les êtres vivants se trouvant dans l’échantillon. Une technique prometteuse pour explorer la diversité génétique des micro-organismes et, à travers elle, découvrir de nouveaux antibiotiques, des antifongiques et de nouveaux traitements de dépollution. « De quoi participer à la préservation L’ENQUÊTE 27 de la biodiversité des macroorganismes », estime Pascal Simonet, chercheur au Laboratoire Ampère 3 et spécialiste de la métagénomique des sols. Or, comme il est impossible de cultiver la plupart des cellules bactériennes, cette approche moléculaire globale est la plus pertinente pour lever le voile sur ce qui est peut-être la majorité invisible de la biodiversité de la planète. ML 1. www.barcodeoflife.org/2. Unité CNRS/Université Toulouse-III/École nationale de formation agronomique. 3. Unité CNRS/École centrale de Lyon/Insa/Université Lyon-I. ➔ Pascal Simonet, pascal.simonet@ec-lyon.fr Préparation d’un échantillon d’ADN d’une communauté d’organismes. On parle de métagénomique. Localisation et quantification des bactéries actives et inactives au sein d'une communauté microbienne. © Photos : B. Rajau/CNRS Photothèque Le journal du CNRS n°240-241 janvier-février 2010



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