CNRS Le Journal n°238 novembre 2009
CNRS Le Journal n°238 novembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°238 de novembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3 Mo

  • Dans ce numéro : Cancer, la recherche durcit le combat

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 26 - 27  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
26 27
26 > L’ENQUÊTE OBJECTIF SÉQUENÇAGE En 2008, onze pays (Canada, États-Unis, Australie, Allemagne, France, Grande- Bretagne, Espagne, Japon, Inde, Chine et Singapour) ont donné naissance au Consortium international sur le génome des cancers (ICGC). L’objectif ? Mieux comprendre les altérations génétiques subies par les cellules tumorales. Une liste de 50 cancers répandus ou présentant un intérêt clinique a été dressée. Le consortium s’est engagé à réaliser le séquençage de ces types tumoraux. Comprendre en quoi le matériel génétique d’une cellule tumorale diffère de celui d’une cellule saine devrait fournir des pistes pour élaborer de nouveaux outils de diagnostics, ainsi que des voies thérapeutiques inédites. En France, une douzaine de centres hospitaliers et de laboratoires –impliquant des chercheurs du CNRS– participent au projet. Les résultats devraient être publiés dans cinq ou six ans.X. M. tégie qu’Ara Hovanessian a mise en œuvre avec succès, avec l’aide de deux autres équipes du CNRS 5, sur des souris greffées avec des tumeurs humaines. Les chercheurs ont d’abord conçu et synthétisé des molécules capables de se lier aux nucléolines et de les rendre non fonctionnelles, puis les ont administrées aux rongeurs : l’avancée du cancer a été stoppée net dans les régions cancéreuses. Mieux, dans le cas de cellules leucémiques, les molécules ont entraîné la mort pure et simple des tumeurs (générant une mort programmée similaire à l’apoptose) ! Cerise sur le gâteau : non toxiques, ces molécules baptisées HB-19 n’ont entraîné aucun effet secondaire. La société ImmuPharma 6 devrait lancer des essais cliniques courant 2010 afin de tester l’efficacité de ces substances chez l’humain. DÉCUPLER L’EFFET DES MÉDICAMENTS Luis Mir, biologiste au CNRS, au sein de l’unité « Vectorologie et transfert de gènes 7 » à Villejuif, est l’inventeur d’une autre méthode de chimiothérapie ciblant spécifiquement les tumeurs : l’électrochimiothérapie. Déjà utilisée en routine dans certains hôpitaux, l’électrochimiothérapie exploite les propriétés électriques des membranes cellulaires. En appliquant un champ électrique sur une cellule, on écarte les mailles de sa membrane, favorisant ainsi la pénétration des substances médicamenteuses dissoutes dans le liquide extracellulaire. Le journal du CNRS n°238 novembre 2009 L’effet est spectaculaire. Luis Mir a démontré qu’en approchant une électrode d’une tumeur, l’efficacité d’un médicament anticancéreux classique (la bléomycine) pouvait être multiplié par mille ! Lors d’essais cliniques à l’Institut Gustave- Roussy puis dans d’autres centres européens, l’électrochimiothérapie a fait régresser totalement près de 75% des tumeurs traitées en une seule séance. Démultipliant l’effet des substances actives, la technique garantit un effet thérapeutique même avec de faibles concentrations médicamenteuses. Elle réduit donc les risques de dégâts collatéraux de la chimiothérapie. De fait, les essais cliniques ont été menés sans effets secondaires pour les malades. Environ une quarantaine de centres de traitement du cancer en Europe emploient aujourd’hui l’électrochimiothérapie. Pour l’instant, en raison de la nécessité d’approcher l’électrode des tumeurs, « la méthode est réservée au traitement de tumeurs superficielles et accessibles (les métastases cutanées et sous-cutanées), confie Lluis Mir. Mais la recherche technologique et clinique est portée sur le développement d’électrodes plus sophistiquées permettant d’atteindre des tumeurs profondes. » Autre méthode, la photochimiothérapie qui utilise cette fois la lumière pour cibler les cellules tumorales. La technique fonctionne sur ce principe : on vient activer par des rayons lumineux une substance médicamenteuse inoculée dans la zone cancéreuse, qui d’inoffensive devient toxique. La substance n’est pas ingérée comme en chimiothérapie standard, mais appliquée dans la région tumorale sous forme liquide ou de pommade. Utilisant la lumière, cette méthode a pour terrain d’élection le traitement des cancers externes, en dermatologie. Mais l’emploi de fibres optiques endoscopiques permet également d’acheminer le faisceau lumineux dans un organe interne. « Son usage pour le traitement du cholangiocarcinome (cancer des voies biliaires) augmente la durée de survie de plus d’un an, tout en améliorant le confort des malades », assure Marie-Ange d’Hallewin, chercheuse au Centre de recherche en automatique de Nancy (Cran) 8. Si Les molécules nommées Dbait (en rouge) donnent l’illusion aux cellules (en bleu) que leur matériel génétique est détérioré. Les molécules leurrées (en vert) se suicident alors par apoptose. Utilisé conjointement avec la radiothérapie, ce mécanisme pourrait doubler l’efficacité des rayons ionisants. la photochimiothérapie est d’emploi facile en dermatologie puisqu’une lampe à ultraviolets suffit, en revanche, le coût du laser et une certaine complexité dans la dosimétrie limitent encore la technique, pour les opérations endoscopiques, à quelques centres hospitaliers. Ce qui n’empêche pas le Cran de continuer à défricher cette voie d’avenir. Ses chercheurs ont notamment démontré qu’après une chirurgie de la vessie par endoscopie, une session de photochimiothérapie était bénéfique. Elle limite en effet le développement de cellules tumorales libérées lors de l’opération et réduit ainsi le risque de récidive. DES LEURRES POUR CELLULES Parallèlement aux recherches sur la chimiothérapie, les méthodes physiques de destruction de cellule font l’objet de recherches. En ligne de mire notamment : la radiothérapie, qui soigne par irradiation de rayonsX, une technique très utilisée, efficace mais encore perfectible. Une séance de radiothérapie ne détruit en effet seulement que 30 à 50 pour cent des cellules cancéreuses. Un manque de réussite qui allonge la durée du traitement et donc amplifie les effets secondaires. Comment rendre la radiothérapie plus efficace ? Grâce à l’emploi de molécules leurres, propose l’équipe de Marie Dutreix, de l’unité « Génotoxicologie et cycle cellulaire 9 ». Testées sur des animaux, ces molécules ont hissé le rendement de la radiothérapie jusqu’à des valeurs comprises entre 75 et 100 pour cent ! Mais comment des molécules peuvent-elles agir de concert avec les rayonnements de la radiothérapie ? Les molécules leurres, ou Dbait dans le jargon des biologistes, sont en fait des fragments d’ADN recréés artificiellement. Une fois injectées dans une cellule tumorale, elles donnent l’illusion à celle-ci que son matériel génétique est en train d’être endommagé. La cellule enclenche alors des mécanismes de réparation, mécanismes qui sont ensuite à nouveau sollicités lorsqu’entre en jeu la radiothérapie dont la fonction est de casser les brins d’ADN avec les rayonsX. Au final, la cellule se croit être la cible d’une attaque généralisée et s’autodétruit via le suicide cellulaire, l’apoptose. Les molécules Dbait seront testées pour les examens précliniques réglementaires au début de l’année 2010 et les premiers essais cliniques associant radiothérapie et Dbait devraient débuter en fin d’année 2010 sur des patients atteints de métastases locales cutanées. Bonne nouvelle: « Nous avons recherché en vain des tumeurs qui présenteraient une résistance à ce traitement combiné : Tumeur non traitée Tumeur traitée par Dbait © M.Dutreix
© H. Raguet/BSIP à ce jour toutes les tumeurs greffées sur des souris et sur lesquelles nous l’avons testé répondent au double traitement », révèle Marie Dutreix. Autre point d’amélioration de la radiothérapie, la précision. En effet, les fougueux rayons X ne s’arrêtent pas au niveau de la tumeur, mais continuent de cheminer et s’en vont détruire des cellules saines aux alentours. Pour soigner les tumeurs sensibles, comme celles des yeux ou du cerveau, biologistes et physiciens ont mis au point une technique alternative : la protonthérapie. Sur le papier, la technique est idéale : elle consiste à remplacer les rayons X par un flux de protons. Côté précision, les médecins passent du tromblon au fusil à lunettes. En outre, les faisceaux de protons déposent leur énergie principalement en fin de course et n’abiment donc pas les tissus traversés. Seul hic : la fabrication d’un flux de protons demande l’installation d’un coûteux et encombrant accélérateur de particules dans l’hôpital. D’où l’existence aujourd’hui de seulement quatre centres de protonthérapie en France, dont un en construction à Lyon. La méthode explorée par Julien Fuchs et ses collègues du Laboratoire pour l’utilisation des lasers intenses (Luli) 10, pourrait permettre de démocratiser la protonthérapie. Elle repose sur un phénomène découvert en 2000 : en traversant une très fine feuille de métal, une impulsion laser brève et intense arrache des protons de la face arrière du métal. En focalisant les protons créés, on parviendrait à construire une usine à protons de taille modeste. Il faudra toutefois être patient avant de croiser dans un hôpital un appareil basé sur ce principe. « Les lasers à haut taux de répétition et forte puissance sont encore à un stade de balbutiement, explique Julien Fuchs. Nous avons comme projet de réaliser un laser d’énergie de quelques dizaines de joules. C’est un premier stade, mais ce sera sans doute encore insuffisant pour les applications en protonthérapie. » Devant l’ensemble des avancées fondamentales ou techniques dans le traitement du cancer qui se profilent, une chose est sûre : l’arsenal thérapeutique du médecin oncologue va considérablement s’étoffer dans la prochaine décennie. Xavier Müller 1. Unité CNRS/École supérieure de physique chimie industrielle de Paris, Universités Paris-VI et -VII. 2. Les ondes de cisaillement correspondent à des vibrations des tissus perpendiculaires et non parallèles à la direction de propagation. 3. Lire Le Journal du CNRS n°226, « De bonnes ondes pour l’imagerie médicale ». 4. Unité CNRS/Institut Curie. 5. Celles de Jean-Paul Briand au laboratoire Immunologie et chimie thérapeutiques du CNRS et José Courty au Laboratoire de recherche sur la croissance cellulaire, la réparation et la régénération tissulaire (Unité CNRS/Université Paris-XII). 6. Lire Le Journal du CNRS n°236, « Soigner grâce aux peptides ». 7. Unité CNRS/Université Paris-XI/Institut Gustave- Roussy. 8. Unité CNRS/INPL/Nancy-université. 9. Unité CNRS/Institut Curie. 10. Unité CEA/Université Paris-VI/École polytechnique. CONTACTS ➔ Ara Hovanessian, ara.hovanessian@ext.parisdescartes.fr ➔ Luis Mir, luismir@igr.fr ➔ Mathias Fink, mathias.fink@espci.fr ➔ Marie-Ange d’Hallewin,m.dhallewin@nancy.fnclcc.fr ➔ Marie Dutreix, marie.dutreix@curie.u-psud.fr ➔ Julien Fuchs, julien.fuchs@polytechnique.fr L’ENQUÊTE 27 Lors d’une protonthérapie, les cellules tumorales (en rose) sont détruites par un flux de protons (en rouge) avec une précision extrême et sans dégât pour l’environnement cellulaire. Patient traité par protonthérapie. Il faut aujourd’hui d’imposants synchrotrons pour obtenir un flux de protons. Une technique moins coûteuse basée sur des lasers est en cours de développement. POUR EN SAVOIR PLUS À LIRE > Se mobiliser pour la santé. Des associations de patients témoignent, Madeleine Akrich, Cécile Meadel et Vololona Rabeharisoa, éd. Presses des Mines, coll. « Sciences sociales », 2009. > Les origines du cancer, Louise Harel, éd. Puf, coll. « Que sais-je ? », 2008. > La santé est dans votre assiette, Annie Hubert, éd. Erès, coll. « Même pas vrai », 2007. > Peut-on vaincre le cancer ?, Laurent Degos, éd. Le Pommier, 2004. > Quelle médecine voulons-nous ?, Isabelle Baszanger, Martine Bungener, Anne Paillet, éd. La Dispute, 2002. > Le cancer, Jacques Rouëssé, éd. Le Cavalier Bleu,coll. « Idées reçues » 2001. À VOIR > Cellules et prolifération cellulaire (2008, 27 min) de Antoine Spire et Didier Deleskiewicz, produit par CNRS Images. http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.php ? urlaction=doc& id_doc=1947 > Guérir en nanos (2007, 15 min) de Marcel Dalaize, produit par CNRS Images. http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.php ? urlaction=doc& id_doc=1833&rang=2 Contact : Véronique Goret, CNRS Images – Vidéothèque, Tél. : 01 45 07 59 69 – videotheque.vente@cnrs-bellevue.fr Le journal du CNRS n°238 novembre 2009 © National Cancer Institute/SPL



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :