CNRS Le Journal n°240-241 jan/fév 2010
CNRS Le Journal n°240-241 jan/fév 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°240-241 de jan/fév 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,4 Mo

  • Dans ce numéro : Les secouristes de la nature

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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20 > © R. Kuiter L’ENQUÊTE LE TOP 10 DES NOUVELLES ESPÈCES DÉCRITES EN 2008 Source : International Institute for Species Exploration www.species.asu.edu/Top10 MICROBACTERIUM HATANONIS, ➥ DANS DU SPRAY. Cette microbactérie, baptisée en l’honneur du chercheur Kazunori Hatano, vit dans un milieu extrême, du spray pour cheveux. HIPPOCAMPUS SATOMIAE BORNÉO, INDONÉSIE. Long de 13,8 mm, haut de 11,5 mm, le plus petit des hippocampes est l’une des 16 000 nouvelles espèces décrites chaque année. Faute d’indicateur, difficile de savoir si ce nombre croît ou baisse. RÉPERTORIER LES ESPÈCES Alors comment sauver cette biodiversité ? Tout d’abord en la connaissant mieux. Car si 1,8 million d’espèces animales et végétales ont déjà été décrites, des micro-organismes aux plus grands mammifères, il resterait encore de 10 à 100 millions d’espèces à découvrir ! Cette entreprise de description aussi colossale qu’ardue Le journal du CNRS n°240-241 janvier-février 2010 ➥ © Museum Victoria MATERPISCIS ATTENBOROUGHI AUSTRALIE ET COFFEA ➥ CHARRIERIANA CAMEROUN. Un fossile vieux de 380 millions d’années, portant encore son embryon. Et un café du Cameroun... naturellement sans caféine. ➥ © aidaricci/Fotolia.com Sur la liste des points chauds, la région du Cerrado abriterait 160 000 espèces animales et végétales. ©L. Dematteis/REDUX-REA PHOBAETICUS CHANI BORNÉO, MALAISIE. ➥ 56,7 cm : ce phasme est l’insecte le plus long du monde. « Parfois jugée dépassée à la fin du XX e siècle, la description de la biodiversité connaît aujourd’hui un regain », note le taxinomiste Philippe Bouchet. est aujourd’hui relancée avec les techniques de séquençage d’ADN massif et de biologie moléculaire, et les missions d’exploration qui se multiplient sur la planète comme Tara dont le CNRS est partenaire 5. Outre cet inventaire mondial, il s’agit aussi de comprendre les menaces à l’échelle locale. Et pour y arriver, de nombreuses disciplines sont convoquées. Prenons le cas des Grands Causses, au sud du Massif Central, où la forêt progresse depuis plusieurs décennies, au détriment des espaces ouverts et de la biodiversité globale. « Longtemps, ce phénomène a été attribué à des changements dans les pratiques d’élevage, car la baisse du nombre de troupeaux OPISTHOSTOMA VERMICULUM ➥ MALAISIE. Cet escargot ne sera pas éteint avant d’être décrit, contrairement à d’autres organismes... Entre sa récolte et son étude, une espèce « attend » souvent de deux à quinze ans, dans un muséum. © F. Anthony/IRD © R. Clements élevés de manière itinérante, depuis les années 1960, a coïncidé avec une extension spectaculaire de la surface boisée, résume John Thompson, écologue au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive à Montpellier. Mais une coopération avec des géographes nous a permis de montrer que c’est plutôt l’abandon du système de culture traditionnelle, à la fin du XIX e siècle, qui explique l’avancée de la forêt, près de cinquante ans plus tard. » LE TEMPS DE L’ACTION Les scientifiques qui s’appliquent à livrer des données précises et validées sur la biodiversité et les menaces, souhaiteraient des moyens aussi importants que ceux alloués à la compréhension du réchauffement climatique. Car les indicateurs manquent. Pour l’heure, Thierry Tatoni ne veut pourtant pas trop noircir le tableau. « En dehors des systèmes insulaires, nous ne sommes pas encore dans une phase de grande régression. Sur le pourtour méditerranéen, très peu d’espèces végétales ont disparu… mais beaucoup sont rares, réduites, fragilisées. » Bref : « Il est encore temps d’agir. » Des initiatives locales ont déjà été prises pour la biodiversité. Comme la législation qui
© J. Dransfield © The Natural History Museum/London s’oppose à la déforestation au Brésil, cependant « difficilement applicable en raison de l’étendue du pays » selon Jérôme Chave. Ou encore les réintroductions d’animaux, qui imposent préalablement de saisir les raisons de leur disparition et de travailler avec les populations, et qui ne sont pas toutes couronnées de succès. Depuis l’ouverture du premier parc national du monde, en 1872 à Yellowstone (États-Unis), la surface des espaces protégés augmente régulièrement. Mais reste insuffisante, et pas toujours facile à surveiller. « L’idée de sauvegarder des espaces est bonne, celle d’en interdire nécessairement l’accès aux hommes est mauvaise », ajoute Robert Barbault. Car la protection de la biodiversité doit aussi tenir compte des utilisations de la nature par les populations locales, pour leur subsistance. Elle ne peut ignorer la dimension sociale et de lutte contre la pauvreté, surtout dans les pays du Sud. Robert Barbault, lui, défend donc le concept international de « réserve de biosphère », à l’image des Cévennes. Un territoire qui permet la coexistence des espèces à conserver et des populations, impliquées dans le projet. ➥ TAHINA SPECTABILIS MADAGASCAR. Nouvelle espèce et nouveau genre, ce géant, voisin de palmiers d’Afghanistan, de Thaïlande, du Viêt Nam et de Chine, pousse dans un « point chaud » de la biodiversité. Et au niveau global ? Réflexions et sensibilisations se succèdent. En 1992 est signée la Convention internationale sur la diversité biologique, dont la conservation est « une préoccupation commune à l’humanité ». En 2002, à Johannesbourg, la communauté internationale adopte un plan et entend obtenir « d’ici à 2010 (...) une réduction importante du rythme actuel d’appauvrissement de la diversité biologique ». Le bilan – sans doute décevant – doit donc être dressé en 2010, année de la diversité biologique. Signe des temps, le prix Nobel d’économie a été décerné à Elinor Ostrom, dont les réflexions portent sur la gestion des biens d’accès libre, comme l’eau ou la biodiversité. Les lieux d’expertise se multiplient, telle la plateforme intergouvernementale IPBES en gestation, sur le modèle du Giec consacré au climat. « Associations, scientifiques et monde politique se rapprochent, se félicite Robert Barbault. Cette dynamique modifie la prise de décision politique, même si cela ne va pas assez vite. » Aucun acte majeur n’a en effet suivi les paroles. Et le salut ne viendra pas de l’innovation. « Pour le climat et la biodiversité, les solutions ne peuvent pas être uniquement techniques », relève Jérôme Chave. L’ENQUÊTE 21 LEPTOTYPHLOPS CARLAE BARBADE. Le plus petit serpent du monde. La découverte d’espèces (en majorité dans les zones tropicales) est un signe positif à l’heure où les mauvaises nouvelles concernant la nature se multiplient. CHROMIS ABYSSUS SELENOCHLAMYS ÎLES PALAU. Découverte à plus de 110 mètres YSBRYDA PAYS DE GALLES. Dans un contexte ➥ de profondeur grâce à l’utilisation de nouvelles techniques de plongée, voici la première espèce enregistrée sur la nouvelle base de données en ligne Zoobank. d’échanges mondiaux, des espèces s’introduisent ailleurs que dans leur milieu d’origine. Cette limace, découverte dans un jardin, pourrait avoir voyagé dans le pot d’une plante. Contact : Philippe Bouchet, « Systématique, adaptation, évolution » (CNRS/Université Paris-VI/MNHN/IRD), Paris. pbouchet@mnhn.fr ➥ © 2007, RichardL. Pyle and Brian D. Greene ➥ La nécessité de transformer la société se dessine. Car la biodiversité pâtit du primat de l’économie sur l’écologie, comme l’illustre la coupe de la forêt tropicale. Le développement durable, qui entend marier des intérêts (économique, écologique, social) contraires, suffira-t-il ? En attendant, les scientifiques ont déjà pris position, en première ligne, pour de nombreuses missions sauvetages. Mathieu Hautemulle 1. Sous l’appellation « menacées », l’UICN regroupe les espèces « en danger critique d’extinction », « en danger » ou « vulnérable », en fonction de critères comme la taille de la population ou son taux de déclin. 2. Unité CNRS/MNHN/Université Paris-VI. 3. Unité CNRS/Université Toulouse-III/Enfa. 4. Unité CNRS/Universités Aix-Marseille-I et III/Université d’Avignon/IRD. 5. Lire « Un tour du monde pour la vie marine », Le journal du CNRS n°234-235, juillet-août 2009, p. 24. CONTACTS ➔ Robert Barbault, barbault@mnhn.fr ➔ Jérôme Chave, chave@cict.fr ➔ John Thompson john.thompson@cefe.cnrs.fr ➔ Thierry Tatoni thierry.tatoni@univ-cezanne.fr Le journal du CNRS n°240-241 janvier-février 2010 © S.Blair Hedges/Pennsylvania State University © National Museum of Wales >



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