CNRS Le Journal n°239 décembre 2009
CNRS Le Journal n°239 décembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°239 de décembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,7 Mo

  • Dans ce numéro : Climat, les enjeux de Copenhague

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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8 VIEDESLABOS Actualités PALÉONTOLOGIE Sur les pas des plus gros dinosaures Début octobre, le CNRS annonce la découverte 1, près de Lyon, des plus grandes empreintes de dinosaures au monde. Partout sur la planète, l’évènement fait la une des médias. Aujourd’hui, les chercheurs nous exposent la suite du programme scientifique. Ces empreintes ont été laissées par des animaux qui sont parmi les plus gros à avoir foulé le sol de notre planète ! », s’enflamme Jean-Michel Mazin, du laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphère 2. Ce paléontologue a récemment réalisé avec Pierre Hantzpergue, son collègue géologue, une expertise des vastes dépressions ovales de 1,50 mètre de long découvertes à Plagne, dans l’Ain, en avril dernier. (Lire l’encadré.) Résultat : elles sont caractéristiques des sauropodes, gigantesques herbivores au long cou et aux pattes de forme éléphantesque, proches des diplodocus, et qui ont vécu il y a environ 150 millions d’années. Et maintenant que la folie médiatique mondiale autour de la découverte s’est calmée, les experts veulent revenir sur son potentiel scientifique. « Certes ces empreintes sont les plus grandes connues à ce jour. Le précédent record était de 1,20 mètre, rappelle Jean-Michel Mazin. Mais ce qui nous intéresse maintenant, c’est la mine d’informations qu’elles devraient nous apporter sur les animaux qui les ont laissées », insiste-t-il. « Car on va pouvoir comprendre comment ils marchaient ! » Une entreprise qui n’avait rien d’une sinécure vu leur poids. Selon les ossements de sauropodes connus, les traces correspondent en effet à des dinausores de plus de 25 mètres de long et de plus de 40 tonnes ! Les limites à partir desquelles un être vivant s’écraserait sous son propre poids ne sont plus qu’à une dizaine ou une vingtaine de tonnes de ces chiffres. Pour reconstituer quelques minutes de la vie d’un géant de 40 tonnes à partir de ces traces – pour l’instant au nombre d’une vingtaine – les chercheurs de Paléoenvironnements et paléobiosphère souhaitent s’allier avec des biophysiciens. Leurs outils ? Des équations de biomécanique typiques de la marche des quadrupèdes, modèles déjà éprouvés pour des dinosaures moins imposants de cette famille. En injectant dans ces équations les distances mesurées entre les empreintes, les chercheurs pourront déduire la vitesse de progression de l’animal –sans doute pas plus de 4 km/h – ainsi que ses vitesses d’ac- Le journal du CNRS n°239 décembre 2009 © A. Beneteau 2009/www.paleospot.com célération et de décélération. Tandis qu’à partir de l’angle entre les traces laissées par les pieds droits et gauches, ils définiront la manœuvrabilité du dinosaure, probablement très réduite : « Il devait sans doute s’arrêter pour arriver à tourner, commente Jean-Michel Mazin. Certainement incapable de courir, il piétinait presque et gardait toujours trois pattes au sol : en lever une seule relevait déjà de l’exploit ! » Que faisaient ces dinosaures dans ce secteur recouvert par la mer pendant des millions d’années durant le Jurassique ? « Nous savons qu’à la fin du Jurassique, cette région a connu de fréquentes émersions », explique Pierre Hantzpergue. Nos dinosaures, qui se trouvaient 300kilomètres plus au nord, ont donc sans doute profité d’une baisse du niveau de la mer pour s’aventurer plus au sud. Et des îlots de végétation, dispersés ça et là sur cette vaste plaine boueuse, ont probablement fourni les ressources alimentaires nécessaires à ce périple. « Mais pour en savoir plus, il reste à reconstituer le cadre de vie de ces sauropodes, notamment à l’aide de fossiles d’autres animaux que nous espérons trouver », poursuit le géologue. Comment les empreintes ont-elles été conservées jusqu’à aujourd’hui ? Imprimées dans une boue carbonatée, préservées du passage d’autres animaux et de la pluie à la faveur des éléments, Vue d’artiste de sauropodes (en jaune), gigantesques dinosaures dont on a découvert des traces de pas à Plagne. elles ont probablement séchées rapidement au soleil. « Elles ont ensuite été recouvertes par plusieurs centaines de mètres de sédiments eux-même dégagés plus tard par l’érosion qui accompagne la formation des reliefs du Jura », explique Pierre Hantzpergue. Et puis, un chemin utilisé de nos jours pour transporter le bois a ensuite favorisé le décapage superficiel de la terre, mettant ainsi presque à nu les empreintes découvertes. Mais la piste n’a pas encore révélé tous ses secrets. Des sondages démasquent d’autres traces, à des centaines de mètres de là, encore cachées par 10 à 50 centimètres de terre et de végétation. Pour les découvrir, il faudra décaper une prairie de plusieurs hectares ! Il faudra aussi effectuer un relevé au laser des traces, des photos aériennes, la cartographie des environs, etc. Bref, l’équivalent de 3 ou 4 ans de travail pour une équipe d’une trentaine de personnes que les chercheurs espèrent recruter. Reste à réunir les fonds nécessaires, notamment auprès des collectivités publiques de la région, pour poursuivre cette extraordinaire campagne de fouille sur les traces des sauropodes. Charline Zeitoun 1. Lire le communiqué de presse en ligne www2.cnrs.fr/presse/communique/1691.htm 2. Unité CNRS/Université Lyon-I.
© H. Raguet/CNRS Photothèque Autour d’une empreinte, et de g. à dr. : Patrice Landry et Marie-Hélène Marcaud, les découvreurs, Jean-Michel Mazin et Pierre Hantzpergue, les experts. ➔ À voir Le site à empreintes de dinosaures de Plagne (2009, 7 min) de Marie Chevais, produit par CNRS Images : http:Ilwww.cnrs.fr/fr/science-direct/video/video.html#haut Des dinos sous les vignes (2009, 17 min) de Claude Delhaye, produit par CNRS Images Contact : Véronique Goret, CNRS Images – vidéothèque (ventes) – Tél. : 01 45 07 59 69 videotheque.vente@cnrs-bellevue.fr DES TRACES À LA LOUPE Quand Marie-Hélène Marcaud et Patrice Landry, deux passionnés de nature de la Société des naturalistes d’Oyonnax (SDNO), tombent sur ces étonnantes traces ovales, ils appellent aussitôt Pierre Hantzpergue et Jean-Michel Mazin. Ce dernier observe leur taille hors du commun et la présence d’un bourrelet de sédiments calcaire à l’avant. « Il s’agit d’un bourrelet d’expulsion créé quand la patte s’enfonce dans la boue », explique le paléontologue. Il reconnaît également le cycle de locomotion d’un quadrupède, avec alternance d’empreintes de pattes avant (mains) et de pattes arrière (pieds). « Dans le cas présent, l’animal pose partiellement son pied sur l’empreinte laissée par sa main, la recouvrant en partie. Celle-ci n’apparaît donc que comme un fin croissant à l’avant de l’empreinte de pied. » De son côté, Pierre Hantzpergue réalise la datation par biostratigraphie. « Cela consiste à étudier les différentes strates, empilées sous les empreintes, afin d’analyser les fossiles qu’elles contiennent, notamment des ammonites », explique le géologue. Celles-ci ont connu une évolution très rapide de leur morphologie dans le temps. Cela permet donc de déduire un âge relatif des couches d’où elles proviennent, époque que l’on peut apprécier à 150 000 ans près. Une précision largement suffisante pour des traces de dinosaures remontant finalement à plus de 150millions d’années.C.Z. CONTACTS Paléoenvironnements et paléobiosphère, Lyon ➔ Jean-Michel Mazin jean-michel.mazin@univ-lyon1.fr ➔ Pierre Hantzpergue pierre.hantzpergue@univ-lyon1.fr INTERNET Les mots du web en équation VIEDESLABOS 9 Du désordre peut naître l’ordre. Ce principe, souvent constaté dans la nature, s’applique aussi aux comportements des internautes sur la Toile. C’est ce que viennent de découvrir des physiciens du Centre de physique théorique, à Marseille 1, en collaboration avec des équipes italiennes. Les chercheurs se sont penchés sur certains sites internet 2 où les utilisateurs annotent par des mots-clés, couramment appelés tags, – le contenu de pages web. Peu à peu, ces mots-clés constituent une gigantesque base de données qui permet de faire des recherches très précises sur l’ensemble des sites annotés. En étudiant de près la structure de cette base de données, construite sans concertation des internautes entre eux, les scientifiques se sont rendus compte qu’elle était loin d’être anarchique. « Preuve en est la taille du dictionnaire de mots-clés utilisés par la communauté, note Alain Barrat. Celui-ci grandit de manière régulière, en suivant une équation bien précise. » L’étape suivante pour les chercheurs a été de retrouver mathématiquement pourquoi ils observaient une telle propriété. « Chaque individu est complexe, explique Alain Barrat. Mais l’action cumulée et non coordonnée de plusieurs millions d’entre eux va faire émerger des comportements qu’on peut modéliser par des concepts mathématiques simples. » Ainsi, nos physiciens ont montré que la structure de la base de données pouvait être reconstruite à partir d’une succession de marches aléatoires, un concept courant en physique statistique qui décrit différentes trajectoires obtenues par une série de déplacements dans des directions choisies au hasard. Pour les chercheurs, une seule explication. Selon eux, il existerait un réseau sémantique sous-jacent qui relierait entre eux les mots-clés et dans lequel les internautes « marcheraient » au hasard. « C’est une idée qui existe depuis longtemps en linguistique, explique Alain Barrat. Sans en avoir conscience, chaque internaute associerait au mot-clé principal – évident – d’une page web un autre mot-clé bien à lui. » À l’annotation « fleur » pour une page de botanique par exemple, l’un va associer le mot « rose », l’autre le mot « pétale », etc. « Répété par l’ensemble des utilisateurs, ce mécanisme permet d’expliquer nos observations », ajoute le chercheur. Un résultat théorique qui pourrait un jour déboucher sur des applications bien concrètes. Notamment la lutte contre le spamdexing ou référencement abusif. Certains spameurs n’hésitent pas, en effet, à infiltrer les sites en question en ajoutant une longue liste de mots-clés sans rapport avec la page mais qui renvoient discrètement vers des sites commerciaux. « C’est un comportement qui va contre les règles établies par la communauté d’internautes, commente Alain Barrat. Si on parvient à bien modéliser le fonctionnement normal de ce réseau d’utilisateurs, alors tout phénomène bizarre qui s’en écartera sera rejeté. » Les pollueurs n’ont qu’à bien se tenir. Pierre Mira 1. Résultat paru dans PNAS du 30 juin 2009. 2. Comme par exemple le site www.delicious.com CONTACT ➔ Alain Barrat Centre de physique théorique, Marseille alain.barrat@cpt.univ-mrs.fr Le journal du CNRS n°239 décembre 2009



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