CNRS Le Journal n°238 novembre 2009
CNRS Le Journal n°238 novembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°238 de novembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3 Mo

  • Dans ce numéro : Cancer, la recherche durcit le combat

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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22 L’ENQUÊTE COMMENT SE FORME UNE TUMEUR Cette mutation supplémentaire affranchit encore plus la cellule du contrôle exercé par son environnement. La prolifération s’accroît et donne naissance à des cellules filles qui cumulent les deux mutations. Jusqu’à ce qu’une nouvelle mutation touche l’une d’elles (cellule la plus foncée). VAISSEAUX SANGUINS Le journal du CNRS n°238 novembre 2009 Le cancer commence par l’apparition d’une cellule mutante, une seule parmi les quelque 60000milliards qui constituent le corps humain et dont certaines se renouvellent chaque jour. Elle a subi une modification dans l’ADN de son noyau : une mutation. Cette mutation lui fait ignorer certains des signaux qui normalement limitent sa prolifération. Elle se divise trop vite. Et les cellules filles issues de ces divisions héritent elles aussi de la mutation. Et puis, des mois ou des années plus tard, l’une des cellules filles subit une mutation supplémentaire (cellule la plus foncée sur le dessin). Les cellules mutantes s’entassent les unes sur les autres et commencent à former une TUMEUR. Celleci peut rester confinée dans son tissu d’origine. Ou bien, l’une des cellules tumorales peut subir une mutation de plus…(cellule la plus foncée). > virus comme nouveaux marqueurs métaboliques. » Les chercheurs espèrent ainsi utiliser les transporteurs pour repérer les cellules cancéreuses, et en déduire s’il faut alléger ou intensifier les traitements en fonction du nombre de transporteurs et donc du stade de développement. Et pourquoi pas, un jour, réussir à bloquer ces transporteurs pour couper les vivres aux cellules tumorales. DES SOUCHES RÉCALCITRANTES Autre piste qui revient en force actuellement : les cellules souches cancéreuses. « De nombreux travaux ont permis d’établir la présence de tels éléments cellulaires, minoritaires (de l’ordre de quelques pour cent de cellules de la tumeur), au sein de lésions cancéreuses du sein, du côlon, de la prostate, du cerveau, confirme Daniel Louvard, directeur du Centre de recherche de l’Institut Curie. On soupçonne ces cellules d’être directement à l’origine de la prolifération cancéreuse. Si ce concept est validé, il va bouleverser la lecture que l’on a pu faire jusqu’ici des processus cancéreux. » Si on ignore encore précisément leur rôle, on sait en revanche qu’elles se comportent comme des cellules souches classiques : elles se multiplient indéfiniment et peuvent ensuite se différencier pour donner différentes cellules tumorales. Ces petits groupes de cellules posent un gros problème : « Beaucoup de médicaments ciblent les cellules qui prolifèrent. Or les cellules souches cancéreuses, comme les cellules souches normales, peuvent très bien rester sans se multiplier pendant des mois, voire des années. Si elles sont en quiescence, le traitement n’a aucun effet sur elles », explique Paul-Henri Roméo, directeur du Laboratoire de recherche sur la réparation et la transcription dans les cellules souches 4. Les scientifiques tentent aujourd’hui d’isoler ces cellules récalcitrantes afin de les étudier, l’objectif final étant d’élaborer de nouveaux traitements capables de les détruire tout en préservant les cellules souches normales. « Il y a peutêtre différents types de cellules souches cancéreuses à l’intérieur d’une même tumeur. Donc réussir à caractériser parfaitement une cellule souche ne signifie pas forcément que TUMEUR EN FORMATION …qui lui permet de se glisser au travers des VAISSEAUX SANGUINS. Ceux-ci deviennent d’ailleurs de plus en plus ramifiés au voisinage de la tumeur. Ils alimentent les cellules cancéreuses, gourmandes en glucose, et leur intense prolifération. l’on pourra éradiquer complètement cette population, tempère Paul-Henri Roméo. Mais ce sera déjà un grand pas en avant ! » Mais les avancées viendront peut-être aussi des recherches sur les cellules souches normales. C’est en tout cas ce que laissent penser les récents travaux de l’équipe de Jean-René Huynh du laboratoire Génétique et biologie du développement 5 : ceux-ci ont révélé l’un des mécanismes qui régule l’équilibre entre prolifération et différenciation. « On a montré qu’au moment où la cellule souche se divise, les protéines qui servent à faire des ribosomes –les composants de la cellule chargés de synthétiser les protéines en décodant l’information contenue dans l’ARN messager 6 – se répartissent de manière inégale entre les deux cellules filles, relate Jean-René Huynh. S’il n’y a pas assez de ribosomes dans la cellule qui doit redevenir cellule souche, celle-ci se différencie. Et s’il y en a trop dans la cellule qui doit se différencier, elle continue à se diviser, ce qui va engendrer l’apparition de tumeurs. » Une découverte de taille. CES CELLULES QUI MIGRENT Autre terrain de recherche, le microenvironnement dans lequel baignent les cellules tumorales et qui subit de multiples transformations à mesure de la progression de la maladie. Et notamment celle de la matrice extracellulaire, qui assure la cohésion et l’organisation des tissus. « L’importance de la matrice a longtemps été sousestimée, relate Ellen Van Obberghen-Schilling, de l’Institut de signalisation, biologie du développement et cancer (IBDC) 7. Pourtant, les cellules tumorales et celles présentes autour de la tumeur lui envoient des signaux pour la remanier. Et la matrice modifiée exerce ensuite une influence majeure sur la prolifération et la dispersion des métastases. » Son équipe s’intéresse justement à ces échanges de signaux et plus particulièrement aux intégrines, des protéines qui permettent à la cellule tumorale de s’ancrer dans son environnement et de communiquer avec lui. « Les intégrines recrutent des protéines comme la protéine ILK pour transformer les signaux en action. Nous avons ainsi démontré qu’ILK jouait un rôle clé dans l’assemblage de différentes protéines qui vont former des sortes de rails : ces derniers favorisent le déplacement (la MÉTASTASES TUMEUR
SIGNAUX CHIMIQUES RÉCEPTEURS RÈCEPTEURS ADN GÈNE DE PROLIFÉRATION GÈNE D’ANTIPROLIFÉRATION GÈNE D’APOPTOSE GÈNES RÉPARATEURS D’ADN 2. Lors d’une division cellulaire, l’ADN est dupliqué afin que la cellule-fille en reçoive une copie. Les gènes réparateurs d’ADN vérifient que la copie est identique à l’original. Mais une erreur peut subsister… 1. La cellule saine reçoit en permanence des signaux chimiques des autres cellules. Ils peuvent lui ordonner de se diviser via un gène de prolifération (dit oncogène) ou de se reposer via un gène d’antiprolifération (dit suppresseur de tumeur). Ce dernier peut ordonner à la cellule de s’autodétruire via un gène d’apoptose. migration) des cellules cancéreuses et la colonisation d’autres tissus », explique Ellen Van Obberghen- Schilling. « La migration des cellules cancéreuses est une étape capitale, reprend Stéphane Noselli, directeur de l’IBDC et médaillé d’argent 2009 du CNRS. Et ça, on ne peut le comprendre que dans un modèle comme la drosophile, simple et facile à manipuler. On peut muter le ou les gènes de notre choix dans un tissu donné et suivre le développement des cellules mutantes avec des techniques d’imagerie in vivo. Nous avons ainsi pu identifier de nouveaux gènes impliqués dans le détachement des cellules et dans leur migration vers d’autres tissus. » 3. Un gène de prolifération vient justement de muter. Il s’active sans avoir été sollicité. Heureusement, le gène d’antiprolifération est intact. Il peut freiner la division ou ordonner à la cellule de se détruire. MUTATION 4. Mais le gène d’antiprolifération mute à son tour. Il ne répond plus aux ordres d’arrêt de prolifération et ne peut plus ordonner l’autodestruction. La cellule mutée refuse de mourir et se divise désormais de manière totalement anarchique. Elle est cancéreuse. GÈNE MUTÉ LA RÉGULATION DES GÈNES A FAIT SES PREUVES Les gènes mutés ou dérégulés que l’on retrouve dans les tumeurs sont évidemment au cœur de nombreuses recherches. Mais les mécanismes qui gouvernent l’expression ou la mise sous silence de ces gènes, et que l’on regroupe sous le terme de facteurs épigénétiques, sont tout aussi importants. Un exemple ? Le mécanisme qui supervise l’organisation de l’ADN dans l’espace. S’il est trop condensé, des gènes chargés de réparer ses lésions peuvent se retrouver bloqués et ne plus pouvoir agir. Un mécanisme dont on imagine facilement la participation à la cancérisation. Autre sujet central des travaux actuels : les micro-ARN. Ce sont des petits bouts d’ARN qui « peuvent inhiber l’expression de certains gènes en s’appariant aux ARN messagers et en bloquant leur traduction en protéines, explique Annick Harel-Bellan, directrice du laboratoire Épigénétique et cancer 8. Ces petits ARN interviennent notamment dans le contrôle de la prolifération et de la différenciation cellulaire. Or c’est justement cette fonction de contrôle qui est déréglée dans les premières étapes du cancer. » Son équipe vient par exemple de montrer, dans un muscle de souris, l’implication du micro-ARN miR-181 dans la différenciation cellulaire : en se fixant à l’ARN messager, il réduit au silence les gènes qui bloquent la différenciation. Résultat : les cellules ne se divisent plus mais se spécialisent. Après ce premier essai transformé, 5. Les systèmes de protection de la cellule s’effondrent les uns après les autres. En particulier lorsque les gènes réparateurs d’ADN sont eux aussi endommagés. Les cellules cancéreuses accumulent ainsi plusieurs erreurs dans leur ADN. Certaines peuvent devenir des métastases. © A.Harrel-Bellan Muscle de souris où seules les cellules en régénération expriment l’ARNmiR- 181 (en vert). Preuve de son implication dans la différenciation cellulaire. L’ENQUÊTE 23 COMMENT UNE CELLULE DEVIENT CANCÉREUSE les chercheurs souhaitent répertorier tous les autres micro-ARN impliqués dans ces processus. Mais les chercheurs sont aussi capables de fabriquer des ARN sur mesure. L’objectif : bloquer l’ARN messager de leur choix et faire taire le gène correspondant. « C’est évidemment une arme extraordinaire contre le cancer », s’enthousiasme Annick Harel-Bellan. Dans cette optique, les chercheurs de la plateforme Pari, un plateau technique situé à Villejuif 9, utilisent ces ARN pour repérer les gènes impliqués dans la prolifération des cellules cancéreuses de poumon et espèrent ensuite s’en servir pour neutraliser les gènes incriminés au sein des tumeurs. Autre régulateur de l’expression des gènes : les protéines Polycomb. Celles-ci – que l’on retrouve sous une forme mutée ou altérée dans les cancers de la prostate, du sein, du poumon, du cerveau – bloquent l’expression de cer- NOUVELLE TUMEUR GÈNE D’APOPTOSE INACTIF Des cellules cancéreuses peuvent alors voyager dans le reste du corps via les vaisseaux sanguins. Et peuvent aller altérer le fonctionnement d’autres organes en créant de NOUVELLES TUMEURS. On parle de MÉTASTASES. > Le journal du CNRS n°238 novembre 2009 © Infographies : gregcirade.com



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