10 © Illustrations : R.Boistel VIEDESLABOS Actualités Modèle 3D du squelette du lézard africain Holaspis guentheri réalisé grâce au synchrotron de l’ESRF de Grenoble. ÉVOLUTION Ça plane pour le lézard Pas d’écailles en forme de volets, pas de larges membranes à offrir en résistance à l’air. Et pourtant il plane ! Comment, sans ces attributs morphologiques dont jouissent certains de ses cousins volants, le petit lézard africain Holaspis guentheri fait-il pour ralentir sa chute ? Une collaboration européenne vient de percer ce mystère. « Tout d’abord, une équipe de l’université d’Anvers a analysé les performances du lézard africain car elles n’avaient été mentionnées que brièvement dans des publications à la fin des années 1950 », explique Renaud Boistel, du laboratoire « Mécanis- Le journal du CNRS n°239 décembre 2009 MODÉLISATION Une simulation en béton De si fines côtes et de nombreux trous repartis partout, dont un grand dans le crâne, montrent que le squelette de Holaspis est particulièrement léger. mes adaptatifs : des organismes aux communautés » 1. Résultat de l’expérience belge : s’élançant d’une hauteur de 2 mètres, notre lézard réduit en effet sa vitesse de descente et parcourt une distance de 80 centimètres. Une sorte d’effet parachute lui permet ainsi d’infléchir sa trajectoire au lieu de tomber à la quasi-verticale comme une pierre. Le lézard des murailles, spécimen bien connu de nos contrées et lui aussi dépourvu de tout aileron, parvient également à le faire mais ne parcourt, lui, que 50 centimètres. « Le lézard africain aplatit fortement son corps, il offre donc une surface portante plus grande. Mais cela ne suffit pas à expliquer sa performance par rapport au lézard des murailles », reprend le chercheur français, appelé à la rescousse dans cette étude. Sa mission : chercher l’explication à l’intérieur du lézard, ou plutôt dans son squelette, fortement soupçonné d’une légèreté hors norme. Grâce à la technologie synchrotron de l’ESRF 2 de Grenoble, il réalise donc des images en rayons X de différents types de lézards et en particulier des deux espèces citées plus haut. Dans la multitude de vues en coupe obtenues, il distingue tissus mous et tissus osseux avant de les La matière la plus fabriquée par l’homme se met enfin à nu. On savait que le ciment, une fois mélangé à l’eau et solidifié, n’était ni ordonné comme un cristal ni déstructuré comme le verre, mais organisé en « grains » de quelques nanomètres de diamètre. En revanche, la structure exacte des grains résistait aux investigations des chercheurs. Grâce à une simulation numérique inédite, une équipe internationale associant des chercheurs du Centre interdisciplinaire de nanoscience de Marseille (Cinam) 1 et de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) vient de lever le mystère : chaque grain est un empilement de feuillets à l’intérieur desquels les atomes sont disposés de manière désordonnée. C’est ce mélange d’ordre et de désordre qui confère sa solidité au matériau. Les chercheurs ont procédé de proche en proche pour aboutir à cette structure microscopique. Ils sont partis de la structure atomique de la tobermorite, un minéral naturel de composition relativement similaire à celle du ciment solidifié (oxyde de calcium, silice et molécules d’eau), mais possédant, lui, un ordre cristallin. Ils ont ensuite manipulé cette structure en introduisant des lacunes (des trous dans l’agencement atomique) et en simulant l’impact de la prise d’eau, c’est-à-dire le durcissement du ciment après l’ajout d’eau, sur son architecture atomique. Et ce jusqu’à obtenir une structure crédible pour le ciment, qui est en fait en conformité avec les données expérimentales connues (obtenues par diffraction aux rayonsX, spectroscopie infrarouge, tests de dureté…). À chaque étape, le nouvel état de la structure était déterminé par une simulation numérique, véritable clé de voûte du travail. Premier modèle numérique précis du ciment, la simulation développée par les chercheurs est le point de départ de futures améliorations des propriétés du ciment. Par exemple, « nous regardons actuellement s’il y a moyen, en intégrant des atomes d’aluminium ou d’autres éléments, d’augmenter la résistance du ciment ou à l’inverse, dans le contexte du stockage assembler en un modèle 3D du squelette complet. L’analyse morphométrique (mesure de longueurs, de volumes, etc.) est en cours. Quoi qu’il en soit, chez Holaspis, la finesse des os et les nombreux foramens (trous), notamment dans le crâne, ne laissent d’ores et déjà aucun doute : « Si on ramène les deux lézards à des dimensions identiques, donc à des surfaces portantes identiques, Holaspis présente clairement un poids plus faible que le lézard des murailles », conclut Renaud Boistel. Ces résultats, publiés en septembre dans The Journal of Experimental Biology, livrent donc la clé d’une vieille énigme. Ils apportent aussi des données nouvelles pour la connaissance de ces espèces, notamment pour l’étude de leur évolution. Charline Zeitoun 1. Unité CNRS/Muséum national d’histoire naturelle. 2. European Synchrotron Radiation Facility. CONTACT ➔ Renaud Boistel Mécanismes adaptatifs: des organismes aux communautés, Paris boistel@mnhn.fr Les grains de ciment solidifié sont un mille-feuille de couches de molécules d’eau (en bleu et blanc), d’ions calcium (en gris et vert) et d’atomes de silicium et d’oxygène (en rouge et orange). sous-terrain des déchets nucléaires, si la présence d’un élément tel le chlore affaiblirait les propriétés mécaniques des fûts de stockage en béton, mélange de granulats et de ciment », décrit Roland Pellenq du Cinam. Le béton « vert » est également l’enjeu de ces © R. Pellenq |