6 VIEDESLABOS Reportage ASTRONOMIE Trente bougies sur un plateau Perché à plus de 2 500 mètres d’altitude, l’observatoire de l’Institut de radioastronomie millimétrique scrute l’Univers invisible à l’œil. Visite de ce temple de l’astronomie pour fêter le trentième anniversaire de l’Institut. Remontant des parois à pic depuis un petit village des Hautes-Alpes situé en contrebas, l’hélicoptère s’élève d’un coup au-dessus du bord du précipice. Apparaît soudain, sous le soleil matinal, une immense plateforme naturelle où poussent, au milieu des pierres et des plaques de neige, quelques rares herbes, mousses et spécimens protégés d’Ambrosia helvétique. Visibles au premier plan, six immenses antennes sont pointées vers le ciel. Nous sommes à cent kilomètres de Grenoble, sur un plateau désertique balayé par les vents, où est installé à 2550 mètres d’altitude l’interféromètre du plateau de Bure, l’un des deux observatoires de l’Institut de radioastronomie millimétrique (Iram). C’est en 1979 que l’institut a été créé par le CNRS et la Société Max-Planck pour le développement de la science (MPG), en Allemagne, auxquels s’est joint en 1990 l’Institut géographique national espagnol. Basé à Grenoble, l’Iram possède également, dans la Sierra Nevada, en Espagne, à 2 850 mètres d’altitude sur le Pico Veleta, un télescope de trente mètres. L’établissement, où travaillent 130 personnes, est spécialisé dans l’observation de l’espace dans une partie non visible du spectre lumineux : celle des ondes millimétriques. Interféromètre et télescope peuvent ainsi étudier des phénomènes imperceptibles pour les instruments optiques. HAUT LIEU SOUS HAUTE SURVEILLANCE Les six antennes de quinze mètres de diamètre chacune forment un seul et même instrument. Leur gigantisme est souligné par la présence de minuscules silhouettes se déplaçant à leurs pieds. Derrière elles, à deux ou trois cents mètres de là, l’énorme hangar dans lequel les mécaniciens procèdent à l’entretien et aux réparations de ces machines de titans semble, lui aussi, démesuré au regard des bâtiments d’habitation qui y sont accolés. Au loin, enfin, sur fond de paysage des Écrins, on distingue les premiers pylônes de l’ancien téléphérique. C’est là que, coup sur coup, en juillet et en décembre 1999, deux terribles accidents se soldèrent par la mort de vingt-cinq personnes. Cette tragédie, vécue comme un traumatisme par la population de la vallée et l’institut, a été à l’origine d’un renforcement considérable des procédures de sécurité qui rythment la vie ici. Outre qu’elles prévoient désormais la présence tout au long de l’année d’un infirmier-anesthésiste pouvant joindre à tout moment l’hôpital de Gap, celles-ci réglementent les « sorties pour intervention », pour des Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 © Photos : Kaksonen/CNRS Photothèque réparations par exemple, et obligent les sept membres du personnel présents 1 à être en permanence reliés entre eux par radio. En attendant la fin de la construction du nouveau téléphérique en 2010, les visites sont elles aussi strictement encadrées : les candidats à un séjour à l’Observatoire doivent être munis d’un « certificat médical de séjour en altitude ». Et, à moins qu’ils n’aient la chance d’effectuer le trajet par la voie des airs, ne peuvent s’y rendre et en repartir qu’en 4x4, en chasse-neige puis à pied, qu’accompagnés par un guide de haute montagne, au cours de « rotations », organisées ou non en fonction des conditions météo, plusieurs fois par semaine, depuis la station de ski de Super Dévoluy. Et à cette loi d’airain nulle Un opérateur à l’intérieur d’une antenne. Vue du miroir secondaire et de la vallée voisine, la combe de Mai. L’interféromètre de Bure est constitué de six antennes de 15 mètres de diamètre chacune. Les spécialistes procèdent ici dans le hangar (au fond, ci-dessus) à l’entretien et aux réparations d’une antenne. |