28 ©C. Guinet/CNRS Photothèque/CEBC ZOOM 12 13 12 13 Relevés de salinité (à gauche) et de température (à droite) le long de la trajectoire d’un éléphant de mer parti des îles Kerguelen pour aller s’alimenter, durant l’automne austral, près de l’Antarctique. 14 Profils de température le long d’un trajet d’un jeune éléphant de mer. Parti de Kerguelen en mars, l’animal a atteint le bord de la banquise en avril, au terme d’un trajet de 2000 km. Il a traversé des masses d’eau de –1,8°C (en bleu foncé), et plongé jusqu’à 1200m. 15 En équipant simultanément des éléphants de mer à Kerguelen, en Géorgie-du-Sud et aux îles Macquarie, les chercheurs ont obtenu cette couverture de l’océan Austral en profils de température. 16 À Kerguelen, d’autres animaux, telles ces otaries antarctiques, sont équipés de balises plus compactes qui produisent des jeux de données à très haute résolution spatiale et temporelle. Cependant, pour les récupérer, les chercheurs doivent capturer l’animal lorsqu’il revient à terre, tous les dix jours environ. 17 Campement sur les îles Kerguelen à partir duquel sont conduits les travaux de recherche sur les éléphants de mer et les otaries antarctiques. 16 15 > 14 Banquise Aller (2000 km) Retour Macquarie. Mais nous ne connaissions même pas leurs déplacements en mer ! L’idée était donc de caractériser les zones où les animaux de ces trois colonies trouvent leur nourriture. » L’initiative n’a pas manqué de séduire les océanographes, qui avaient cruellement besoin d’un système d’observation efficace pour l’océan Antarctique alors que celui-ci joue un rôle majeur dans la régulation du climat. Les balises ont permis d’identifier les zones de pêche les plus favorables aux éléphants de mer. « Nous avons utilisé des indices comme la vitesse de déplacement ou le temps passé au fond lors d’une plongée. Plus surprenant, la manière dont l’animal dérive passivement lors de descentes très particulières où il se repose en apnée à environ 300 mètres de profondeur peut aussi renseigner sur l’abondance des proies dans le secteur. Car dans cette situation, un phoque qui s’amaigrit aura tendance à couler au fil des plongées alors que s’il s’engraisse, il remontera. » Grâce aux capteurs de salinité et de température, ces environnements ont été caractérisés. « Par exemple, en Antarctique, les meilleures zones de pêche correspondent à des eaux très froides, liées à la présence d’icebergs, explique Christophe Guinet. Il est possible que le froid rende les poissons léthargiques, ce qui facilite leur capture. » Ainsi, les variations observées dans les années 1970 seraient liées au fait que les trois colonies d’éléphants fréquentent des zones de pêche différentes : « Les populations des îles Kerguelen et Macquarie, qui se nourrissent en Antarctique, ont été victimes d’un réchauffement des eaux de surface dans la région durant les années 1960-1970. Celui-ci aurait entraîné une diminution de l’abondance du krill, à la base de la chaîne alimentaire, explique Christophe Guinet. La population de Georgie-du-Sud, qui exploite principalement la zone subantarctique, n’a en revanche pas été touchée. » Autre domaine de la recherche alimenté par nos éléphants de mer : l’océanographie. Les animaux marqués représentent aujourd’hui la première source de données sur la température et la salinité de l’océan Austral, et fournissent 98% des informations obtenues dans la zone de banquise de l’hémisphère Sud. Mises à disposition de la communauté internationale via la base de données Coriolis, ces informations sont exploitées pour l’océanographie opérationnelle, qui consiste à prévoir l’état de l’océan. Elles permettent aussi d’étudier la réponse du milieu marin aux changements climatiques. « Nous espérons pérenniser ces travaux pour les dix prochaines années, en les intégrant à un observatoire à vocations écologique et océanographique », conclut Christophe Guinet. Le rodéo à dos d’éléphant n’est peut-être pas terminé. Marie Lescroart 1. Ces recherches sont le fruit d’une collaboration entre des chercheurs du CEBC, du MNHN, de l’Université de Tasmanie et du Sea Mammal Research Unit de l’Université de Saint Andrews, en Écosse, dans le cadre des programmes internationaux SEAOS puis MEOP. Elles ont bénéficié du soutien de l’Ipev, du Cnes, de la Fondation Total, de l’ANR VMC/Ipsos-Seal, et du groupe de Mission Mercator Coriolis. ➔ En savoir plus : Mémoires d’un éléphant de mer (2008, 32 min) de François de Riberolles, produit par CNRS Images et Bonne Pioche Productions http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.php ? urlaction=doc&id_doc=2015 CONTACT ➔ Christophe Guinet Centre d’études biologiques de Chizé, Beauvoir-sur-Niort christophe.guinet@cebc.cnrs.fr Kerguelen 17 © Graphiques : CNRS Photothèque/CEBC ©C. Guinet/CNRS Photothèque/CEBC |