26 > L’ENQUÊTE OBJECTIF SÉQUENÇAGE En 2008, onze pays (Canada, États-Unis, Australie, Allemagne, France, Grande- Bretagne, Espagne, Japon, Inde, Chine et Singapour) ont donné naissance au Consortium international sur le génome des cancers (ICGC). L’objectif ? Mieux comprendre les altérations génétiques subies par les cellules tumorales. Une liste de 50 cancers répandus ou présentant un intérêt clinique a été dressée. Le consortium s’est engagé à réaliser le séquençage de ces types tumoraux. Comprendre en quoi le matériel génétique d’une cellule tumorale diffère de celui d’une cellule saine devrait fournir des pistes pour élaborer de nouveaux outils de diagnostics, ainsi que des voies thérapeutiques inédites. En France, une douzaine de centres hospitaliers et de laboratoires –impliquant des chercheurs du CNRS– participent au projet. Les résultats devraient être publiés dans cinq ou six ans.X. M. tégie qu’Ara Hovanessian a mise en œuvre avec succès, avec l’aide de deux autres équipes du CNRS 5, sur des souris greffées avec des tumeurs humaines. Les chercheurs ont d’abord conçu et synthétisé des molécules capables de se lier aux nucléolines et de les rendre non fonctionnelles, puis les ont administrées aux rongeurs : l’avancée du cancer a été stoppée net dans les régions cancéreuses. Mieux, dans le cas de cellules leucémiques, les molécules ont entraîné la mort pure et simple des tumeurs (générant une mort programmée similaire à l’apoptose) ! Cerise sur le gâteau : non toxiques, ces molécules baptisées HB-19 n’ont entraîné aucun effet secondaire. La société ImmuPharma 6 devrait lancer des essais cliniques courant 2010 afin de tester l’efficacité de ces substances chez l’humain. DÉCUPLER L’EFFET DES MÉDICAMENTS Luis Mir, biologiste au CNRS, au sein de l’unité « Vectorologie et transfert de gènes 7 » à Villejuif, est l’inventeur d’une autre méthode de chimiothérapie ciblant spécifiquement les tumeurs : l’électrochimiothérapie. Déjà utilisée en routine dans certains hôpitaux, l’électrochimiothérapie exploite les propriétés électriques des membranes cellulaires. En appliquant un champ électrique sur une cellule, on écarte les mailles de sa membrane, favorisant ainsi la pénétration des substances médicamenteuses dissoutes dans le liquide extracellulaire. Le journal du CNRS n°238 novembre 2009 L’effet est spectaculaire. Luis Mir a démontré qu’en approchant une électrode d’une tumeur, l’efficacité d’un médicament anticancéreux classique (la bléomycine) pouvait être multiplié par mille ! Lors d’essais cliniques à l’Institut Gustave- Roussy puis dans d’autres centres européens, l’électrochimiothérapie a fait régresser totalement près de 75% des tumeurs traitées en une seule séance. Démultipliant l’effet des substances actives, la technique garantit un effet thérapeutique même avec de faibles concentrations médicamenteuses. Elle réduit donc les risques de dégâts collatéraux de la chimiothérapie. De fait, les essais cliniques ont été menés sans effets secondaires pour les malades. Environ une quarantaine de centres de traitement du cancer en Europe emploient aujourd’hui l’électrochimiothérapie. Pour l’instant, en raison de la nécessité d’approcher l’électrode des tumeurs, « la méthode est réservée au traitement de tumeurs superficielles et accessibles (les métastases cutanées et sous-cutanées), confie Lluis Mir. Mais la recherche technologique et clinique est portée sur le développement d’électrodes plus sophistiquées permettant d’atteindre des tumeurs profondes. » Autre méthode, la photochimiothérapie qui utilise cette fois la lumière pour cibler les cellules tumorales. La technique fonctionne sur ce principe : on vient activer par des rayons lumineux une substance médicamenteuse inoculée dans la zone cancéreuse, qui d’inoffensive devient toxique. La substance n’est pas ingérée comme en chimiothérapie standard, mais appliquée dans la région tumorale sous forme liquide ou de pommade. Utilisant la lumière, cette méthode a pour terrain d’élection le traitement des cancers externes, en dermatologie. Mais l’emploi de fibres optiques endoscopiques permet également d’acheminer le faisceau lumineux dans un organe interne. « Son usage pour le traitement du cholangiocarcinome (cancer des voies biliaires) augmente la durée de survie de plus d’un an, tout en améliorant le confort des malades », assure Marie-Ange d’Hallewin, chercheuse au Centre de recherche en automatique de Nancy (Cran) 8. Si Les molécules nommées Dbait (en rouge) donnent l’illusion aux cellules (en bleu) que leur matériel génétique est détérioré. Les molécules leurrées (en vert) se suicident alors par apoptose. Utilisé conjointement avec la radiothérapie, ce mécanisme pourrait doubler l’efficacité des rayons ionisants. la photochimiothérapie est d’emploi facile en dermatologie puisqu’une lampe à ultraviolets suffit, en revanche, le coût du laser et une certaine complexité dans la dosimétrie limitent encore la technique, pour les opérations endoscopiques, à quelques centres hospitaliers. Ce qui n’empêche pas le Cran de continuer à défricher cette voie d’avenir. Ses chercheurs ont notamment démontré qu’après une chirurgie de la vessie par endoscopie, une session de photochimiothérapie était bénéfique. Elle limite en effet le développement de cellules tumorales libérées lors de l’opération et réduit ainsi le risque de récidive. DES LEURRES POUR CELLULES Parallèlement aux recherches sur la chimiothérapie, les méthodes physiques de destruction de cellule font l’objet de recherches. En ligne de mire notamment : la radiothérapie, qui soigne par irradiation de rayonsX, une technique très utilisée, efficace mais encore perfectible. Une séance de radiothérapie ne détruit en effet seulement que 30 à 50 pour cent des cellules cancéreuses. Un manque de réussite qui allonge la durée du traitement et donc amplifie les effets secondaires. Comment rendre la radiothérapie plus efficace ? Grâce à l’emploi de molécules leurres, propose l’équipe de Marie Dutreix, de l’unité « Génotoxicologie et cycle cellulaire 9 ». Testées sur des animaux, ces molécules ont hissé le rendement de la radiothérapie jusqu’à des valeurs comprises entre 75 et 100 pour cent ! Mais comment des molécules peuvent-elles agir de concert avec les rayonnements de la radiothérapie ? Les molécules leurres, ou Dbait dans le jargon des biologistes, sont en fait des fragments d’ADN recréés artificiellement. Une fois injectées dans une cellule tumorale, elles donnent l’illusion à celle-ci que son matériel génétique est en train d’être endommagé. La cellule enclenche alors des mécanismes de réparation, mécanismes qui sont ensuite à nouveau sollicités lorsqu’entre en jeu la radiothérapie dont la fonction est de casser les brins d’ADN avec les rayonsX. Au final, la cellule se croit être la cible d’une attaque généralisée et s’autodétruit via le suicide cellulaire, l’apoptose. Les molécules Dbait seront testées pour les examens précliniques réglementaires au début de l’année 2010 et les premiers essais cliniques associant radiothérapie et Dbait devraient débuter en fin d’année 2010 sur des patients atteints de métastases locales cutanées. Bonne nouvelle: « Nous avons recherché en vain des tumeurs qui présenteraient une résistance à ce traitement combiné : Tumeur non traitée Tumeur traitée par Dbait © M.Dutreix |