CNRS Le Journal n°240-241 jan/fév 2010
CNRS Le Journal n°240-241 jan/fév 2010
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°240-241 de jan/fév 2010

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,4 Mo

  • Dans ce numéro : Les secouristes de la nature

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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10 VIEDESLABOS Actualités Une végétation de type forêt claire, avec des palmiers, des micocouliers et des figuiers : tel était l’environnement d’Ardipithecus ramidus, ce lointain parent de l’Homo sapiens (l’homme moderne) qui vivait en Éthiopie il y a 4,4 millions d’années. C’est la conclusion d’une équipe française qui a été publiée dans un numéro spécial de la revue Science consacré à Ardipithecus 1, auquel participaient pas moins de 47 scientifiques (paléontologues, paléoanthropologues, biochimistes, géologues, et paléobotanistes) du monde entier. L’objectif de ces experts ? Décrire la morphologie et l’habitat de l’un des possibles premiers représentants de la lignée humaine. Quitte à contredire le lien supposé entre locomotion et environnement. Les fossiles de cet hominidé ont été mis au jour dans la vallée de la rivière Awash. En langue Afar, ardi signifie « sol » ou « racine ». Ardipithecus ramidus est donc « la racine des grands singes terrestres ». Racine, car son âge le rapproche de la séparation entre la lignée des chimpanzés et celle des humains, située approximativement il y a six millions d’années. Ardipithecus pourrait donc bien avoir été l’un des pères des australopithèques, la famille d’hominidés qui a enfanté le genre Homo. Autrement dit, si Ardipithecus © MEB, Department of Geology, University of Leicester, UK PALÉOANTHROPOLOGIE Et pourtant ils vivaient dans la forêt Des chercheurs viennent de reconstituer l’environnement de l’un de nos lointains parents du genre Ardipithecus : celui-ci aurait vécu dans un milieu forestier alors qu’il marchait déjà. Une découverte qui pourrait bouleverser les théories sur l’apparition de la bipédie. Le journal du CNRS n°240-241 janvier-février 2010 n’a pas été notre grand-père, il en a été au moins un cousin proche. Les premiers fossiles d’Ardipithecus ont été extraits de leur gangue sédimentaire en 1994. Le temps notamment de récolter plus d’ossements et de développer des méthodes d’analyses végétales inédites, il aura donc fallu treize ans aux études paléoanthropologiques et environnementales pour parler. Les résultats ? Ardipithecus était à la fois bipède et arboricole. S’il utilisait ses quatre membres pour se mouvoir dans les arbres, une fois au sol, il se tenait debout et évoluait au milieu d’un environnement semi-boisé. « La rareté des pollens dans les sédiments a stimulé nos travaux sur les fragments de bois fossilisé, les graines et enfin sur ces petites particules de silice produites par les plantes que l’on appelle phytolithes », décrit Doris Barboni, qui a codirigé avec Raymonde Bonnefille les travaux d’analyse végétale au Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (Cerege) 2 à Aix-en-Provence. Pour identifier les espèces à l’origine des phytolithes fossiles, les paléobota- Pour reconstituer la végétation de l’époque, des chercheurs ont étudié des phytolithes, particules de silice produites par les plantes, particulièrement bien conservées. nistes ont collaboré avec des chercheurs du Centre de bio-archéologie et d’écologie (CBAE) 3, dont Laurent Bremond, et de l’Université Paris- Ouest-La défense, à Nanterre, qui se sont rendus plusieurs fois depuis 1994 en Afrique pour prélever des échantillons dans différents types de végétation à fin de comparaison. L’identification de graines de Celtis (auquel appartient le micocoulier méditerranéen) ainsi que la présence de bois de figuier et de palmier indiquent un climat saisonnier. D’autre part, la présence importante de graminées a été attestée par les phytolithes et les pollens. Deux paysages de type forêt claire –où le soleil atteint le sol– peuvent correspondre à cet assemblage de végétation : soit les arbres étaient regroupés en bois percés de clairières herbeuses, soit l’herbe poussait au pied d’une forêt clairsemée. Quelle hypothèse préférer ? Les analyses ne le disent pas. En revanche, elles pointent l’abondance des arbres, estimée entre 40 et 65% du couvert végétal, un chiffre qui va à rebours du lien supposé entre environnement et mode de locomotion. En effet, la théorie dominante veut que la bipédie soit le fruit d’une adaptation à la transformation d’un milieu boisé en une savane ouverte, la présence de hautes herbes obligeant les primates à se redresser. Ardipithecus montre que la bipédie peut très bien s’épanouir dans un paysage semi-boisé. Mais alors quel aurait été le moteur du redressement, point de départ de la longue marche évolutive vers l’humain ? À 4millions d’années de distance, Ardipithecus vient de relancer le débat. Xavier Müller 1. Science daté du 02 octobre 2009, n°326, vol. 3959. 2. Unité CNRS/IRD/Collège de France/Universités Aix-Marseille-I et -III. 3. Unité CNRS/EPHE, Paris/Université Montpellier-II. CONTACTS ➔ Doris Barboni Centre européen de recherche en géologie et d’enseignement des géosciences de l’environnement, Aix-en-Provence barboni@cerege.fr ➔ Laurent Brémond Centre de bio-archéologie et d’écologie, Monptellier laurent-bremond@univ-monpt2.fr
©C.-O. Turrin CHIMIE Des arbustes pour la santé Les arbres moléculaires ne cessent de donner de beaux fruits. Aussi appelées dendrimères (du grec dendron, arbre, et meros, partie), ces macromolécules à la forme arborescente sont l’une des voies d’avenir de la chimie. Car grâce à leurs multiples terminaisons, qui peuvent se compter par centaines, elles offrent un grand nombre de sites chimiquement actifs. Les dendrimères font l’objet de recherches variées dans les domaines des puces à ADN, de la catalyse, de substances médicamenteuses. Une liste à laquelle il faudra dorénavant ajouter le renforcement du système immunitaire et le traitement de l’inflammation, comme vient de le démontrer une coopération entre des chimistes du CNRS et des immunologistes de l’Inserm, à Toulouse 1. La première découverte a eu lieu lors d’une étude systématique de BIOLOGIE Découverte d’un acteur de la fertilité masculine C’est une simple protéine, appelée BRDT, qui dessine la tenue de combat adoptée par l’ADN des spermatozoïdes pour affronter sa périlleuse course vers l’ovule. Elle vient d’être formellement identifiée par une collaboration internationale impliquant plusieurs équipes du CNRS à Grenoble 1. Une découverte majeure pour la compréhension des problèmes de fertilité masculine. Dans un spermatozoïde, l’ADN occupe jusqu’à dix fois moins de place que dans les autres cellules du corps. Avantage : ainsi comprimé, il est peu sensible aux agressions thermiques et chimiques qu’il doit affronter dans l’organisme de la femme dans sa quête de l’ovule. En outre, l’ADN se trouvant dans les têtes des spermatozoïdes, son compactage permet à sa monture de La forme arborescente rend ces molécules extrêmement actives. En médecine, elles pourraient servir à renforcer le système immunitaire. posséder un aspect réduit et profilé qui facilite ses mouvements. Concrètement, ce tassement correspond à un changement d’habillage du matériel génétique lors de la fabrication des spermatozoïdes : l’ADN perd les grosses molécules autour desquelles il est enroulé, les histones, au profit de plus petites, les protamines. Et c’est bien la protéine BRDT qui est à l’origine de ce changement de tenue. Elle entre en scène au cours de la spermatogénèse, juste avant le remplacement des histones par les protamines. Les histones ont alors déjà subi une altération chimique appelée acétylation. C’est elle qui lance le signal du compactage. Les chercheurs ont démontré que BRDT reconnaissait certaines traces laissées par l’acétylation puis déclenchait une série de mécanismes moléculaires – encore inconnus – qui aboutissaient au remplacement des histones par les protamines. Présidant à un mécanisme de survie des spermatozoïdes, BRDT pourrait être un élément clé de la fertilité masculine. Saadi Khochbin, le chercheur CNRS de l’Institut Albert- Bonniot, à Grenoble, qui a dirigé les recherches, le confirme : « Selon des résultats préliminaires d’autres expériences, des anomalies de structure de BRDT touchent des patients infertiles. » Chez eux, une origine génétique s’est révélée la cause du dysfonctionnement de BRDT. Mais Saadi Khochbin n’exclut pas que des agents externes viennent perturber le fonctionnement de la protéine. Les cinquante dernières années ont été marquées d’une VIEDESLABOS 11 l’action des dendrimères sur les cellules du sang in vitro. Dans les éprouvettes des chercheurs, des dendrimères possédant des atomes de phosphore à leurs terminaisons ont provoqué la multiplication de certains globules blancs appelés Natural Killers ou NK. Défenseurs les plus polyvalents de l’organisme, ceux-ci s’attaquent à toute cellule infectée ou cancéreuse : « On a été surpris de constater que des dendrimères influençaient la population de globules blancs, raconte Anne-Marie Caminade, du Laboratoire de chimie de coordination du CNRS, même si on savait déjà que des molécules phosphorées pouvaient amplifier un autre soldat de l’organisme, une sous-population particulière de lymphocytes T. » Cette découverte pourrait un jour servir à lutter contre certains cancers de la moelle osseuse, tel le myélome multiple, en complément de la chimiothérapie. L’idée est de renforcer, grâce à des injections régulières de NK, le système immunitaire affaibli par la chimiothérapie ; globules blancs qui seraient obtenus à partir du sang du patient puis multipliés à l’aide des fameux dendrimères. Si la piste thérapeutique est séduisante, il faudra franchir certains obstacles – par exemple le fait que les NK de certains patients ne répondent pas aux dendrimères – avant de pouvoir l’appliquer. C’est donc l’autre effet identifié par les chercheurs qui devrait trouver en premier le chemin des hôpitaux : l’équipe a observé que des dendrimères phosphatés ont également des propriétés anti-inflammatoires. Ils pourraient donc soulager les patients atteints de maladies inflammatoires telles que la polyarthrite rhumatoïde, qui s’attaque aux articulations et provoque douleurs et déformations. Xavier Müller 1. Cédric-Olivier Turrin et Anne-Marie Caminade au Laboratoire de chimie de coordination, et Rémy Poupot au Centre de physiopathologie de Toulouse-Purpan. Jean-Pierre Majoral a codirigé les recherches sur les dendrimères au LCC. CONTACT ➔ Anne-Marie Caminade Laboratoire de chimie et coordination, Toulouse anne-marie.caminade@lcc-toulouse.fr baisse générale de la fertilité masculine dans les pays industrialisés : les hommes auraient perdu la moitié de leur stock de spermatozoïdes. Sur le banc des accusés : principalement des polluants incluant des pesticides. Ces substances peuventelles dérégler BRDT et empêcher le compactage de l’ADN ? De futures recherches vont explorer cette piste. Xavier Müller 1. Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) à Heidelberg et à Grenoble, Institut de biologie structurale Jean-Pierre-Ebel (CEA/CNRS/Université Joseph-Fournier) et Institut Albert-Bonniot (Inserm/Université Joseph-Fournier associé au CNRS, au CHU Grenoble et à l’Établissement français du sang). CONTACT ➔ Saadi Khochbin Institut Albert-Bonniot, Grenoble khochbin@ujf-grenoble.fr Le journal du CNRS n°240-241 janvier-février 2010



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