CNRS Le Journal n°238 novembre 2009
CNRS Le Journal n°238 novembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°238 de novembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3 Mo

  • Dans ce numéro : Cancer, la recherche durcit le combat

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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20 © World Cancer Report 2008/WHO/International Agency for Research on Cancer/Peter Boyle and Bernard Levin/P.381,375,391 L’ENQUÊTE RÉPARTITION MONDIALE DE DIFFÉRENTS CANCERS (source : rapport 2008 IARC, chiffres de 2002) CANCER DU POUMON CHEZ LES FEMMES CANCER DU POUMON CHEZ LES HOMMES Le nombre de nouveaux cas de cancer du poumon, le plus meurtrier dans le monde, est bien plus élevé dans les pays développés. Les hommes sont aussi beaucoup plus touchés que les femmes, en particulier en Europe de l’Est. Le tabagisme passif aggrave ou crée des maladies. Par exemple, le risque de développer un cancer du poumon chez un non-fumeur augmente si son conjoint fume. > Le nombre de nouveaux cas croît avec l'intensité de la teinte grandissant de malades parviennent à repousser plus longtemps les attaques du « crabe ». Aujourd’hui, en France, 52% des patients souffrant d’un cancer survivent au-delà de cinq ans à leur maladie, contre 20% en 1920, 39% en 1960, 43% en 1970. Le taux de guérison peut CANCER DU RHINOPHARYNX CHEZ LES FEMMES CANCER COLORECTAL CHEZ LES FEMMES Le journal du CNRS n°238 novembre 2009 dépasser plus de 90% pour les tumeurs du testicule ou de la thyroïde 5. Après avoir été longtemps « diabolisé » et perçu comme « le pire absolu » parce qu’incompréhensible et insoignable, le cancer est sorti du ghetto « des pathologies honteuses et fatales » tout en restant la maladie la plus redoutée en Occident, dit Annie Hubert. En devenant, La répartition du cancer du rhinopharynx, qui semble propre à l’Afrique et à l’Asie, est très différente de celle du cancer colorectal et du cancer du poumon (voir carte ci-dessus). L’anthropologie permet de comprendre ce type d’inégalités en identifiant des explications locales. Les cartes concernant les hommes, non publiées ici, sont très proches de celles-ci. pour un nombre croissant de localisations, « curable au fil des avancées médicales et pharmacologiques qui ont marqué le XX e siècle et se multiplient en ce début de XXI e siècle, le cancer a acquis un statut de pathologie chronique dont le cours, entrecoupé de phases de traitements de courte durée, peut s’étendre sur plusieurs années, voire des décennies, renchérit Martine Bungener, directrice du Centre de recherche médecine, science et société (Cermes) 6. Lorsque le traitement s’arrête, les médecins utilisent le terme de rémission et non celui de guérison, mais l’allongement continu des durées de rémission permet de modifier la perception du cancer. Dans cette nouvelle perspective, le corps médical peut désormais expliquer aux patients qu’ils vivront dorénavant plus et mieux avec leur maladie. » VERS UNE MÉDECINE PLUS HUMAINE Qu’en est-il, maintenant, des relations soignants-soignés ? Le temps est presque révolu où la consultation d’annonce se faisait « entre deux portes », de façon aussi brutale qu’inhumaine, par de grands maîtres jargonnant et imbus de leur toute-puissance. Il s’est produit, voilà quelques années, « une sorte de déverrouillage du monde des médecins cliniciens qui était jusqu’alors très rigide et somme toute assez indifférent à la dignité et au vécu quotidien des malades et de leur famille, commente Annie Hubert. Nous rattrapons enfin notre retard, dans ce domaine, sur les Anglo-Saxons. » Et de se féliciter que, dans les établissements hospitaliers, les oncologues, en particulier les plus jeunes, portent un regard innovant sur leur pratique. « Beaucoup d’entre eux attendent des sciences sociales qu’elles les aident à découvrir ce qu’ils ne voient pas, ce qu’ils ne voient plus ou ce qu’ils n’auraient jamais imaginé voir pour, au bout du compte, améliorer ce qui peut l’être encore, qu’il s’agisse de l’organisation des soins, de l’ergonomie des services, de l’accompagnement en fin de vie… De fait, de grands progrès ont été réalisés pour personnaliser l’accueil des patients, aménager des espaces d’intimité, offrir des chambres individuelles dans les hôpitaux de jour, mettre au point un arbre décisionnel et décider d’un traitement avec la collaboration du patient s’il le désire… » Sans oublier qu’un certain langage guerrier (« Battez-vous ! ») , très angoissant et très fatiguant pour le patient secoué par des thérapies complexes, cède la place à l’information (« Voilà ce que l’on peut faire pour vous soigner ») , au dialogue, à la décision partagée et à l’attention portée à l’ensemble des besoins du malade et de sa famille. Quant au rôle des médecins généralistes dans la prise en charge des patients atteints de cancer, et leurs relations avec les équipes de soins spécialisées, l’enquête conduite récemment par Martine Bungener est riche d’enseignements. « Concernant l’annonce du diagnostic, nous avons été surpris de constater à quel point les généralistes sont impliqués et apparaissent comme des interlocuteurs compétents, aux yeux des patients, dit Martine Bungener. Après avoir été reçus par un spécialiste, ces derniers éprouvent même fréquemment le besoin de se faire mieux expliquer la situation par © M. Iannace/Corbis
leur généraliste. » D’autre part, les généralistes n’hésitent plus à acquérir de nouvelles compétences. Ainsi en est-il de l’autonomie acquise par certains dans la prescription de la morphine en cas de fin de vie à domicile, « une pratique qui leur échappait jusqu’ici par manque de technicité et de savoir-faire, et qui contribue à rééquilibrer, à leur avantage, les rôles entre médecine générale et médecine spécialisée », indique Martine Bungener. Au final, il ressort de ce programme de recherche, le premier du genre, que la plupart des généralistes français, tout en ne masquant pas la limite de leur compétence, « cherchent à rester présents auprès de leurs patients atteints du cancer », quelles que soient les phases de la maladie. Philippe Testard-Vaillant 1. Source : Organisation mondiale de la santé. 2. Le plan Cancer 2003-2007, à l’origine de la création de l’Institut national du cancer (Inca), affichait trois grandes ambitions : permettre à la France de rattraper son retard en matière de prévention et de dépistage, offrir à chaque malade la qualité de soins et l’accompagnement humain auxquels il a droit, donner une impulsion décisive à la recherche. 3. Source : Institut national du cancer. 4. Laboratoire Anthropologie bioculturelle (CNRS/Université Aix-Marseille-II/Établissement français du sang Alpes-Méditerranée). 5. Source : Cancers : pronostics à long terme, rapport Inserm, 2006. 6. Centre CNRS/Inserm/Écoles de hautes études en sciences sociales/Université Paris-XI. © M. Sitbon CONTACTS ➔ Annie Hubert, anahubert@club-internet.fr ➔ Martine Bungener, bungener@vjf.cnrs.fr Comprendre la maladie avant tout Connaître son ennemi : un principe de base pour qui doit mener une guerre délicate. Et c’est bien le problème contre le cancer. Certes, les chercheurs disposent déjà de quelques certitudes et d’une trame conceptuelle : une cellule se détraque, se divise de façon anarchique et donne naissance à un cancer (voir infographies p. 22-23). Mais il reste encore beaucoup d’énigmes à résoudre. Alors dans les labos, aucune piste n’est négligée. Du rôle du système immunitaire à celui des altérations génétiques, en passant par l’avidité des cellules cancéreuses pour le glucose, et l’implication des cellules souches cancéreuses, ou encore de l’environnement des cellules tumorales, chaque avancée apporte une nouvelle pièce au grand puzzle de la compréhension du cancer. LA FAILLE DE L’IMMUNITÉ Commençons avec le système immunitaire et par cette théorie qui perdure depuis le début du xx e siècle : ce système de surveillance éliminerait les cellules cancéreuses dès leur apparition, au même titre que les virus. Et ce sont ses défaillances qui expliqueraient la survenue des cancers. Seulement voilà, David Klatzmannet son équipe de l’unité « Immunologie, immunopathologie, immunnothérapie 1 », ont très récemment revu et corrigé cette copie. Mise en évidence (en vert) de protéines chargées d’apporter du sucre aux cellules. Les cellules tumorales ayant besoin de bien plus de glucose que les cellules saines, ces protéines s’y accumulent. L’ENQUÊTE 21 Dans les tous premiers jours d’apparition d’une tumeur, deux types de cellules immunitaires se mettent en action : les lymphocytes régulateurs, qui protègent les cellules de l’organisme, et les lymphocytes effecteurs, qui détruisent les intrus. « On peut voir les cellules tumorales comme des cellules anormales : elles ont quelques gènes altérés ou mutés, qui leur confèrent leur caractère de malignité », assure David Klatzmann. Mais tous les autres gènes sont normaux ! Aux yeux des lymphocytes régulateurs, les cellules cancéreuses sont donc reconnues comme des cellules normales. « Ils vont donc les protéger, avant que les lymphocytes effecteurs n’aient pu les attaquer. Ce sont toujours les régulateurs qui gagnent ! » En d’autres termes, une immunosurveillance existe bel et bien mais paradoxalement, elle protège les cellules malades. Du coup, le scientifique souhaite aujourd’hui rouvrir la voie de la vaccination anticancéreuse préventive : « Comme pour une vaccination classique, l’idée serait de préparer les lymphocytes effecteurs à reconnaître les antigènes 2 spécifiques d’un cancer donné, les antigènes de cellules prostatiques tumorales par exemple, afin qu’ils puissent ensuite agir plus rapidement contre ce même antigène. » AFFAMER LE CANCER Peu de chercheurs ont l’espoir de trouver une même faille pour tous les cancers. Toutefois, certains scientifiques travaillant sur le métabolisme veulent y croire. Car toutes les tumeurs ont une chose en commun : elles sont avides de sucre. La raison ? Lorsque les cellules deviennent cancéreuses, elles arrêtent de respirer normalement via les mitochondries et consomment du sucre pour se fournir en énergie. Comme ce mécanisme est bien moins efficace que la respiration, les cellules ont besoin de beaucoup de glucose. C’est d’ailleurs grâce à cette addiction que l’on arrive à visualiser les tumeurs par imagerie médicale. De nombreuses équipes souhaitent élucider ce changement de métabolisme et s’en servir pour enrayer la prolifération cellulaire. L’équipe de Marc Sitbon au sein de l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier 3, pour sa part, a rejoint l’aventure presque par hasard. « On sait que les cellules cancéreuses, grosses consommatrices de sucre, ont en conséquence beaucoup de transporteurs (ces protéines qui transportent les nutriments dans la cellule) de glucose, expose-t-il. Or, nous avons récemment découvert une famille de virus qui reconnaît et utilise ces transporteurs de nutriments pour infecter les cellules hôtes. Nous avons donc eu l’idée d’utiliser des fragments de > Le journal du CNRS n°238 novembre 2009



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