© B. Rajau/CNRS Photothèque/LPS 6 VIEDESLABOS Reportage MATIÈRE CONDENSÉE Les électrons, c’est du solide Le Laboratoire de physique des solides 1 fête ce mois-ci son 50 e anniversaire. Mais ici, pas de crise de la cinquantaine : à côté d’expériences fascinantes, les découvertes de taille s’enchaînent toujours, notamment en ce qui concerne les intrigantes propriétés électroniques de la matière... Deux ordinateurs. À gauche, une armoire pleine d’écrans et de boutons de contrôle. Des tuyaux, des câbles électriques qui courent du sol au plafond. Sur le côté, un petit établi où traînent quelques outils, un fer à souder. Et derrière la vitre qui sépare la salle de commande de l’expérience, l’une des dernières acquisitions du Laboratoire de physique des solides (LPS), à Orsay : un aimant surpuissant de 14teslas 2 à vous arracher vos clés de la poche. Aimant dont les chercheurs attendent des merveilles pour révéler d’inédites propriétés quantiques de la matière, dans des expériences de résonance magnétique nucléaire (RMN), une technique visant à déterminer les propriétés de chaque électron d’un échantillon. « Nous avons terminé l’aménagement de cette nouvelle pièce de manip il y a deux mois », précise Julien Bobroff, expérimentateur au laboratoire. Et de poursuivre : « cryostat, spectromètre, logiciels informatiques… à l’exception de l’aimant, tout est fait maison. Et grâce à un contrôle à distance, l’expérience tourne 24 heures sur 24 ! » Comme l’explique Jean-Paul Pouget, directeur du laboratoire, « le développement d’une instrumentation originale est l’une de nos marques de fabrique. À laquelle s’ajoute la volonté de prendre en compte tous les aspects de la physique des solides, depuis l’étude de leur structure à celle de leurs propriétés électroniques, le tout à travers un fort couplage entre théorie et expérience. » Cet esprit, le LPS le cultive depuis sa création, il y a tout juste 50 ans. Le journal du CNRS n°238 novembre 2009 Et il a fait ses preuves, puisque le laboratoire peut s’enorgueillir d’avoir abrité sous son toit deux des quatre derniers prix Nobel de physique français : Pierre-Gilles de Gennes en 1991, et Albert Fert, en 2007. À cette évocation, Jean-Paul Pouget sourit. Mais préfère focaliser la discussion sur le présent du LPS. AIMANTER OU CONDUIRE, PLUS BESOIN DE CHOISIR De l’électronique aux nanotechnologies en passant par la biologie, la physique du solide se porte à merveille. Le renouveau de la physique des électrons dans les matériaux en est la parfaite illustration. Confortablement installé dans la cafétéria du LPS, connue des physiciens français pour avoir été financée par deux importants prix scientifiques obtenus en 1966 par Raimond Casting et, en 1967, par André Guinier, Jacques Friedel et Pierre-Gilles de Gennes, Julien Bobroff explique : « La thématique générale est l’étude de matériaux de synthèse, dans lesquels les électrons, parce qu’ils sont contraints dans une ou deux dimensions, et donc se gênent les uns les autres, ont du mal à se déplacer. Naïvement, ces matériaux devraient être de mauvais conducteurs de l’électricité et ne pas être intéressants. Or paradoxalement, c’est dans ces matériaux que l’on a observé, ces dernières années, les propriétés les plus étonnantes. » Archétype de ces nouveaux états de la matière dont le LPS s’est fait une spécialité : la supraconductivité à haute température critique, observée dans des matériaux composés d’un millefeuille d’oxyde de cuivre (cuprates) ou plus récemment de fer (pnictide), et d’autres éléments. Un nom barbare derrière lequel se cache l’un des plus grands mystères de la physique actuelle. Dans les métaux, la supraconductivité est bien connue des physiciens. Elle survient lorsque la température avoisine le zéro absolu (– 273,15 °C), et se manifeste par une disparition de la résistance au passage d’un courant électrique. Les physiciens savent depuis les années 1960 qu’elle est le fruit de l’interaction entre les électrons et les vibrations de la matrice cristalline où elle circule. © B. Rajau/CNRS Photothèque/LPS Pour révéler les propriétés quantiques des supraconducteurs, les physiciens du LPS réalisent des expériences à très basse température. Grâce à leur nouvel aimant, les chercheurs vont étudier avec une précision inégalée les propriétés électroniques de différents matériaux. |