36 © M. Roux/CNRS Photothèque HORIZON Ils ont choisi la France et le CNRS Il vient d’URSS, un pays « qui n’existe plus ». Mais dans son bureau pourtant austère de l’université Paris-XIII à Villetaneuse, où une tour d’ordinateur le dispute à une bibliothèque à moitié vide, aucune place pour le spleen. La pièce est bien à l’image du bonhomme : spartiate. Car depuis 30 ans, Vladimir Solozhenko, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des matériaux sous très hautes pressions et températures ne fait strictement que cela, en véritable passionné. Seule faille émotionnelle cependant, ses premières années d’études au département de chimie de l’université de Moscou, la « meilleure d’Union soviétique ». Vladimir Solozhenko, plutôt avare de sentimentalisme, en parle volontiers, avec bonheur et nostalgie. « J’ai commencé mes recherches très jeune, à l’âge de 20 ans, et publié mon premier article deux ans plus tard. J’en étais le seul auteur. On était très libre, on pouvait suivre nos propres idées. Après ma soutenance de thèse en 1984, je suis parti à l’Institut des matières ultradures de l’Académie des sciences d’Ukraine, à Kiev. L’industrie de coupe et d’usinage cherchait des applications pour remplacer le diamant. C’est devenu l’objet principal de mes recherches. » BRÈVES Bourses européennes Le Conseil européen de la recherche (ERC) a dévoilé la liste des 219 lauréats, sur 2503 candidats, du 2 e appel à projets pour les bourses « jeunes chercheurs ». En tout, 26 travaillent dans des organismes français, dont 9 chargés de recherche au CNRS : 6 en sciences de la vie, 2 en sciences physiques et ingénierie, et 1 en sciences humaines et sociales. La France est le 2 e pays, derrière le Royaume Uni, et au premier rang en sciences de la vie. Le prochain appel à projets se clôt entre fin octobre et début décembre selon les disciplines. > Pour en savoir plus : http:Ilerc.europa.eu Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 Vladimir Solozhenko Le chimiste qui venait du froid Car dans cet univers impitoyable, le diamant naturel n’est plus éternel depuis longtemps. Le super-abrasif, considéré comme le matériau le plus dur au monde, montre en effet des limites une fois soumis à de fortes températures lors de la coupe : par exemple, il n’est pas stable et réagit chimiquement avec des matériaux ferreux. Devant la nécessité d’une nouvelle génération de matériaux ultradurs, Vladimir Solozhenko se penche sur un matériau moins dur que le diamant mais plus résistant à la chaleur et à l’oxydation, le nitrure de bore cubique (c-BN). Il le mélange avec du carbone pour obtenir un matériau à la fois stable chimiquement et plus dur que le c-BN : le carbonitrure de bore cubique. Mais pour effectuer une synthèse au niveau atomique, il faut exposer le « mélange » des éléments à une très haute température et à une très haute pression. Or à Kiev, les moyens techniques sont limités. Un intense programme international de recherche se met donc en place. Vladimir Solozhenko passe la moitié de son temps loin de Kiev. D’abord au synchrotron de Hambourg, puis en France à Paris, Bordeaux et à l’European Synchrotron Radiation Facility (ERSF) de Grenoble 1. Ou encore aux États- Deux laboratoires internationaux associés ont été créés à la rentrée. Le premier, intitulé « Matériaux inorganiques fonctionnels », renforce une collaboration vieille de vingt ans entre des équipes rennaises, notamment du Laboratoire « Sciences chimiques de Rennes » 1, et chiliennes. Il s’agit de poursuivre les recherches sur les matériaux dits actifs pour des domaines aussi variés que l’optique, l’énergie, le transport et le stockage de l’information. Le LIA franco-maghrébin de mathématiques Unis. Grâce aux images par rayonsX obtenues au synchrotron de Grenoble, les chercheurs contrôlent en temps réel comment réagit la structure de l’échantillon. Et à 2 000 °C, pour une pression 250 000 fois supérieure à celle de l’atmosphère, ils obtiennent enfin, en 2001, le matériau le plus dur aujourd’hui connu, après le diamant. Mais entre-temps, le monde de Vladimir Solozhenko vole en éclats. En 1991, l’URSS n’est plus. Le chercheur, qui travaillait à Kiev, devient de fait automatiquement citoyen d’Ukraine. Alors que l’économie du pays s’effondre et que nombre de collègues lâchent leurs recherches pour survivre, Vladimir continue grâce à ses collaborations extérieures. Mais le maintien du labo tient à un fil. Il décide de postuler en France. « Le CNRS est vite apparu comme la meilleure option. Avec l’appui de Brigitte Bacroix et Jean-Pierre Petitet, nous avons monté une structure de recherches au Laboratoire des propriétés mécaniques et thermodynamiques des matériaux du CNRS en 2003. Et grâce aux fonds de l’ANR, nous avons pu nous équiper et faire rapidement des avancées importantes. Ainsi, l’installation d’une presse dite « multi-enclume » a permis d’atteindre les plus hautes pressions accessibles de nos jours sur des volumes macroscopiques de matériaux. » Plus ascète que jamais, Vladimir fait du labo sa nouvelle patrie. « Je ne suis pas sûr d’avoir un jour croisé un Français autre que scientifique, avoue-t-il timidement. D’ailleurs, je ne parle pas votre langue. » Ses yeux d’apatride vacillent un moment. « Mais ici, je suis redevenu ce que je préférais, un employé au service de l’État. J’aime servir un pays. » Camille Lamotte 1. L’ESRF est une des plus intenses sources de rayon X au monde. Dix-neuf pays participent à son financement et à son fonctionnement. Création de deux nouveaux LIA CONTACT ➔ Vladimir Solozhenko Laboratoire des propriétés mécaniques et thermodynamiques des matériaux, Villetaneuse vls@lpmtm.univ-paris13.fr et de leurs interactions, lui, a été fondé entre le CNRS, l’École polytechnique et les universités de Nice-Sophia-Antipolis, de Pau et des Pays-de-l’Adour, de Clermont-Ferrand, d’une part, et plusieurs organismes d’Algérie, du Maroc et de Tunisie d’autre part. Ensemble, les partenaires favoriseront les projets de recherche en mathématiques en multipliant leurs collaborations et en participant à la formation des doctorants. 1. Laboratoire CNRS/Université Rennes-I/École nationale supérieure de chimie de Rennes/Insa Rennes. |