CNRS Le Journal n°239 décembre 2009
CNRS Le Journal n°239 décembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°239 de décembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,7 Mo

  • Dans ce numéro : Climat, les enjeux de Copenhague

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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28 ©C. Guinet/CNRS Photothèque/CEBC ZOOM 12 13 12 13 Relevés de salinité (à gauche) et de température (à droite) le long de la trajectoire d’un éléphant de mer parti des îles Kerguelen pour aller s’alimenter, durant l’automne austral, près de l’Antarctique. 14 Profils de température le long d’un trajet d’un jeune éléphant de mer. Parti de Kerguelen en mars, l’animal a atteint le bord de la banquise en avril, au terme d’un trajet de 2000 km. Il a traversé des masses d’eau de –1,8°C (en bleu foncé), et plongé jusqu’à 1200m. 15 En équipant simultanément des éléphants de mer à Kerguelen, en Géorgie-du-Sud et aux îles Macquarie, les chercheurs ont obtenu cette couverture de l’océan Austral en profils de température. 16 À Kerguelen, d’autres animaux, telles ces otaries antarctiques, sont équipés de balises plus compactes qui produisent des jeux de données à très haute résolution spatiale et temporelle. Cependant, pour les récupérer, les chercheurs doivent capturer l’animal lorsqu’il revient à terre, tous les dix jours environ. 17 Campement sur les îles Kerguelen à partir duquel sont conduits les travaux de recherche sur les éléphants de mer et les otaries antarctiques. 16 15 > 14 Banquise Aller (2000 km) Retour Macquarie. Mais nous ne connaissions même pas leurs déplacements en mer ! L’idée était donc de caractériser les zones où les animaux de ces trois colonies trouvent leur nourriture. » L’initiative n’a pas manqué de séduire les océanographes, qui avaient cruellement besoin d’un système d’observation efficace pour l’océan Antarctique alors que celui-ci joue un rôle majeur dans la régulation du climat. Les balises ont permis d’identifier les zones de pêche les plus favorables aux éléphants de mer. « Nous avons utilisé des indices comme la vitesse de déplacement ou le temps passé au fond lors d’une plongée. Plus surprenant, la manière dont l’animal dérive passivement lors de descentes très particulières où il se repose en apnée à environ 300 mètres de profondeur peut aussi renseigner sur l’abondance des proies dans le secteur. Car dans cette situation, un phoque qui s’amaigrit aura tendance à couler au fil des plongées alors que s’il s’engraisse, il remontera. » Grâce aux capteurs de salinité et de température, ces environnements ont été caractérisés. « Par exemple, en Antarctique, les meilleures zones de pêche correspondent à des eaux très froides, liées à la présence d’icebergs, explique Christophe Guinet. Il est possible que le froid rende les poissons léthargiques, ce qui facilite leur capture. » Ainsi, les variations observées dans les années 1970 seraient liées au fait que les trois colonies d’éléphants fréquentent des zones de pêche différentes : « Les populations des îles Kerguelen et Macquarie, qui se nourrissent en Antarctique, ont été victimes d’un réchauffement des eaux de surface dans la région durant les années 1960-1970. Celui-ci aurait entraîné une diminution de l’abondance du krill, à la base de la chaîne alimentaire, explique Christophe Guinet. La population de Georgie-du-Sud, qui exploite principalement la zone subantarctique, n’a en revanche pas été touchée. » Autre domaine de la recherche alimenté par nos éléphants de mer : l’océanographie. Les animaux marqués représentent aujourd’hui la première source de données sur la température et la salinité de l’océan Austral, et fournissent 98% des informations obtenues dans la zone de banquise de l’hémisphère Sud. Mises à disposition de la communauté internationale via la base de données Coriolis, ces informations sont exploitées pour l’océanographie opérationnelle, qui consiste à prévoir l’état de l’océan. Elles permettent aussi d’étudier la réponse du milieu marin aux changements climatiques. « Nous espérons pérenniser ces travaux pour les dix prochaines années, en les intégrant à un observatoire à vocations écologique et océanographique », conclut Christophe Guinet. Le rodéo à dos d’éléphant n’est peut-être pas terminé. Marie Lescroart 1. Ces recherches sont le fruit d’une collaboration entre des chercheurs du CEBC, du MNHN, de l’Université de Tasmanie et du Sea Mammal Research Unit de l’Université de Saint Andrews, en Écosse, dans le cadre des programmes internationaux SEAOS puis MEOP. Elles ont bénéficié du soutien de l’Ipev, du Cnes, de la Fondation Total, de l’ANR VMC/Ipsos-Seal, et du groupe de Mission Mercator Coriolis. ➔ En savoir plus : Mémoires d’un éléphant de mer (2008, 32 min) de François de Riberolles, produit par CNRS Images et Bonne Pioche Productions http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.php ? urlaction=doc&id_doc=2015 CONTACT ➔ Christophe Guinet Centre d’études biologiques de Chizé, Beauvoir-sur-Niort christophe.guinet@cebc.cnrs.fr Kerguelen 17 © Graphiques : CNRS Photothèque/CEBC ©C. Guinet/CNRS Photothèque/CEBC
Afsaneh Gaillard Neurobiologiste Réparatrice de neurones D’emblée, son prénom aux consonances exotiques intrigue. « Je suis iranienne », précise tout sourire Afsaneh Gaillard, chevelure sombre et habits noirs. Fuyant son pays natal à l’aube de la révolution islamiste, elle a directement posé ses valises en terres poitevines. La voici aujourd’hui enseignantechercheuse à l’Institut de physiologie et de biologie cellulaires 1 de Poitiers, enchaînant les succès scientifiques. Dernier en date, la création – de pair avec l’équipe bruxelloise de Pierre Vanderhaeghen – d’une source illimitée et fiable de neurones spécifiques du cortex qui pourrait être utilisée à des fins thérapeutiques 2. La clé ? Des cellules souches embryonnaires de souris, que les chercheurs ont cultivées pour obtenir différents types de neurones, puis implantées avec succès dans le cortex de souris nouveau-nées. « La greffe de neurones permettra de réparer le cerveau, j’en suis persuadée ! », s’enthousiasme la scientifique. Mais revenons à ses premiers pas dans l’Hexagone, en 1981. Sur les bancs universitaires, elle vit une double immersion au cœur de notre langue et des sciences, sa passion de toujours. Séduite par la complexité « un peu mystique » du cerveau, Afsaneh Gaillard entre pour sa thèse au laboratoire « Biomembranes et signalisation cellulaire » de l’université de Poitiers. À cette école de l’autonomie – « Dès le début, j’ai dû résoudre toute seule les problèmes de manip. Et finalement, j’ai trouvé cela très bien. » – elle s’initie au développement du cerveau… loin de la réparation cérébrale qui la fascine déjà. Bien lui prend : « C’est là que j’ai compris qu’avant de réparer le cerveau il était indispensable de décrypter ses mécanismes de formation. » À l’époque, deux théories s’affrontent : l’une voit le cortex se développer sous l’influence de facteurs extérieurs, l’autre suggère une seule programmation génétique. Grâce à la technique de transplantation, « alors toute nouvelle », Afsaneh montre, chez le rat nouveau-né, que même greffées dans le cortex visuel, les cellules embryonnaires du cortex moteur conservent leur nature initiale. Et de trancher en faveur des gènes. Dès lors s’enchaînent les publications. Dans le même temps, elle s’essaie à la transplantation de cellules embryonnaires chez l’adulte. Objectif : réparer les lésions neurologiques. Nous sommes en 1990, et personne n’y croit. « En fait, nos outils n’étaient pas encore assez puissants pour montrer cette réparation. » En 1996, sans changer de laboratoire, la voici nommée maître de conférences en neurophysiologie. Tout à l’encadrement des étudiants, elle lutte pied à pied pour continuer ses expériences de transplantation. Et cette fonceuse aura raison de certaines résistances. Mais c’est véritablement en 2003 qu’Afsaneh Gaillard prend son envol. Désormais à la tête du projet « Approche thérapeutique des maladies neurodégénératives » 3, elle franchit un cap avec l’utilisation d’embryons de souris vertes GFP (Green Fluorescent Protein). En greffant leurs cellules corticales dans le cortex moteur abîmé d’une souris adulte, les chercheurs espèrent visualiser une réparation. Bingo. Les circuits de neurones sont bel et bien restaurés. Publiés en 2007 4, les résultats sont d’abord accueillis avec une incrédulité qui laisse rapidement place à l’admiration. À la lumière de ces découvertes, on envisage de soigner autrement les maladies neurologiques, Parkinson en tête. Rappelons que cette pathologie provient de la dégénérescence des neurones à dopamine, concentrés dans la substance noire, une petite zone située au cœur du cortex cérébral. Leur prolongement (les axones) atteignent une zone du cortex plus périphérique, le striatum. RENCONTREAVEC 29 « La greffe de neurones permettra de réparer le cerveau, j’en suis persuadée ! » C’est là –et non pas dans la substance noire– que l’on essayait de greffer des neurones embryonnaires dopaminergiques. Sans résultat fracassant. Mais notre neurobiologiste a changé la donne avec ses derniers travaux, parus en juillet dernier 5. Sur des souris rendues parkinsoniennes, elle a montré qu’il était plus efficace de greffer des cellules embryonnaires dans la substance noire. En gros, ces cellules parviennent à rétablir la voie dopaminergique et, de fait, à améliorer sur le long cours l’état de l’animal. Dans son domaine, la compétition est rude, ce qui n’est pas pour déplaire à notre chercheuse. Et pas question, malgré les nombreuses offres, de quitter son fief. « Tout marche bien ici ! » Aucun regret, donc, à l’exception du manque de temps. Son mari, enseignant-chercheur également, en sait quelque chose. Patricia Chairopoulos 1. Laboratoire CNRS/Université de Poitiers. 2. Nature, vol. 455, n°7211,pp. 351-357, 18 décembre 2008. 3. Au sein de l’équipe « Physiologie des troubles neurodégénératifs et adaptatifs » dirigée par MohamedJaber. 4. Nature Neuroscience, vol. 10, n°10,pp. 1294-1299, octobre 2007. 5. Neurobiology of Disease, vol. 35, n°3,pp. 477-488, septembre 2009. CONTACT ➔ Afsaneh Gaillard Institut de physiologie et de biologie cellulaires, Poitiers afsaneh.gaillard@univ-poitiers.fr Le journal du CNRS n°239 décembre 2009 © S. Godefroy/CNRS Photothèque



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