CNRS Le Journal n°240-241 jan/fév 2010
CNRS Le Journal n°240-241 jan/fév 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°240-241 de jan/fév 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,4 Mo

  • Dans ce numéro : Les secouristes de la nature

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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24 © Photos : L. Brepson > L’ENQUÊTE Autres pistes explorées par les chercheurs, celles des remèdes traditionnels : ceux-ci peuvent contenir des composés actifs qui méritent d’être testés. Les chercheurs s’intéressent notamment à la leishmaniose, une affection tropicale qui touche environ 300 000 personnes par an dans le monde. L’arsenal pharmaceutique contre cette maladie est très réduit et les recherches pour le développer sont assez peu nombreuses. « En partenariat avec Géneviève Bourdy, ethnopharmacologue à l’IRD, nous sommes en train de tester certaines molécules issues de trois plantes provenant de l’Amazonie péruvienne qui semblent être très actives contre cette maladie », explique Didier Stien. Par ailleurs, les chercheurs d’Ecofog analysent actuellement les recettes traditionnelles utilisées contre le paludisme qui tue plus d’un million de personnes par an. APRÈS LA DÉFORESTATION, LE RÉCHAUFFEMENT On le voit : la biodiversité amazonienne peut nous être très utile et pourrait être exploitée durablement. Or elle est en grand danger. Si la menace la plus immédiate est la déforestation, le réchauffement climatique pourrait venir lui donner le coup de grâce. Le processus est peutêtre déjà en cours, comme l’a très récemment montré une équipe du CNRS et du Muséum national d’histoire naturelle. Les scientifiques ont recensé à 10 ans d’intervalle, en 1995 et en 2005, les espèces végétales de la forêt basse guyanaise à proximité de la station des Nouragues. Le constat est alarmant : 20% d’entre elles manquaient à l’appel lors du second recensement. « Nous observons un appauvrissement du milieu tout à fait caractéristique d’une crise écologique », s’inquiète Jean-François Ponge, du laboratoire « Mécanismes adaptatifs : des organismes aux communautés » 4. La cause possible de ce désastre : les sécheresses répétées qui ont fortement touché l’Amazonie. « Le climat devient plus chaotique, ponctué d’évènements très brusques qui fragilisent les communautés végétales. » La forêt amazonienne a connu par le passé de grandes perturbations et sa capacité de récupération semble importante. Néanmoins, dans le contexte Le journal du CNRS n°240-241 janvier-février 2010 2 Opération lémuriens à Madagascar Pas facile de suivre des lémuriens perchés tout en haut de leur forêt malgache. Les chercheurs du laboratoire Évolution et diversité biologique (EDB) 1 de Toulouse en savent quelque chose : lors de leurs campagnes d’observation, qui peuvent s’étendre sur plusieurs mois, les scientifiques doivent 1 3 4 actuel, une déstabilisation de ce grand régulateur du climat pourrait avoir de lourdes conséquences. « Les forêts sont des puits de carbone car elles absorbent et stockent une partie du dioxyde de carbone (CO 2) de l’atmosphère. Sans elles, l’augmentation du taux de CO 2 dans l’atmosphère serait Expérience menée à la station des Nouragues, pour étudier les feuilles d’une Broméliacée, une plante qui forme des réservoirs d’eau de pluie et dans laquelle on trouve de véritables communautés aquatiques. déployer des ruses de braconnier afin de connaître la densité et la distribution des populations de ces animaux craintifs. Sans parler de la patience dont ils doivent s’armer pour la collecte des échantillons de fèces ou de poils contenant l’ADN de chaque individu. Leur but : mesurer la diversité génétique des populations de lémuriens. « Plus la variabilité génétique d’une population est importante, plus sa capacité d’adaptation face aux changements de son environnement est grande », Dans l’inventaire fabuleux de l’Amazonie, on trouve également un petit marsupial, l’opossum (1), l’iule –ou millepatte– du genre Orthoporus (2), des sauterelles (3) et le lézard du genre Anolis (4). explique Brigitte Crouau-Roy, biologiste à l’EDB. Or, cette variabilité est menacée. Avec l’avancée de la déforestation et de l’agriculture, l’habitat des lémuriens est de plus en plus morcelé, et certaines populations se retrouvent enfermées dans d’étroits îlots de verdure. « La fragmentation et la dégradation de l’habitat est l’une des premières causes de disparition d’espèces dans le monde ». En effet, dans les forêts très éparses, il y a une diminution des ressources et une perte de connectivité entre les deux fois plus rapide », rappelle Jérôme Chave. Mais lors des sécheresses intenses, ce rôle n’est plus assuré : la surmortalité des grands arbres, ajoutée à une croissance ralentie des jeunes plants peut même transformer la forêt en région émettrice de CO 2. C’est ce qui est effectivement arrivé en 2005, d’après les résultats obtenus par le réseau Rainfor 5, dont fait partie l’équipe de Jérôme Chave, et qui tente d’évaluer la quantité de carbone que la forêt amazonienne capture tous les ans 6. Est-ce un avant-goût du futur proche ? « Certains modèles prédisent pour la fin de ce
© B. Crouau-Roy siècle, une disparition de la forêt amazonienne due à des modifications majeures du cycle de l’eau dans cette région », met en garde Jerôme Chave. Si un tel phénomène se produisait dans un futur proche, les scénarios les plus pessimistes sur le réchauffement climatique se verraient réalisés. Les chercheurs ne se lasseront pas de le répéter : le combat pour la biodiversité est un combat que l’on ne peut pas perdre. Sebastián Escalón 1. En savoir plus : www.guyane.cnrs.fr/projamazonie.html 2. Unité CNRS/Université Paul-Sabatier/Enfa. 3. Unité CNRS/Cirad/Engref/Inra/Université Antilles-Guyane. 4. Unité CNRS/MNHN. 5. Amazon Forest Inventory Network. 6. Lire « La forêt amazonienne sensible à la sécheresse », Le journal du CNRS n°233, juin 2009. CONTACTS ➔ Jerôme Chave chave@cict.fr ➔ Alain Pavé alain.pave@cnrs-dir.fr ➔ Jean-François Ponge ponge@mnhn.fr ➔ Didier Stien didier.stien@guyane.cnrs.fr Extraction de l’eau retenue par une plante afin d’y étudier la faune et les microorganismes aquatiques qui y vivent. © Photos : C. Delhaye/CNRS Photothèque groupes d’animaux qui entraînent un appauvrissement de leur diversité génétique. Celui-ci les rend encore plus vulnérables. Ces primates, bien que fortement chassés dans certaines régions, sont l’animal emblématique de la Grande Île. Ceci devrait contribuer à leur protection et, par la même occasion, à celle des écosystèmes malgaches dans leur ensemble. Par ailleurs, les lémuriens constituent un bon indicateur de l’état de la Mobilisation pour les coraux Ils abritent 30% de la biodiversité marine et ne représentent pourtant que 0,2% de la surface des océans : ce sont les récifs coralliens. Ces oasis de vie sont aussi riches que fragiles : plus de 20% des récifs du monde ont été détruits au cours de ces cinquante dernières années. Bien que pour certains spécialistes le déclin des coraux soit inéluctable, la partie n’est peut-être pas perdue. « Il ne faut pas sombrer dans le pessimisme. Ce serait oublier la capacité d’adaptation des coraux et leur persistance sur plusieurs millions d’années », affirme Serge Planes, directeur de recherche au Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe). Le scientifique en sait quelque chose : le Criobe est l’un des principaux centres de recherches s’intéressant aux récifs de la Polynésie française, parmi les mieux conservés de la planète. « Nous réalisons un travail de veille en revenant régulièrement sur les mêmes zones afin d’observer l’abondance et la diversité en coraux et poissons. Pour certaines d’entre elles, nous avons jusqu’à 25 ans de mesures », explique Serge Planes. Ce suivi méticuleux de l’état des récifs polynésiens permettra d’en savoir plus sur l’éventuelle l’adaptation des coraux face aux effets du changement climatique, notamment à l’augmentation de la température de l’eau et à l’acidification des océans. « Nous essayons de comprendre les mécanismes qui permettent le maintien des communautés coralliennes, comme les processus de compétition ou de symbiose, poursuitil. Nous mesurons aussi l’influence de perturbations localisées comme la Les chercheurs évaluent la diversité génétique des populations de lémuriens à Madagascar. L’ENQUÊTE 25 biodiversité, d’où l’importance des recherches de EDB. « Nos travaux permettent de dresser l’état des lieux des populations de lémuriens à partir duquel nous pouvons faire des propositions aux autorités malgaches. Par exemple, nous suggérons la création de nouvelles réserves naturelles ou de corridors biologiques qui permettront la communication entre îlots forestiers », conclut Brigitte Crouau-Roy. SE 1. Laboratoire CNRS/Université Paul-Sabatier/Enfa. ➔ Brigitte Crouau-Roy, bcrouau@cict.fr pollution ou l’invasion de certaines espèces. » Des recherches nécessaires afin d’améliorer les politiques de protection des récifs. Le Criobe fait d’ailleurs partie du GDRI Biodiversité des récifs coralliens du CNRS qui regroupe 17 partenaires de 8 pays et dont l’objectif est de coordonner les recherches dans le domaine. Dont font aussi partie les sciences humaines : un juriste et un socioanthropologue s’intéressent ainsi aux sociétés qui exploitent les ressources issues des récifs. Ce pont permet également de faire passer le message scientifique vers la société civile, et inversement, transmettre les craintes et préoccupations de celle-ci vers les chercheurs et les politiques. SE 1. Unité CNRS/Université de Perpignan/EPHE. ➔ Serge Planes, planes@univ-perp.fr Les récifs coralliens abritent près d’un tiers de la biodiversité marine. Le journal du CNRS n°240-241 janvier-février 2010 © T. Vignaud. >



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