6 © Photos : B. Rajau/CNRS Photothèque VIEDESLABOS Reportage PHYSIQUE La caverne aux particules Du neutrino à la matière noire en passant par l’environnement ou les grands vins, le Laboratoire souterrain de Modane (LSM) 1 accueille des expériences qui explorent les propriétés de l’infiniment petit. Visite de cet espace caché dans les entrailles de la Terre… L’accès au laboratoire souterrain de Modane se fait par l’abri antiincendie n°6, situé exactement au centre du tunnel, selon des procédures strictes. Le nouveau bâtiment du LSM à Modane intègre un lieu d’exposition à destination du grand public. Le journal du CNRS n°239 décembre 2009 Mettez ce gilet jaune. À mon signal, vous traversez d’un pas franc, sans courir mais sans traîner. » Au LSM, on ne badine pas avec la sécurité. Et pour cause: pour y accéder, il faut traverser la route à pied en plein milieu du tunnel de Fréjus, en évitant les véhicules qui empruntent le boyau de 13 kilomètres de long entre la France et l’Italie. « Les jours où la circulation est dense, il arrive qu’on doive attendre un certain temps avant de pouvoir accéder au labo », lance, dans le vrombissement des voitures, son directeur Fabrice Piquemal, également chercheur au Centre d’études nucléaires de Bordeaux Gradignan (CENBG) 2. L’objectif : une lourde porte coupe-feu marquée du chiffre6, de l’autre côté de la chaussée. « Le laboratoire se situe derrière le 6 e abri anti-incendie du tunnel », explique Fabrice Piquemal. Après le passage dans l’abri proprement dit et une sorte d’antichambre, le visiteur découvre enfin le laboratoire souterrain : une grande caverne creusée à coups d’explosifs sous la montagne. En tout, 1800 mètres de roche s’élèvent au-dessus. Une chaleur étouffante y règne ; chaleur que le personnel n’a heureusement pas à subir à longueur de journée. Ici les expériences sont pilotées à distance et les bureaux sont situés en contrebas dans la vallée, dans un bâtiment qui vient tout juste d’être inauguré. Nemo 3 est constitué de plus de 8000 détecteurs de particules répartis en 20 segments et protégés par une enceinte. SOUS TERRE, PAS DE PARASITE Quelles sortes de recherches peuvent bien nécessiter de s’enterrer ainsi ? « Des rumeurs disent que nous menons des expériences secrètes, sourit Fabrice Piquemal. En fait, nous sommes enterrés… pour observer l’Univers. » Du moins certains de ses constituants les plus élémentaires. Le laboratoire accueille en effet plusieurs expériences internationales de physique des particules. Ici, les chercheurs veulent étudier les neutrinos – particules réputées insaisissables – pour déterminer certaines de leurs propriétés physiques. En particulier pour savoir s’ils sont leurs propres antiparticules 3, comme l’a suggéré Ettore Majorana, physicien de génie disparu dans de mystérieuses circonstances à la fin des années 1930, ou encore pour calculer leur masse. Ils traquent aussi les Wimps 4, des particules massives prédites par certaines théories, qui composeraient la fameuse matière noire, une forme de matière invisible mais dont un quart de l’Univers serait constitué. Et pour avoir la chance de détecter ces infimes objets, il faut le moins de parasites possible, donc se cacher des rayons cosmiques qui arrosent la planète. Pour cela, rien de tel qu’une montagne. « Des 8 à 10millions de particules cosmiques par mètre carré et par jour qui atteignent la surface de la Terre, seules 4 par mètre carré et par jour parviennent jusqu’au laboratoire ! », précise Fabrice Piquemal. Les instruments les plus sensibles sont donc installés dans la caverne, sans risque de brouillage. |