38 GUIDE Livres 3 questions à… Alain Berthoz La simplexité Éd. Odile Jacob, septembre 2009, 220 p. – 23 € Membre de l’Académie des sciences, Alain Berthoz est professeur au Collège de France, où il est directeur adjoint du Laboratoire de physiologie de la perception et de l’action (LPPA, CNRS/Collège de France). Dictionnaire des œuvres psychanalytiques Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 Dans cet essai issu de vos travaux sur la perception et l’action, vous dites y « oser une théorie de la simplexité » : en quoi consiste ce nouveau concept ? Il faut distinguer simplexité et simplicité. Dans toutes les activités humaines, scientifiques ou sociales, nous sommes à la fois émerveillés et écrasés par la complexité. D’où l’élaboration de « théories de la complexité » – et de multiples tentatives pour simplifier qui conduisent, autant dans l’étude du vivant que dans celle de la vie sociale, à une caricature. Or la biologie, la physiologie, et les neurosciences ont établi l’existence de processus élégants, rapides, efficaces pour l’interaction du vivant avec le monde. Ces processus ne sont pas « simples » mais élaborent des « solutions », des comportements rapides, fiables, qui tiennent compte de l’expérience passée et qui anticipent sur les conséquences futures de l’action. Ils sont simplexes, comme le fil d’Ariane. Ces solutions exigent parfois un « détour » – elles ont un prix –, mais donnent l’apparence d’une grande facilité. J’ai esquissé à partir d’un terme utilisé dans d’autres contextes comme la géologie, les mathématiques, le design ou l’ingénierie, une « théorie de la simplexité » afin de rendre compte de ce qui est, à mon avis, l’une des propriétés les plus originales du vivant. Quelques exemples de ces processus simplexes ? Ils existent à différents niveaux de l’organisation du vivant. Par exemple, le très petit nombre de « motifs » qui sont utilisés dans les constructions moléculaires de protéines, la sélection et le filtrage neuronal par Paul-Laurent Assoun, éd. Puf, septembre 2009, 1 488 p. – 39 € Faisant partie des parutions de l’automne célébrant le 70 e anniversaire de la mort de Freud, ce Dictionnaire comble une lacune : il n’existait, en effet, aucun travail sur l’ensemble des œuvres psychanalytiques et post-freudiennes. Et, dans un moment où la psychanalyse est contestée ou concurrencée par les thérapies comportementales et cognitives, cet ouvrage montre combien il est utile de ne pas remplacer les textes par un « bottin de symptômes ». À travers l’étude de 340 œuvres (quelque 140 textes de Freud, livres et articles fondateurs et quelque 200 écrits post-freudiens), l’auteur restitue dans ce monumental ouvrage la substance des textes de la psychanalyse. l’attention, ou encore les « lois de minimum d’énergie » utilisées par le cerveau pour contrôler muscles et articulations dans le comportement moteur. On retrouve ces processus simplexes dans les fonctions cognitives les plus élevées : la spécialisation des systèmes de mémoires et la multiplication des mécanismes neuronaux dans le traitement de l’espace (imaginer ou se rappeler un trajet), le rôle de l’inhibition, la relation entre raison et émotion. Et, à un niveau symbolique et culturel, le rôle du geste comme solution simplexe (et non simple) pour communiquer des sentiments par exemple. Ce livre porte, aussi, sur la question de l’Umwelt, le fait que chaque espèce ne vit que dans « son » monde. Or, l’originalité du cerveau humain est d’être un créateur de mondes. Les « détours » des processus simplexes correspondent aussi à cette inventivité du cerveau et de l’esprit humain, aux frontières de ce que les neuropsychologues appellent la « pensée magique » qui La globalisation humaine Catherine Wihtol de Wenden, éd. Puf, septembre 2009, 272 p. – 26 € crée des mondes « possibles ». C’est pourquoi ce livre se termine par un bouquet d’extensions du concept à des domaines aussi divers que l’utilisation du dessin par les écrivains, la configuration d’un coin de rue, l’inclinaison d’un toit ou la géométrie d’un jardin. Vous semblez avoir voulu avec l’élaboration de ce concept répondre à une interrogation inquiète de l’homme face à son monde ? Oui, nous sortons d’un siècle dominé par le verbe et la norme où a triomphé l’esprit de géométrie contre l’esprit de finesse et qui a oublié, au profit d’une raison désincarnée, ce que j’appelle l’homme sensible, la richesse de l’ « écoumène » 1, le rôle de l’émotion. J’ai suggéré des pistes pour reconstruire notre identité mise à mal par l’extraordinaire complexité du monde, notre écartèlement entre le local et le global, l’accélération du temps vécu. Tout cela en remettant au centre la notion d’acte, puisque je suis un physiologiste. Propos recueillis par A.L. 1. Écoumène : concept forgé par Augustin Berque pour décrire les lieux de vie en échappant à la seule description factuelle de la géographie, de l’économie et en réinsérant le vécu de l’homme sensible. Ce début de XXI e siècle voit se mondialiser les migrations, phénomène qui a triplé d’importance en quarante ans et qui constitue la seconde épopée migratoire de l’âge moderne après la grande période des années 1880-1930. Consultante pour la Commission européenne, le Conseil de l’Europe et le Haut Commissariat aux réfugiés, l’auteure analyse ici causes et conséquences de ce flux humain qui pose avec acuité la question du « vivre ensemble », des risques environnementaux, de la gouvernance mondiale et, in fine, de la reconnaissance d’un droit à la mobilité comme droit fondamental de l’homme. |