24 © H.David/www.collectifargos.com © Illustration : L. Le Saux pour le journal du CNRS > L’ENQUÊTE reconnu par le droit international. Seules des interventions d’urgence coordonnées généralement par l’Ocha (United Nations Office for the coordination of Humanitarian affairs) sont mises en place en cas de catastrophes. Ces sinistrés n’ont-ils pas pour autant droit à une assistance et une protection internationale ? N’existe-t-il pas des formes de persécutions environnementales ? », s’interroge Véronique Lassailly-Jacob, membre du laboratoire Migrations internationales, espaces et sociétés (Migrinter) 2. La protection juridique de ces populations « reste, pour une large part, à construire, renchérit François Gemenne, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Outre la nécessaire et urgente réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, la mise en place de politiques d’adaptation dans les régions d’origine sera le seul moyen de limiter l’ampleur des flux migratoires d’origine climatique. » Le journal du CNRS n°239 décembre 2009 REPENSER LA VILLE De fait, aucun accord international d’envergure sur le changement climatique ne sera désormais possible « sans un volet significatif sur le soutien à l’adaptation des pays les plus pauvres et les plus vulnérables de la part des pays riches, responsables historiques du réchauffement, plaide à son tour Stéphane Hallegatte. Et cette aide doit englober des projets visant à s’adapter non seulement au changement climatique, mais aussi aux conditions présentes. Ainsi, le changement climatique ne justifie pas, à lui seul, l’amélioration des systèmes de drainage et d’assainissement dans les villes du Sud. Mais cette initiative, tout en résolvant les problèmes sanitaires que rencontrent actuellement ces métropoles, permettrait de limiter les conséquences futures du changement climatique ». Mais quelles sont, tous pays confondus, les autres mesures d’adaptation à prendre d’urgence ? La montée du niveau des océans risquant d’augmenter massivement les menaces d’inondation dans les villes situées au bord de l’eau, des protections côtières (digues, systèmes de drainage, pompes) vont devoir être L’érosion du rivage due au réchauffement climatique a fait basculer la maison d’enfance de cette habitante de l’île de Shishmaref, en Alaska. installées un peu partout sur la planète. « Il faudra voir au cas par cas comment et par qui ces dispositifs peuvent être financés (et lorsque cela sera impossible, programmer le retrait stratégique des zones trop difficiles ou trop chères à protéger), continue Stéphane Hallegatte. Mais le plus souvent, leur coût de fabrication est très inférieur à ce que coûteraient les inondations en l’absence de protection. À Copenhague, le coût d’un mètre de montée du niveau de la mer serait de plusieurs milliards d’euros par an en l’absence de protection, alors qu’il ne serait que de quelques centaines de millions d’euros de coût ponctuel en cas de construction de digues. » Autre problème majeur : la gestion de l’eau potable. Inondation rimant avec salinisation (des nappes phréatiques), il importe de développer de nouvelles méthodes de désalinisation. Par ailleurs, en 2025, selon les scénarios climatiques les plus pessimistes, 5 milliards de personnes pourraient vivre dans des régions souffrant d’une pénurie d’eau, notamment en Afrique et au Moyen-Orient, de quoi envisager de graves conflits autour du liquide vital. À plus long terme, le changement de climat pourrait conduire à une diminution de 25 à 40% des ressources en eau sur la rive sud de la Méditerranée ou dans l’Ouest des États-Unis, deux zones déjà soumises à de fortes tensions hydriques. D’où l’importance d’améliorer l’étanchéité des canalisations (en Afrique du Nord, 50% des pertes d’eau proviennent de tuyaux qui fuient !) , de s’intéresser au dimensionnement optimal des barrages-réservoirs pour mieux stocker les surplus hivernaux d’eau, d’accélérer la construction d’usines de dessalement (bien que le sel relargué dans la mer perturbe les écosystèmes), de faire des progrès en matière de recyclage (pour qu’une même quantité d’eau puisse servir à de multiples usages successifs, de la toilette au nettoyage des rues), un domaine où s’illustre Israël, de généraliser des systèmes d’irrigation économes en eau. L’habitat serait aussi bien inspiré de faire sa mue, et vite. Mais attention ! « En France, par exemple, la réduction des émissions de gaz à effet de serre vise notamment les consommations de chauffage des logements, assure Stéphane Hallegatte. Est-ce réellement une bonne idée de modifier les bâtiments en ne pensant qu’à réduire la consommation de chauffage, alors que l’usage de la climatisation risque d’exploser dans 30 ans avec l’augmentation des températures ? Ne faut-il pas l’anticiper ? Investir dans une économie sans carbone qui serait vulnérable au changement climatique constituerait un non-sens. À l’inverse, il serait absurde que l’adaptation se fasse au prix d’une consommation d’énergie fossile qui mettrait à mal les objectifs d’atténuation, par exemple par le dessalement de l’eau de mer… » Quant à l’urbanisme, sous nos latitudes, les experts préconisent d’habiller les rues de verdure pour les protéger des attaques d’un soleil qui se fera de plus en plus écrasant, de les orienter de préférence Est-Ouest, de recourir, pour la construction, à des matériaux réfléchissants de couleur claire, de multiplier les patios (des cours fermées qui, à la tombée de la nuit, se remplissent d’air frais du bas vers le haut, cet air frais restant en place toute la matinée tant que le rayonnement solaire ne l’a pas entièrement réchauffé). UNE AGRICULTURE BOULEVERSÉE Comment atténuer, en Asie et en Amérique centrale et du Nord, les ravages des cyclones, vu que les pertes directes liées à ces évènements, aux États-Unis, pourraient augmenter de 50% pour un réchauffement de 2 °C ? Deux solutions : soit construire des maisons plus résistantes aux vents extrêmes, soit opter pour des habitations légères et bon marché, donc faciles à reconstruire après l’évacuation de la zone touchée, comme cela se fait en Floride. Concernant l’agriculture, la planète restera selon toute vraisemblance capable de nourrir sa population au cours du XXI e siècle. Mais « le réchauf- |