26 © Photos : A. Ducourneau. © A. Ducourneau L’ENQUÊTE Le tracé de la grande muraille verte. En plein cœur de la Camargue, des spécialistes des maladies infectieuses participent à la chasse au sanglier. Mais ce n’est pas le gibier qui les attire : eux traquent les virus. Car l’arrivée de la fameuse souche de la grippe H1N1 n’est pas un évènement seulement pour l’espèce humaine, mais aussi pour la biodiversité. Le virus, probablement issu des élevages de porcs du Mexique, pourrait bel et bien venir se loger dans l’organisme de leurs cousins sauvages. François Renaud, directeur de recherches au laboratoire Génétique et évolution des maladies infectieuses (Gémi) 1, explique la portée de ces recherches : « En Camargue, on trouve des sangliers, des hommes et des oiseaux migrateurs. C’est tout un Le journal du CNRS n°240-241 janvier-février 2010 Une muraille verte contre le désert C’est un projet pharaonique : planter une muraille d’arbres de 7000 kilomètres de long et 15 de large, entre Saint- Louis au Sénégal et Addis- Abeba en Éthiopie afin de stopper l’avancée du désert. Baptisée grande muraille verte, cette forêt est aussi une opportunité pour améliorer les conditions de vie des populations du Sahel. Sur le papier, le projet initié par la Communauté des états Sahélosahariens (Cen-Sad), et déjà en cours de réalisation, est enthousiasmant : constitué dans un premier Quand la biodiversité se grippe écosystème dans lequel le virus va circuler. » Celui-ci pourrait muter, se recombiner avec d’autres souches déjà présentes, ou encore, infecter d’autres organismes comme les oiseaux. Les chercheurs ne veulent rien perdre des évolutions du H1N1. Ces travaux, qui viennent à peine de commencer, s’intègrent dans un cadre plus large : comprendre la relation entre les agents pathogènes et les écosystèmes. « Virus, bactéries, nématodes et autres responsables de maladies infectieuses font autant partie de la biodiversité que les éléphants ou les orchidées. Ils prennent part à un équilibre écologique », affirme François Renaud. Ainsi, il y a de nombreux exemples où la déstabilisation temps de quatre espèces d’arbres (dont deux espèces d’acacias), ce couloir de forêt devrait peu à peu être investi par de nouvelles espèces animales et végétales, et abriter à terme une riche biodiversité. Cette plantation devrait aussi apporter de nouvelles ressources aux habitants, bois, plantes médicinales, résine d’acacia avec laquelle on produit de l’encens, tourisme… De plus, en freinant l’avancée du sable, elle devrait améliorer la qualité des sols et ainsi permettre aux habitants de faire un peu d’agriculture et reconstituer leurs pâturages. L’idée : freiner l’émigration écologique qui touche de plein fouet ces régions. Mais quelle sera la réalité de cet immense projet ? C’est ce que veulent savoir des chercheurs français et africains regroupés © D. Cohez et M.Gauthier Clerc/La tour du Valat d’un écosystème, ou bien l’érosion de la biodiversité a entraîné l’émergence ou la recrudescence d’une maladie infectieuse. Les épidémies de VIH ou d’Ebola peuvent s’expliquer par l’irruption de l’humain dans des écosystèmes auxquels il ne participait pas. Mais la diminution de la biodiversité se présente aussi dans l’agriculture et l’élevage, ce qui favorise l’émergence de nouvelles maladies infectieuses (lire Un forage dans la région du Ferlo, au Sénégal, sur le parcours de la grande muraille verte. autour d’un observatoire hommes-milieu. « Notre but est de collecter le maximum d’informations sur cette zone et d’analyser de manière très interdisciplinaire l’impact de cette action anthropique sur l’environnement et les hommes », explique l’anthropologue Gilles Boëtsch, directeur du laboratoire Environnement, santé et sociétés (ESS) 1, la première unité mixte internationale francoafricaine. L’observatoire concentrera ses études sur la vallée de Ferlo, au Sénégal, région habitée essentiellement par des bergers peuls. La vingtaine de chercheurs qui contribueront à ce projet viendront de disciplines diverses : Un sanglier au cœur de l’écosystème camarguais, dans lequel le virus H1N1 pourrait bien circuler. |