CNRS Le Journal n°239 décembre 2009
CNRS Le Journal n°239 décembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°239 de décembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,7 Mo

  • Dans ce numéro : Climat, les enjeux de Copenhague

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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16 PAROLED’EXPERT Du 26 au 28 novembre, à Paris, s’est tenu le 4 e colloque international du Groupe de recherches et d’études sur la radio (Grer), consacré cette année à l’impact de la numérisation sur la radiodiffusion. Que signifie pour ce média l’entrée dans l’ère du numérique ? Hervé Glevarec : Elle est avant tout synonyme de plus de liberté pour l’auditeur. Primo, elle offre de nouveaux dispositifs d’écoute très souples : les webradios, radios diffusées sur le net, que l’on peut écouter sur son ordinateur et sur les téléphones portables récents grâce au streaming [la lecture en continu], ou encore sur un lecteur MP3 grâce aux podcasts [fichiers en téléchargement libre]. Deuxio, le numérique a permis de démultiplier les contenus : les webradios, pour la plupart spécialisées (dans un style musical, ou un thème comme le cinéma…), émanent aussi désormais de grands groupes radios (Europe 1, RTL, RMC, NRJ, Radio France), voire de groupes de presse (Télérama) ou audiovisuels (Arte). Le champ musical s’est enfin considérablement ouvert : les auditeurs peuvent se connecter à des smart radios [radio à la demande], tel le site Deezer, qui offrent en continu des playlists [sélections de morceaux]. Une multitude de possibilités s’offrent donc aujourd’hui aux auditeurs… H.G. : Oui. Le numérique a pour effet de créer un environnement concurrentiel. Au point que les trois principaux atouts de la radio classique sont quelque peu mis au défi. Le premier s’incarne dans un processus d’identification fort des auditeurs à ce média : ils sont très fidèles à la station qu’ils écoutent. Pour preuve, ils zappent rarement (seulement Le journal du CNRS n°239 décembre 2009 Hervé Glevarec 1, sociologue au laboratoire « Communication et politique » du CNRS, spécialiste des pratiques culturelles et des médias La radio à l’heure du numérique quatre fois en moyenne en 21 jours). Mais Internet leur propose de nouveaux objets d’identification, comme les blogs ou les réseaux sociaux. Deuxième atout historique, la programmation musicale. Or elle s’avère concurrencée, elle aussi, par les smart radios qui créent des playlists illimitées et adaptées à vos goûts. Dernier rôle, traditionnellement dévolu à la radio, la diffusion des nouveautés. Les auditeurs qui s’orientaient jusqu’à présent vers la radio pour découvrir les titres récents ou les nouveaux artistes n’ont plus qu’à se connecter au web pour les trouver avant l’heure. « La radio a en France un public vaste, fidèle, et elle est appréciée par toutes les catégories socioprofesionnelles. » La radio aurait-elle déjà perdu une partie de son audience ? H.G. : On aurait tort de croire que le public français délaisse massivement son poste à transistors pour son clavier d’ordinateur ! Mais on dénote tout de même une baisse de fréquence et de durée d’écoute globale : les Français allument leur radio moins longtemps et moins quotidiennement. Cette baisse est spectaculaire chez les jeunes, puisqu’en dix ans, ils l’écoutent 10 minutes de moins par jour. En outre, tandis que 71% des 15-24 ans étaient auditeurs en 1997, ils sont 56% en 2008 2. Doit-on s’en inquiéter ? H.G. : Je ne le crois pas, car la radio a en France un public vaste, fidèle, et elle est appréciée par toutes les catégories socioprofessionnelles. Contrairement à la télévision, qui suscite chez certains une téléphobie, notamment parmi les personnes les plus diplômées, la radio éveille un attrait général, en partie grâce à la diversité de ses contenus. Ce sont aujourd’hui les radios privées musicales (Skyrock, NRJ, Génération 88.2…) qui rassemblent le plus d’auditeurs français (60%) , devant les radios publiques généralistes (France Inter, France Culture, etc.), auparavant les plus écoutées. De plus, la manière dont ce public est structuré s’avère stable. Il se scinde essentiellement en deux groupes, d’un côté, le plus important numériquement (bien qu’en diminution) : celui des jeunes de moins de 25 ans, adeptes des radios musicales ; de l’autre, celui des personnes de 50 ans et plus (en augmentation), plutôt auditeurs des radios généralistes. Ne peut-on pas voir aussi la numérisation comme un élément positif ? H.G. : Bien sûr, elle s’avère un enrichissement ! D’autant que nous n’en sommes qu’au début, et que nous ne savons pas comment les choses vont évoluer. C’était d’ailleurs l’objet de ce colloque prospectif qui réunissait universitaires, chercheurs et professionnels pour s’interroger sur ce qu’est la « postradio ». Nous pouvons d’ores et déjà dire que le numérique offre, outre de nouveaux supports plus mobiles, des fonctions inédites pour les radios parlées, telle la « radiothèque » que les usagers peuvent consulter en différé via les podcasts. L’ouverture du champ musical des auditeurs grâce à Internet pousse enfin les programmateurs radio à élargir leur playlists pour compenser leur perte de monopole. La concurrence entraîne l’émulation ! Propos recueillis pas Stéphanie Arc 1. Il est, entre autres, coauteur avec Michel Pinet de La radio et ses publics, sociologie d’une fragmentation (coédition Irma/Mélanie Séteun, mai 2009). 2. Sur ce sujet, lire Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique, Olivier Donnat, coédition La Découverte/Ministère de la Culture et de la Communication, octobre 2009. CONTACT ➔ Hervé Glevarec Communication et politique, Paris herve.glevarec@lcp.cnrs.fr
Katell Berthelot Une histoire de religion Elle vient d’une famille bretonne, athée, et fut diplômée à 21 ans de HEC, la fameuse école de commerce française. Elle est devenue protestante, historienne du judaïsme ancien, et travaille au Centre de recherche français à Jérusalem (CRFJ) 1, en Israël. Qu’est-il arrivé à Katell Berthelot, chargée de recherche au CNRS et lauréate du prix Irène-Joliot- Curie 2008 de la jeune femme scientifique de l’année ? D’abord une expérience mystique qui la pousse à se convertir au protestantisme à l’âge de 20 ans. Puis, peu après, un coup de foudre pour Israël et sa culture cosmopolite : « J’y ai fait un court voyage d’agrément qui s’est transformé en voyage initiatique… » En effet, la toute jeune femme vit là-bas une expérience humaine très forte, bouleversée par ses rencontres avec les gens, Juifs laïcs ou religieux, Arabes chrétiens ou musulmans, et leur incroyable chaleur. Elle découvre leurs langues, « très poétiques et imagées », le judaïsme et les textes de la Bible. La passion naissante pour cette culture est si forte qu’elle abandonne les lettres et la dramaturgie pour s’y consacrer. La dramaturgie ? « Oui », précise la chercheuse de 37 ans, « en même temps qu’HEC, je faisais une maîtrise de littérature à la Sorbonne. Dans le fond j’étais une littéraire… » Paul Claudel et Bertolt Brecht s’effacent donc devant l’histoire des religions qu’elle étudie en DEA avant de plancher sur « Israël et l’humanité dans la pensée juive à l’époque hellénistique et romaine », son sujet de doctorat, réalisé en grande partie à l’université hébraïque de Jérusalem. À son retour, son parcours atypique, son excellence et sa ferveur dans la recherche impressionnent le jury du CNRS dont elle réussit le concours d’entrée. Depuis, elle navigue entre le Centre Paul- Albert-Février 2 d’Aix-en-Provence, où elle est affectée, et le CRFJ en Israël qui l’accueille depuis deux ans. « C’est une chance extraordinaire pour un historien de l’Antiquité de baigner dans une société –juive en l’occurrence– « Je n’ai pas de religion à défendre, c’est l’histoire qui m’intéresse. » qui est issue de celle de son objet de recherche. » Quel est-il exactement d’ailleurs ? D’abord elle poursuit sa réflexion sur la notion d’humanisme dans la philosophie grecque et la pensée juive ancienne. « Ces devoirs d’humanité 3 entre personnes, présents dans les textes antiques et que j’appelle « éthique humaniste », préfigurent nos notions modernes de droits de l’homme », commente-elle. Elle étudie JEUNESCHERCHEURS 17 aussi le récit dans la Bible de la conquête de la terre promise par les Hébreux. Enfin, elle analyse les façons dont a été pensée l’universalité 4 de la loi juive. Dans tous les cas, le matériau est le même : les manuscrits de la Bible et leurs commentaires. « En fait, j’étudie l’histoire des interprétations des textes selon les époques, et je me concentre sur la perception des non-Juifs par les Juifs », ajoute Katell Berthelot, médaille de bronze CNRS en 2007. Elle codirige aussi La bibliothèque de Qumrân (éditions du Cerf), une édition bilingue de l’intégralité des Manuscrits de la mer morte, destinée à un public francophone, dont le second tome va bientôt paraître. Et l’an prochain, « Judaïsme, christianisme et islam, une approche comparée », qu’elle coordonne, devrait sortir aux éditions Flammarion. « Il s’agit de comparer ce que les trois grands monothéismes ont en commun et ce qui les distingue », explique-t-elle. « Mais je n’ai pas de religion à défendre, c’est l’histoire qui m’intéresse. Les textes de la Bible font partie du patrimoine humain. J’aimerais qu’on les étudie dans les universités comme n’importe quel texte littéraire, sous l’angle sociologique, artistique, etc. de manière critique et sans tabou. » Bref, enseigner le fait religieux de manière culturelle et non cultuelle. Mais en France, nous avons opté pour la laïcité à l’extrême, poursuit-elle. « Parler de religion à l’école est encore souvent soit ringard soit suspect. Dommage. Ignorer la culture de l’autre n’est pas la solution pour vivre ensemble. » Charline Zeitoun ➔ Retrouvez les « Talents » du CNRS sur www.cnrs.fr/fr/recherche/prix.htm © J.-F. Dars/CNRS Photothèque 1. Unité CNRS/Ministère des Affaires étrangères et européennes. 2. Laboratoire CNRS/Université Aix- Marseille-I. 3. Devoir d’assistance minimale à quiconque, attaqué par une bête sauvage par exemple, uniquement parce qu’il est lui-aussi un être humain. 4. Donnée au seul peuple d’Israël, la Thora a aussi été pensée dans certains courants du judaïsme comme une loi universelle concernant l’humanité toute entière. CONTACT ➔ Katell Berthelot Centre de recherche français à Jérusalem, Israël katell.berthelot@crfj.org.il Le journal du CNRS n°239 décembre 2009



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