24 © Photos : L. Brepson > L’ENQUÊTE Autres pistes explorées par les chercheurs, celles des remèdes traditionnels : ceux-ci peuvent contenir des composés actifs qui méritent d’être testés. Les chercheurs s’intéressent notamment à la leishmaniose, une affection tropicale qui touche environ 300 000 personnes par an dans le monde. L’arsenal pharmaceutique contre cette maladie est très réduit et les recherches pour le développer sont assez peu nombreuses. « En partenariat avec Géneviève Bourdy, ethnopharmacologue à l’IRD, nous sommes en train de tester certaines molécules issues de trois plantes provenant de l’Amazonie péruvienne qui semblent être très actives contre cette maladie », explique Didier Stien. Par ailleurs, les chercheurs d’Ecofog analysent actuellement les recettes traditionnelles utilisées contre le paludisme qui tue plus d’un million de personnes par an. APRÈS LA DÉFORESTATION, LE RÉCHAUFFEMENT On le voit : la biodiversité amazonienne peut nous être très utile et pourrait être exploitée durablement. Or elle est en grand danger. Si la menace la plus immédiate est la déforestation, le réchauffement climatique pourrait venir lui donner le coup de grâce. Le processus est peutêtre déjà en cours, comme l’a très récemment montré une équipe du CNRS et du Muséum national d’histoire naturelle. Les scientifiques ont recensé à 10 ans d’intervalle, en 1995 et en 2005, les espèces végétales de la forêt basse guyanaise à proximité de la station des Nouragues. Le constat est alarmant : 20% d’entre elles manquaient à l’appel lors du second recensement. « Nous observons un appauvrissement du milieu tout à fait caractéristique d’une crise écologique », s’inquiète Jean-François Ponge, du laboratoire « Mécanismes adaptatifs : des organismes aux communautés » 4. La cause possible de ce désastre : les sécheresses répétées qui ont fortement touché l’Amazonie. « Le climat devient plus chaotique, ponctué d’évènements très brusques qui fragilisent les communautés végétales. » La forêt amazonienne a connu par le passé de grandes perturbations et sa capacité de récupération semble importante. Néanmoins, dans le contexte Le journal du CNRS n°240-241 janvier-février 2010 2 Opération lémuriens à Madagascar Pas facile de suivre des lémuriens perchés tout en haut de leur forêt malgache. Les chercheurs du laboratoire Évolution et diversité biologique (EDB) 1 de Toulouse en savent quelque chose : lors de leurs campagnes d’observation, qui peuvent s’étendre sur plusieurs mois, les scientifiques doivent 1 3 4 actuel, une déstabilisation de ce grand régulateur du climat pourrait avoir de lourdes conséquences. « Les forêts sont des puits de carbone car elles absorbent et stockent une partie du dioxyde de carbone (CO 2) de l’atmosphère. Sans elles, l’augmentation du taux de CO 2 dans l’atmosphère serait Expérience menée à la station des Nouragues, pour étudier les feuilles d’une Broméliacée, une plante qui forme des réservoirs d’eau de pluie et dans laquelle on trouve de véritables communautés aquatiques. déployer des ruses de braconnier afin de connaître la densité et la distribution des populations de ces animaux craintifs. Sans parler de la patience dont ils doivent s’armer pour la collecte des échantillons de fèces ou de poils contenant l’ADN de chaque individu. Leur but : mesurer la diversité génétique des populations de lémuriens. « Plus la variabilité génétique d’une population est importante, plus sa capacité d’adaptation face aux changements de son environnement est grande », Dans l’inventaire fabuleux de l’Amazonie, on trouve également un petit marsupial, l’opossum (1), l’iule –ou millepatte– du genre Orthoporus (2), des sauterelles (3) et le lézard du genre Anolis (4). explique Brigitte Crouau-Roy, biologiste à l’EDB. Or, cette variabilité est menacée. Avec l’avancée de la déforestation et de l’agriculture, l’habitat des lémuriens est de plus en plus morcelé, et certaines populations se retrouvent enfermées dans d’étroits îlots de verdure. « La fragmentation et la dégradation de l’habitat est l’une des premières causes de disparition d’espèces dans le monde ». En effet, dans les forêts très éparses, il y a une diminution des ressources et une perte de connectivité entre les deux fois plus rapide », rappelle Jérôme Chave. Mais lors des sécheresses intenses, ce rôle n’est plus assuré : la surmortalité des grands arbres, ajoutée à une croissance ralentie des jeunes plants peut même transformer la forêt en région émettrice de CO 2. C’est ce qui est effectivement arrivé en 2005, d’après les résultats obtenus par le réseau Rainfor 5, dont fait partie l’équipe de Jérôme Chave, et qui tente d’évaluer la quantité de carbone que la forêt amazonienne capture tous les ans 6. Est-ce un avant-goût du futur proche ? « Certains modèles prédisent pour la fin de ce |