CNRS Le Journal n°239 décembre 2009
CNRS Le Journal n°239 décembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°239 de décembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,7 Mo

  • Dans ce numéro : Climat, les enjeux de Copenhague

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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10 © Illustrations : R.Boistel VIEDESLABOS Actualités Modèle 3D du squelette du lézard africain Holaspis guentheri réalisé grâce au synchrotron de l’ESRF de Grenoble. ÉVOLUTION Ça plane pour le lézard Pas d’écailles en forme de volets, pas de larges membranes à offrir en résistance à l’air. Et pourtant il plane ! Comment, sans ces attributs morphologiques dont jouissent certains de ses cousins volants, le petit lézard africain Holaspis guentheri fait-il pour ralentir sa chute ? Une collaboration européenne vient de percer ce mystère. « Tout d’abord, une équipe de l’université d’Anvers a analysé les performances du lézard africain car elles n’avaient été mentionnées que brièvement dans des publications à la fin des années 1950 », explique Renaud Boistel, du laboratoire « Mécanis- Le journal du CNRS n°239 décembre 2009 MODÉLISATION Une simulation en béton De si fines côtes et de nombreux trous repartis partout, dont un grand dans le crâne, montrent que le squelette de Holaspis est particulièrement léger. mes adaptatifs : des organismes aux communautés » 1. Résultat de l’expérience belge : s’élançant d’une hauteur de 2 mètres, notre lézard réduit en effet sa vitesse de descente et parcourt une distance de 80 centimètres. Une sorte d’effet parachute lui permet ainsi d’infléchir sa trajectoire au lieu de tomber à la quasi-verticale comme une pierre. Le lézard des murailles, spécimen bien connu de nos contrées et lui aussi dépourvu de tout aileron, parvient également à le faire mais ne parcourt, lui, que 50 centimètres. « Le lézard africain aplatit fortement son corps, il offre donc une surface portante plus grande. Mais cela ne suffit pas à expliquer sa performance par rapport au lézard des murailles », reprend le chercheur français, appelé à la rescousse dans cette étude. Sa mission : chercher l’explication à l’intérieur du lézard, ou plutôt dans son squelette, fortement soupçonné d’une légèreté hors norme. Grâce à la technologie synchrotron de l’ESRF 2 de Grenoble, il réalise donc des images en rayons X de différents types de lézards et en particulier des deux espèces citées plus haut. Dans la multitude de vues en coupe obtenues, il distingue tissus mous et tissus osseux avant de les La matière la plus fabriquée par l’homme se met enfin à nu. On savait que le ciment, une fois mélangé à l’eau et solidifié, n’était ni ordonné comme un cristal ni déstructuré comme le verre, mais organisé en « grains » de quelques nanomètres de diamètre. En revanche, la structure exacte des grains résistait aux investigations des chercheurs. Grâce à une simulation numérique inédite, une équipe internationale associant des chercheurs du Centre interdisciplinaire de nanoscience de Marseille (Cinam) 1 et de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) vient de lever le mystère : chaque grain est un empilement de feuillets à l’intérieur desquels les atomes sont disposés de manière désordonnée. C’est ce mélange d’ordre et de désordre qui confère sa solidité au matériau. Les chercheurs ont procédé de proche en proche pour aboutir à cette structure microscopique. Ils sont partis de la structure atomique de la tobermorite, un minéral naturel de composition relativement similaire à celle du ciment solidifié (oxyde de calcium, silice et molécules d’eau), mais possédant, lui, un ordre cristallin. Ils ont ensuite manipulé cette structure en introduisant des lacunes (des trous dans l’agencement atomique) et en simulant l’impact de la prise d’eau, c’est-à-dire le durcissement du ciment après l’ajout d’eau, sur son architecture atomique. Et ce jusqu’à obtenir une structure crédible pour le ciment, qui est en fait en conformité avec les données expérimentales connues (obtenues par diffraction aux rayonsX, spectroscopie infrarouge, tests de dureté…). À chaque étape, le nouvel état de la structure était déterminé par une simulation numérique, véritable clé de voûte du travail. Premier modèle numérique précis du ciment, la simulation développée par les chercheurs est le point de départ de futures améliorations des propriétés du ciment. Par exemple, « nous regardons actuellement s’il y a moyen, en intégrant des atomes d’aluminium ou d’autres éléments, d’augmenter la résistance du ciment ou à l’inverse, dans le contexte du stockage assembler en un modèle 3D du squelette complet. L’analyse morphométrique (mesure de longueurs, de volumes, etc.) est en cours. Quoi qu’il en soit, chez Holaspis, la finesse des os et les nombreux foramens (trous), notamment dans le crâne, ne laissent d’ores et déjà aucun doute : « Si on ramène les deux lézards à des dimensions identiques, donc à des surfaces portantes identiques, Holaspis présente clairement un poids plus faible que le lézard des murailles », conclut Renaud Boistel. Ces résultats, publiés en septembre dans The Journal of Experimental Biology, livrent donc la clé d’une vieille énigme. Ils apportent aussi des données nouvelles pour la connaissance de ces espèces, notamment pour l’étude de leur évolution. Charline Zeitoun 1. Unité CNRS/Muséum national d’histoire naturelle. 2. European Synchrotron Radiation Facility. CONTACT ➔ Renaud Boistel Mécanismes adaptatifs: des organismes aux communautés, Paris boistel@mnhn.fr Les grains de ciment solidifié sont un mille-feuille de couches de molécules d’eau (en bleu et blanc), d’ions calcium (en gris et vert) et d’atomes de silicium et d’oxygène (en rouge et orange). sous-terrain des déchets nucléaires, si la présence d’un élément tel le chlore affaiblirait les propriétés mécaniques des fûts de stockage en béton, mélange de granulats et de ciment », décrit Roland Pellenq du Cinam. Le béton « vert » est également l’enjeu de ces © R. Pellenq
NEUROBIOLOGIE Dormir pour mieux se souvenir Si la nuit porte conseil, elle nous permet aussi de mémoriser des informations importantes acquises durant la journée. Des travaux récents apportent un éclairage étonnant sur ce processus. Voici un beau rat qui dort paisiblement. Chut… ne le réveillons pas: en ce moment, il apprend à se repérer dans le labyrinthe que les chercheurs ont conçu pour lui. Penchonsnous plutôt sur les processus neurophysiologiques en cours dans son cerveau en compagnie de l’équipe « Mémoire et navigation spatiale » du Laboratoire de physiologie de la perception et de l’action (LPPA) 1. Celle-ci a publié deux articles dans Nature Neuroscience, mis en ligne les 31 mai et 13 septembre, qui aident à mieux comprendre les mécanismes de la mémorisation durant le sommeil. D’après l’hypothèse la plus acceptée, pendant le sommeil, il s’établit entre deux structures du cerveau, l’hippocampe et le cortex, un dialogue qui permet la mémorisation à long terme des informations dans le cortex. Cependant, ce dialogue n’avait jamais été véritablement démontré. Pour y parvenir, les chercheurs ont implanté dans le cerveau de rats des électrodes permettant d’observer l’activité des neurones. Les rongeurs, placés dans un labyrinthe ont alors dû apprendre une tâche spécifique, par exemple, tourner recherches. Augmenter la résistance du béton, c’est réduire le volume nécessaire de matériau pour construire un bâtiment. La cimenterie produisant à elle seule 5% à 10% des émissions de CO 2 industrielle, la lutte contre le réchauffement climatique passe donc par une amélioration de la tenue du ciment. C’est l’un des buts à long terme que se sont fixés les chercheurs. Xavier Müller 1. Laboratoire CNRS/Universités Aix- Marseille-II et -III. CONTACT ➔ Roland Pellenq Centre interdisciplinaire de nanoscience de Marseille pellenq@cinam.univ-mrs.fr à droite à chaque intersection. Une fois le jeu compris, ils ont été autorisés à dormir. Les chercheurs ont alors pu comparer l’activité des neurones pendant la veille comme le sommeil. « Lorsque le rat effectue sa tâche, il se forme des assemblées de neurones qui s’activent simultanément dans le cortex et l’hippocampe. Puis, pendant le sommeil, on observe que les mêmes schémas d’activité se reproduisent », explique Adrien Peyrache, chercheur au LPPA. Autrement dit, le rat rêve du labyrinthe : le cortex et l’hippocampe rejouent de concert les évènements que le rat vient de vivre. Ce qui permettrait l’assimilation de nouvelles connaissances. Après une bonne période de sommeil, ce rat se souviendra peut-être de la branche de l’étoile où se trouve la nourriture. Mais il y a plus : « Nous nous sommes aperçus que l’activité neuronale durant le sommeil correspond à celle des moments où, lorsqu’il était éveillé, le rat avait compris sa tâche. C’est-à-dire que le cerveau ne rejoue que les épisodes où le comportement du rat a été le plus efficace ! » Et c’est ainsi qu’il retient prioritairement ce qui lui sera utile. L’autre volet de ces recherches concerne le rôle de l’hippocampe dans ce dialogue avec le cortex. Le jeu observé entre le cortex et l’hippocampe a lieu spécifiquement lorsque ce dernier émet des oscillations électriques très rapides appelées ripples. « L’hypothèse la plus répandue postule que les ripples permettent la consolidation de la mémoire pendant le sommeil, probablement en établissant des transferts d’informations vers le cortex », explique Gabrielle Girardeau, neurobiologiste du LPPA. C’est cette hypothèse que les chercheurs ont voulu tester. Pour cela, ils ont placé les rats dans une enceinte en forme d’étoile à huit branches. Au bout de trois de ces branches, toujours les mêmes, une friandise. Les rats ont alors été invités à explorer l’étoile pour trouver la récompense, puis on les a laissés s’endormir. VIEDESLABOS 11 Pendant leur sommeil, les chercheurs ont envoyé à l’aide d’électrodes, de très faibles pulsations électriques vers leur hippocampe. Celles-ci ne réveillaient même pas le rongeur et ne perturbaient pas les autres parties du cerveau. En revanche, elles bloquaient spécifiquement les ripples. Résultat ? Durant les 15 jours d’expérience, ces rats ont montré des difficultés pour mémoriser les branches primées de l’étoile, contrairement aux rats témoins, très performants à ce jeu. Les ripples jouent donc bien un rôle fondamental dans la consolidation de la mémoire, probablement en faisant passer les informations vers le cortex. Voilà de quoi changer notre vision du sommeil… Une petite sieste pour assimiler tout ça ? Sebastián Escalón 1. Unité CNRS/Collège de France. 2. Littéralement ripple signifie oscillation. CONTACTS Laboratoire de physiologie de la perception et de l’action, Paris ➔ Gabrielle Girardeau gabrielle.girardeau@college-de-france.fr ➔ Adrien Peyrache adrien.peyrache@college-de-france.fr Le journal du CNRS n°239 décembre 2009 © G. Girardeau



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