CNRS Le Journal n°238 novembre 2009
CNRS Le Journal n°238 novembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°238 de novembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3 Mo

  • Dans ce numéro : Cancer, la recherche durcit le combat

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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16 PAROLED’EXPERT La campagne de vaccination contre la grippe A, dont on redoute une pandémie, a commencé. Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est le virus H1N1 responsable de cette grippe ? Brigitte Autran : C’est un virus de type influenza A, le plus fréquemment impliqué dans les grippes humaines. Mais il s’agit d’un variant d’origine porcine avec lequel l’homme n’avait jamais été en contact. Son hémagglutinine 2 (H) est de type 1, d’où le nom du virus. Elle fait partie de l’arsenal utilisé par celui-ci pour se fixer aux récepteurs des cellules de nos muqueuses et les infecter. Ces récepteurs sont très similaires à ceux du porc, c’est pourquoi le virus a facilement été transmis à l’humain. De plus, nos récepteurs du nez, de la gorge et de la trachée sont très sensibles à l’hémagglutinine en question. La contamination par voie aérienne, quand on parle, on éternue, etc., est donc très forte. Mais un tel virus provoque surtout des infections bénignes. Au contraire du fameux H5N1, dont on parlait tant l’an dernier, qui touche surtout les récepteurs de l’arbre respiratoire bas (bronches et bronchioles), qui se répand donc moins facilement dans la population, mais provoque plus de pneumonies graves voire mortelles. Alors pourquoi ce branle-bas de combat autour du H1N1 ? B. A. : Nous avons presque tous gardé en mémoire dans notre système immunitaire des réponses au virus de la grippe ordinaire dont les variants circulent annuellement dans l’humanité. Mais le variant H1N1 est différent. Notre système immunitaire est naïf face à lui. Plus d’individus seront donc infectés. Par ailleurs, une grippe ordinaire, même si elle est en général bénigne, provoque toujours un petit pourcentage de formes graves. Si le nombre total de cas augmente, celui des formes graves nécessitant une hospitalisation aussi. La responsabilité des pouvoirs publics est donc certes de limiter la propagation Le journal du CNRS n°238 novembre 2009 Brigitte Autran, professeur d’immunologie à la faculté de médecine Pierre-et-Marie-Curie, co-directrice de l’Institut fédératif de recherche Immunité-cancer-infection 1, à Paris Grippe A : le point sur le vaccin du virus, mais surtout d’en limiter la gravité en recommandant à la population de se faire vacciner. C’est une question de santé publique. Qui sera prioritaire pour être vacciné ? B. A. : Nous encourageons d’abord les personnes les plus exposées aux risques d’infection et au développement d’une forme grave : femmes enceintes et enfants en bas âge. Puis les personnes ayant des facteurs de risques (système immunitaire affaibli, insuffisances cardiaques ou respiratoires, etc.) : jeunes d’abord, adultes et personnes âgées ensuite. Pourquoi les jeunes avant les autres ? Parce qu’en réalité tout le monde n’est pas aussi naïf face à ce virus. Selon une récente étude américaine 3, environ 30% des plus de 60 ans ont gardé en mémoire une réponse immunitaire car ils ont été en contact avec un cousin de ce virus qui a sévit jusqu’en 1957. Vous menez actuellement des études sur le « Les études menées actuellement permettront de tirer des leçons de cet épisode pandémique. » vaccin. N’ont-elles pas déjà été réalisées par les industriels avant d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché ? B. A. : Les industriels réalisent leurs essais cliniques sur des sujets sains. C’est la procédure habituelle requise par les agences sanitaires de tous les pays. Côté chercheurs, nous avons lancé des études sur la réponse immunitaire induite par le vaccin chez des populations de femmes enceintes, de patients infectés par le VIH et de personnes transplantées. Ces populations, très circonscrites, sont habituellement vaccinées sans qu’on dispose de résultats d’essais cliniques. Cela ne veut pas dire que le vaccin actuel présente plus de risques pour elles que pour les autres, mais que nous voulons vérifier l’immunogénicité 4 du vaccin dans ces populations. D’ailleurs, il est peu différent de celui de la grippe ordinaire, en dehors du fait qu’il contient un adjuvant, substance qui accélère et amplifie la réponse immunitaire. Dans le cas présent, il s’agit d’un adjuvant huileux déjà utilisé pour la grippe depuis plus de cinq ans 5 aux États-Unis sans effets néfastes. D’autres projets de recherche ont-ils été lancés en France ? B. A. : Oui, une quinzaine. Parmi eux, citons les recherches visant à développer les systèmes de diagnostic précis adaptés aux études épidémiologiques. Les méthodes actuelles réclament en effet un matériel de pointe qu’on ne peut solliciter pour chaque cas. Citons également la recherche de facteurs génétiques associés aux formes graves de la maladie. Et bien sûr, des recherches fondamentales sur le virus lui-même. L’ensemble de ces études nous permettra de tirer des leçons de cet épisode pandémique. Elles serviront peut-être vis-à-vis de futurs virus de ce type, issus des différentes espèces chez lesquelles ils ont séjourné. Ils ont toujours existé et nous devrons à l’avenir leur livrer bien d’autres batailles. Propos recueillis par Charlie Zeitguer 1. Unité CNRS/Université Paris-VI/Inserm/Assistance publique hôpitaux de Paris. 2. Protéine particulière présente à la surface du virus de la grippe. 3. New England Journal of Medicine, publié en ligne le 10 septembre 2009. 4. Capacité à induire une réaction immunitaire. 5. Vaccin Gripguard de la firme Chiron-Novartis. CONTACT ➔ Brigitte Autran Institut « Immunité-cancer-infection », Paris brigitte.autran@psl.aphp.fr
Nicolas Tsapis Un physicien au service de la médecine Ce matin-là, les couloirs du laboratoire de Physicochimie, pharmacotechnie et biopharmacie de Châtenay- Malabry 1 bruissent joyeusement à l’arrivée des collègues venus de tous horizons. Ici se côtoient des physiciens, des physicochimistes, des biologistes, des pharmaciens. Le mélange plaît à Nicolas Tsapis qui, à 35 ans, vient tout juste d’être décoré de la médaille de bronze du CNRS. Lui-même est issu d’un parcours assez éclectique. Après les classes préparatoires scientifiques, il s’oriente vers la physique fondamentale à l’université Paris-XI, à Orsay. Vient ensuite un DEA en physique des solides, toujours à Orsay, et une thèse, qu’il termine en 2000 au Laboratoire de physique statistique de l’École normale supérieure, sur les propriétés élastiques des membranes non ioniques. C’est ensuite, en postdoctorat à l’université de Harvard, que sa carrière de physicien pur souche va s’ouvrir à d’autres domaines comme la pharmacie. Il travaille alors sur la vectorisation des médicaments, ou comment contrôler ou prolonger la libération d’une molécule active dans l’organisme, tout en ciblant un organe spécifique. En 2003, le jeune homme rejoint le laboratoire de Patrick Couvreur à Châtenay- Malabry, dans l’équipe d’Elias Fattal dédiée à la « vectorisation pharmaceutique de molécules fragiles ». « Ça me plaît d’être au cœur d’une recherche plus appliquée », avoue-t-il. Il y retrouve ses chères formes pharmaceutiques à libération contrôlée et s’attache à développer de nouveaux systèmes basés sur des micro- et nanoparticules, servant soit de vecteurs de principes actifs, soit d’agents de contraste pour l’échographie, ces molécules qui permettent de mieux distinguer les détails anatomiques à l’intérieur du corps humain. Car il faut bien répondre aux nouvelles exigences de l’imagerie médicale du futur : celle-ci s’oriente désormais vers le dépistage précoce de pathologies à l’échelle moléculaire, avant même leur manifestation clinique. L’idée, au laboratoire, est de combiner cette détection précoce avec un traitement efficace. Aujourd’hui, les agents de contraste utilisés sont des microbulles gazeuses injectées par intraveineuse. Certes, elles renforcent le contraste, des vaisseaux sanguins par exemple, sur les échographies, mais elles ne résistent que quelques minutes dans l’organisme car elles sont vite détruites par les ultrasons. Nicolas Tsapis travaille donc à concevoir de nouvelles microbulles composées d’une coque de polymère biodégradable et à la stabilité accrue. À terme, la coque enfermera un médicament, un antitumoral, à libération plus ou moins prolongée. Son but : réduire les effets secondaires pour les patients dans le cadre d’une chimiothérapie locale activée par ultrasons. « Les applications des micro- et nanotechnologies pour la thérapeutique n’en finissent pas de révolutionner le système d’administration et l’efficacité du principe actif, désormais délivré directement sur sa cible », s’enthousiasme-t-il. « Ça me plaît d’être au cœur d’une recherche appliquée ! » Comme ces aérosols que le chercheur perfectionne pour mieux atteindre le fond du poumon. Ils libèrent une poudre sèche légère qui se disperse très bien, atteint les alvéoles et permet ainsi d’éviter des injections douloureuses dans le cas de traitements de la tuberculose. « On pense que c’est une maladie liée à la pauvreté, mais c’est surtout une maladie opportuniste pour les personnes aux faibles défenses immunitaires, comme les malades du Sida. Et en Russie, de nouvelles souches mutantes, plus résistantes, sont apparues. On redoute à n’importe quel moment la survenue d’une épidémie sur laquelle les antibiotiques actuels n’auraient pas d’effet. » Passionné par ses recherches, Nicolas Tsapis l’est assurément. Et quand vient le moment de quitter la fourmilière du laboratoire et de raccrocher la blouse blanche, comment s’occupe-t-il ? « J’ai beaucoup fait de photos autrefois. Mais j’avoue que je n’ai plus le temps. Il y a bien sûr mes recherches. Mais surtout mes deux enfants de 10 mois et deux ans et demi. Maintenant, mes passe-temps, c’est plutôt changer des couches et regarder Kirikou. » Camille Lamotte ➔ Retrouvez les « Talents » du CNRS sur www.cnrs.fr/fr/recherche/prix.htm 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-XI. © S.Godefroy/CNRS Photothèque JEUNESCHERCHEURS 17 CONTACT ➔ Nicolas Tsapis, Physicochimie, pharmacotechnie, biopharmacie, Châtenay-Malabry nicolas.tsapis@u-psud.fr Le journal du CNRS n°238 novembre 2009



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