CNRS Le Journal n°238 novembre 2009
CNRS Le Journal n°238 novembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°238 de novembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3 Mo

  • Dans ce numéro : Cancer, la recherche durcit le combat

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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30 10 ZOOM 10 Lorsque des coulées de lave s’échouent dans la mer, il ne finit par rester que les croûtes, qui forment une succession d’arches volcaniques. 11 Les scientifiques observent une coulée de lave très récente. Elle n’a que quelques mois et témoigne de l’activité volcanique permanente de l’archipel. 12 La paruline jaune est, avec les fameux pinsons de Darwin, une des espèces d'oiseaux non marins des Galápagos. 13 Les fous à pattes bleues sont une autre espèce emblématique des Galápagos. La couleur varie légèrement d’un individu à l’autre. 14 Darwin a rejeté à plusieurs reprises un iguane marin au large. À chaque fois, il revenait sur la côte. Darwin émit l’hypothèse que les iguanes marins étaient d’origine terrestre. 11 14 > autour du monde. Issu du milieu conservateur de la bourgeoisie victorienne et anglicane, Darwin est alors encore créationniste et fixiste : il est persuadé que les êtres vivants ont été créés par Dieu et qu’ils n’évoluent pas. Mais au fil de ses observations minutieuses de la faune et de la flore, il va commencer à avoir des doutes. En 1835, son séjour de cinq semaines aux îles Galápagos, à l’époque appelées les îles enchantées, ne fera que les renforcer. « On le comprend ! Les îles Galápagos constituent un véritable laboratoire évolutif, témoigne Sébastien Steyer. On sait aujourd’hui que tous les êtres vivants qui sont arrivés sur ces îles, notamment grâce à une convergence exceptionnelle de courants marins, se sont adaptés à l’île sur laquelle ils ont atterri. Les quinze îles principales ne sont pas connectées entre elles et toutes sont différentes. Du coup, on y croise un grand nombre de formes diverses au sein d’une même espèce. Prenons l’exemple du pinson endémique de l’archipel : on rencontre pratiquement autant de formes de bec qu’il y a d’îles. Darwin a forcément fait le lien entre cet oiseau, avec son type de bec donné, et le type de végétation disponible sur l’île où il vit. Cela a dû contribuer à renforcer ses soupçons sur le créationnisme. » L’équipe est bien sûr allée à la rencontre d’une autre espèce endémique des îles enchantées : l’iguane marin, ce lézard de couleur noire cendrée, au faciès couvert d’écailles et au corps surmonté d’une longue crête, que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde. À l’observer, les scientifiques 12 13 ont noté, comme Darwin auparavant, sa grande similitude avec son cousin l’iguane terrestre, que l’on rencontre sur certaines îles. « Comme lui, l’iguane marin se nourrit, en plus des algues, de Sesuvium, une plante terrestre qui pousse au bord de la lagune, explique le paléontologue. Il passe également beaucoup de temps sur terre, à se réchauffer sur les rochers noirs. » Autre espèce emblématique des Galápagos : les tortues géantes. Les chercheurs les ont observées en milieu protégé, au centre Charles Darwin de biologie de la conservation. Mais cette visite avait surtout pour but le rapprochement de ce centre très actif avec la Ferme aux crocodiles et le CNRS. Un rapprochement fructueux : le centre équatorien vient d’offrir à la Ferme huit jeunes tortues qui partagent aujourd’hui la vedette avec 350 spécimens de crocodiles. De retour, Sébastien Steyer a déjà plusieurs projets en tête : d’abord la publication de son carnet de voyage 4. Et puis, si possible, une nouvelle expédition en collaboration avec la Ferme aux crocodiles. Cette fois, pour suivre les traces de Bougainville… Ulysse Fudour 1. Laboratoire CNRS/MNHN/Université Paris-VI. 2. Avec l’association « SOS Crocodiles ». 3. Spécialiste des reptiles et des amphibiens. 4. Sébastien Steyer est également auteur de La Terre avant les dinosaures, illustrations Alain Bénéteau, Éditions Belin, coll. « Bibliothèque scientifique », 2009, 208 p. ➔ En ligne : Dossier Sagascience : « Darwin. Le voyage d’un naturaliste autour du monde » http:Ilwww.cnrs.fr/cw/dossiers/dosdarwin/darwin.html et www.cnrs.fr/darwin CONTACT ➔ Sébastien Steyer Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements, Paris steyer@mnhn.fr © Photos : Agence Marque Déposée
Colomban de Vargas Biologiste L’appel de la mer On dit souvent que les biologistes ressemblent à leur objet d’étude, plaisante Colomban de Vargas. C’est vrai : j’ai une vie de plancton ! » Comme ces organismes en suspension, le chercheur du laboratoire « Adaptation et diversité en milieu marin 1 », à Roscoff, sillonne les mers. Hier, il naviguait dans un fjord de Norvège. Aujourd’hui, il se hâte sur le port de Roscoff, non loin de son bureau de la station biologique. Demain, il mettra le pied sur le voilier Tara, en escale à Barcelone avant de reprendre l’expédition de trois ans dans laquelle le CNRS est très impliqué, et dont le biologiste de 38 ans est l’un des coordinateurs 2. Colomban de Vargas n’a pas toujours eu les pieds dans l’eau. Né à Paris, cet « enfant des montagnes » grandit et étudie en Suisse. Il vit aussi au Tchad, loin des côtes... La mer, il la découvre dans les émissions du commandant Cousteau, les seules qu’il est autorisé à regarder. Et il s’y plonge pour la première fois à sept ans, lors de vacances en Bretagne. Submergé d’émotions. En master d’océanographie biologique, il parcourt les atolls des Tuamotu, dans le Pacifique. De retour à Genève, il commence une thèse sur les protistes, organismes unicellulaires et eucaryotes (avec un noyau) particulièrement importants dans le plancton. Ce cinquième élément du vivant reste méconnu, bien moins étudié que les plantes, les animaux, les bactéries et les virus. Pour Colomban, ce sont des objets de recherche idéaux. Assez nombreux et variés pour satisfaire son inextinguible besoin « d’aller vers l’inconnu. Et le moyen de quitter les montagnes ! » Le Franco-Suisse au prénom irlandais, au nom espagnol et dont le père est né en Chine, effectue ainsi, en 1997, son premier périple scientifique, d’Angleterre aux Falkland. Armé d’une loupe et d’un filet à plancton. Ce qui le passionne ? « L’interface entre organismes et environnement, les liens entre l’évolution de la vie et celle, physicochimique, de notre planète. » Làencore, les protistes le comblent : ils utilisent leur membrane pour intégrer des éléments (chimiques, de la matière organique ou même des « Les protistes sont la plus belle archive fossile du vivant et de ses relations avec les climats. proies), les transformer et les utiliser pour bâtir des structures en calcaire, en verre… Colomban de Vargas, en bon biologiste, leur ressemble, un peu : il apprécie l’échange. En témoigne la façon dont il évoque ses rencontres avec certains professeurs et son désir de transmettre le savoir. Comme à la Rutgers University, où il a enseigné après son postdoctorat à Harvard (États-Unis). Les protistes étanchent aussi sa soif d’interdisciplinarité. En particulier en géologie et paléontologie : les protistes morts qui s’accumulent depuis un milliard d’années « nous renseignent sur l’évolution de la Terre, dit Colomban, l’œil pétillant. De ce que leur squelette a absorbé, on peut déduire leur époque et leur environnement. Ils sont la plus belle archive fossile du vivant et de ses relations avec les climats. » Pour ce petit-fils de diplômés des Beaux-Arts, « un des rares scientifiques de la famille », un autre domaine compte : l’art. Utile en biologie car il fait appel à « l’intuition » et à « l’introspection », l’art permet aussi de décrire les protistes, « aux formes inimaginables ! Agnès B, mécène de l’expédition Tara, les trouve pas mal du tout… » L’inventeur du mot protiste, Ernst Haeckel, louait déjà leur beauté. Mais « pour lui, c’était de la poussière philosophique, une fantaisie de l’évolution sans rôle particulier. Il se trompait. » Et pour cause. Selon de récents travaux de Colomban de Vargas et son équipe, la sexualité pourrait trouver son origine dans la manière dont le protiste Emiliana huxleyi change radicalement de corps pour échapper à un virus 3. Les protistes océaniques représentent aussi « un élément majeur de la biodiversité et de l’écologie globale » en pro- RENCONTREAVEC 31 » duisant énormément d’oxygène et en emportant au fond de l’eau une partie du carbone atmosphérique absorbé par les mers. L’expédition Tara Océans, partie en septembre, permettra de bien mieux les connaître. Colomban de Vargas, à bord du navire de Lorient, la ville du départ, à Lisbonne, embarquera à nouveau en Méditerranée et dans les océans Indien, Atlantique, Pacifique. Après la récolte du plancton, sa jeune équipe (qu’il dirige depuis son entrée au CNRS en 2006) emploiera des méthodes nouvelles de séquençage génétique massif et de microscopie à haut débit. Les chercheurs espèrent mieux comprendre structure et dynamique du plancton, découvrir et recenser les protistes, décrypter leur composition, analyser leur capacité d’adaptation à des océans plus ou moins acides, et l’impact de ces adaptations sur le climat. Crucial à un moment où acidification des mers liée à l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère et changement climatique inquiètent. Mathieu Hautemulle ➔ Pour en savoir plus : http:Iloceans.taraexpeditions.org/ ? id_page=1 http:Ilwww2.cnrs.fr/presse/communique/1644.htm 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-VI. 2. Lire Le Journal du CNRS n°234-235. 3. Lire Le Journal du CNRS n°227. CONTACT ➔ Colomban de Vargas Laboratoire « Adaptation et diversité en milieu marin », Roscoff vargas@sb-roscoff.fr Le journal du CNRS n°238 novembre 2009 ©C. Lebedinsky/CNRS Photothèque



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