34 INSITU © N.Tiget/CNRS Photothèque INAUGURATION Au plus près de la matière Le 12 octobre a été inauguré au Centre européen de résonance magnétique nucléaire 1, à Lyon, le plus puissant spectromètre de RMN du monde. Gilberte Chambaud, directrice scientifique au CNRS (Institut de chimie), nous parle de cet instrument et de la politique ambitieuse dans laquelle il s’inscrit. Pouvez-vous nous en dire plus sur la machine inaugurée en octobre à Lyon ? Gilberte Chambaud : Il s’agit d’un spectromètre de résonance magnétique nucléaire (RMN) (Lire l’encadré, p. 35.) d’une puissance inégalée. Avec ses 5,20 mètres de hauteur et ses 12 tonnes, l’appareil impressionne et va nous permettre d’aller plus loin dans l’analyse de la structure de molécules intéressantes pour la médecine, la biologie ou encore les sciences des matériaux. En effet, son aimant est capable de générer un champ magnétique de 23,5 teslas 2. Par comparaison, le champ magnétique de la Terre n’est que d’une cinquantaine de microteslas. Ce champ magnétique de 23,5 teslas permet d’atteindre pour les atomes d’hydrogène une fréquence de résonance de 1 gigahertz (1 000 MHz) alors que jusque-là, les spectromètres les plus puissants au monde n’allaient pas au-delà de 950 MHz ! Depuis 30 ans, les améliorations successives des techniques de RMN ont à chaque fois conduit à de nouvelles découvertes et ce nouveau bond technologique était très attendu par les équipes de recherche. Quels types de recherches va permettre ce spectromètre ? G.C. : Les équipes qui y ont accès travaillent sur une multitude de problèmes fondamentaux. Par exemple, la spectroscopie RMN permet de détecter les possibles altérations dans la structure des molécules survenant lors de cancer, et ainsi de mieux diagnostiquer ces pathologies. L’étude de l’architecture et de la dynamique des protéines est aussi à l’honneur. Il peut s’agir d’une étape importante dans le développement de nouvelles molécules d’intérêt thérapeutique. Il est aussi possible d’améliorer les polymères ou encore d’analyser la structure de matériaux tels que le bois, le verre ou le béton. Pas moins de 70% des projets relèvent de la chimie et des sciences de la vie. Cette machine entre dans le réseau « RMN à très hauts champs magnétiques » (TGIR-RMN). Qu’est-ce donc ? G.C. : Il s’agit d’une très grande infrastructure de recherche – unique au monde, elle aussi – qui Le journal du CNRS n°239 décembre 2009 © Photos : E.Le Roux/Service Communication/UCBL comprend 6 sites répartis dans toute la France, combinant chacun une expertise et des spectromètres RMN spécifiques. Ce réseau s’appuie sur des équipes – 45 chercheurs et ingénieurs dont 35 agents CNRS, 7 personnels universitaires et 3 agents du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) – reconnues au niveau international, tant en RMN du solide inorganique ou bio-organique qu’en RMN du liquide. Il propose l’accès aux spectromètres à très hauts champs français avec une expertise et un support scientifique reconnus. Les scientifiques du réseau ont ainsi pour mission d’accueillir et encadrer des chercheurs, français ou étrangers, qui mènent des études nécessitant le recours à nos spectromètres RMN mais qui ne peuvent pas se doter des appareils les plus performants… et donc les plus coûteux. L’acquisition du spectromètre RMN à 1 GHz va encore renforcer la notoriété mondiale du réseau. Combien a coûté ce nouvel appareil ? G.C. : Pas moins de 11 millions d’euros à l’achat, provenant du CNRS, de la Région Rhône-Alpes, de la communauté urbaine de Lyon et de l’université Lyon-I. À ce propos, je voudrais souligner que le fonctionnement et l’entretien de l’ensemble des spectromètres des 6 centres du réseau demandent un budget annuel élevé, de l’ordre de 1 million d’euros majoritairement pris en charge par le CNRS. Y aura-t-il bientôt un appareil plus puissant que celui inauguré en octobre ? G.C. : On peut déjà songer à l’arrivée d’une machine de 1 200 MHz à l’horizon 2015. Cependant il reste encore à développer la technologie pour fabriquer un tel appareil qui nécessite des aimants d’une nouvelle génération. C’est donc encore du domaine du rêve ! Propos recueillis par Kheira Bettayeb 1. Unité CNRS/École normale supérieure de Lyon/Université Lyon-I. 2. Le tesla est une unité qui permet de caractériser la force d’un champ magnétique. |