CNRS Le Journal n°237 octobre 2009
CNRS Le Journal n°237 octobre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°237 de octobre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : Le CNRS fête 70 ans d'avancées scientifiques

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
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© Coll. Société Française de Photographie. Tous droits réservés. 30 14 © Musée Albert-Kahn/Dép. des Hauts-de-Seine 13 ZOOM 13 Paris, 1918. L’auteur, Auguste Léon, a travaillé pour les Archives de la planète, vaste témoignage photo- et cinématographique de l’époque, fondées par le banquier Albert Kahn. Aujourd’hui, le musée Albert-Kahn conserve quelque 72 000 autochromes. 14 Des enfants dans le rôle de petits soldats. Autochrome de Léon Gimpel, collaborateur de presse, en 1915. 15 Sur cette autochrome d’Édouard Blanc (1908), champs et forêt contrastent avec les coquelicots. 16 Gabriel Doublier, responsable d’une usine à Paris, pose devant les machines destinées au mélange des fécules, en 1931. 17 18 19 Fécule de pomme de terre non triée (17), triée et teintée (18) et fécule de riz non triée (19). LE LIVRE Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 L’autochrome Lumière Secret d’atelier et défis industriels Par Bertrand Lavédrine et Jean-Paul Gandolfo, avec la participation de Christine Capderou et Ronan Guinée. Éd. du Comité des travaux historiques et scientifiques, coll. Archéologie et histoire de l’art, mars 2009, 400 p., 23 x 26 cm. > 15 un mélange optique des différentes couleurs de fécule… d’où résulte la palette de couleurs de l’autochrome », précise Bertrand Lavédrine. L’image apparaissait en visionnant le positif transparent dans un appareil, ou en le projetant comme une diapositive. Simple, en apparence. Mais il a quand même fallu sept ans à la puissante société familiale Lumière, spécialisée dans la photo et le cinéma, pour passer du principe de l’autochrome (formulé en premier par le Français Louis Ducos du Hauron) à sa réalisation industrielle. Le choix de la fécule par exemple, grande spécificité de l’invention, a nécessité des mois de réflexion. Les grains de pommes de terre ont été préférés à ceux de riz, qui s’imprègnent 17 moins bien des colorants. Bertrand Lavédrine et Jean-Paul Gandolfo ont bataillé pendant des années, eux aussi. Pour faire toute la lumière sur ces autochromes, ils n’en ont pas seulement testé la fabrication. Comme ils le racontent dans L’autochrome Lumière, ils ont aussi interrogé les enfants de témoins de l’époque, décortiqué des cahiers de laboratoire, analysé les colorants d’anciennes plaques. Et étudié une presse de laminage, que les Lumière, sans doute pour en garder l’exclusivité, n’avaient pas brevetée. Le laminage – une phase capitale qui, en écrasant les grains les uns contre les autres, augmente la transparence de leur réseau– était bien évoqué dans un brevet, mais de façon évasive. Dans l’ignorance, les concurrents restaient donc à distance. Il le fallait : à la lisière des XIX e et XX e siècles, la photographie, dont l’invention fut annoncée en 1839, est en effervescence. De nombreuses expérimentations portent sur la couleur, défi principal, problème prioritaire. Les recherches se sont accélérées avec les progrès de la science sur la reconstitution des couleurs et les phénomènes lumineux. 16 Avec l’autochrome, la photographie prend enfin des couleurs. Mais 18 tout n’est pas si rose. Le procédé s’avère fragile, la production d’un cliché autochrome difficile. Le temps de pose, de l’ordre de la 0,1 mm seconde, exclut presque l’instantanéité. Malgré cela et leur prix élevé, en trente ans, des millions de plaques autochromes, dont le verre sera remplacé par un support souple en 1931, sont achetées dans le monde. Ce n’est qu’au milieu des années 1950 que l’invention tombera en désuétude : l’usine Lumière cesse la fabrication de ses films Alticolor, descendants directs de la plaque autochrome. Une plaque que nous pouvons désormais mieux conserver, car nous la connaissons mieux. Mathieu Hautemulle ➔ Pour en savoir plus Les auteurs ont aussi contribué au site : www.autochromes.culture.fr Dans le dossier Sagascience « Art et Sciences » : www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosart/decouv/indexFLASH.html À voir : Les autochromes Lumière, réalisé par François Tisseyre, CNRS Images, 2005 http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.php ? urlaction=doc&id_doc=1787 1. Centre CNRS/ministère de la Culture et de la communication/Muséum national d’histoire naturelle. 19 © Photos : B. Lavédrine CONTACT ➔ Bertrand Lavédrine Centre de recherche sur la conservation des collections, Paris lavedrin@mnhn.fr © E. Blanc © Institut Lumière
Antoine Billot Économiste Comme un roman « C’était cela pour moi le nouveau défi en économie : réconcilier la rigueur de l’abstraction et le foisonnement du réel. Antoine Billot, professeur d’économie mathématique au sein du laboratoire « Paris Jourdan sciences économiques » 1 à l’université Paris-II, membre junior de l’Institut universitaire de France, et accessoirement Médaille de bronze du CNRS, existe-t-il vraiment ? À quelques heures à peine du rendez-vous fixé à son bureau de l’université Panthéon-Assas, la question a de quoi laisser perplexe. Certes, au téléphone, une voix masculine a bien accepté l’entretien. Mais au fil des pages consultées sur Google, point d’Antoine Billot ! Ou plutôt si. Un étrange homonyme, écrivain, auteur de nombreux romans traduits en hébreu, grec et italien, colonise sans vergogne les 10 premières pages du moteur de recherche. Pour retrouver la piste du chercheur, il faut se rendre sur le site de Paris-II. Et là, surprise ! Sur la page « enseignant » s’étale à nouveau la photo de l’écrivain cannibale de Google. Une tête d’éternel étudiant à la BHL, avec sa chevelure milongue, un brin romantique. Car c’est bien notre chercheur. Un étrange Dr Jekyll et Mister Hyde, économiste le jour et romancier la nuit. Mais qu’allait donc faire ce passionné de littérature en économie ? Mystère… Même cet expert de la « théorie de la décision et de l’incertain » n’en sait trop rien. Sous le feu des questions, il prend sa machine à remonter le temps. Et se souvient d’un jeune bachelier « bon en maths et en philo », s’intéressant surtout à la politique. Persuadé que l’économie y mène. « En réalité, j’étais totalement ignorant de ce qu’était la science économique, admetil en riant. D’ailleurs, je n’ai pas compris grand-chose durant mes deux premières années de fac. » Le vrai déclic se produit en maîtrise d’économétrie, en découvrant La théorie de la Valeur, de Gérard Debreu, ouvrage publié en 1959 et référence absolue des années 1970. « Ça m’a fasciné ! Il disait des choses fondamentales sur le marché, sur les comportements des agents économiques – consommateurs, entreprises, etc. » Plus précisément, cette théorie démontre que la libre concurrence permet d’obtenir l’équilibre simultané de l’offre et de la demande sur tous les marchés. Le jeune étu- » diant fait sa thèse en introduisant dans cette pure abstraction un soupçon de mathématique : « La théorie de Debreu n’analyse le comportement que d’une frange de gens ultra-rationnels alors que la réalité économique me semblait beaucoup plus nuancée. C’était cela pour moi le nouveau défi en économie : réconcilier la rigueur de l’abstraction et le foisonnement du réel. » Antoine Billot adapte donc un outil mathématique – la théorie des sousensembles flous – afin de capturer l’hétérogénéité et l’imprécision des comportements. Sa thèse, soutenue en 1988, est immédiatement publiée chez un éditeur américain. Et l’étudiant reçoit la médaille de bronze du CNRS en 1989. Antoine Billot explore ensuite les nouveaux modèles mathématiques naissants dans le paysage économique. De la théorie de la décision à celle des « jeux coopératifs », en passant par la « théorie de l’espérance d’utilité », il développe sans relâche des outils pour analyser, par exemple, l’incertitude liée aux croyances individuelles des acteurs économiques. Parallèlement, il s’enthousiasme pour la jeune neuro-économie. « On place des personnes dans un IRM et on observe les mouvements dans leur cerveau au moment où ils prennent une décision. Par exemple, cela permet de savoir si, à l’intérieur du cerveau, la notion de risque est localisée au même endroit que la notion de RENCONTREAVEC 31 gain. Si ce n’est pas le cas, il n’y a plus de raison objective de les réunir dans un même axiome économique. La neuro-économie laisse la porte ouverte à tant de nouveaux types de modélisation ! » Mais pas assez cependant pour nourrir le besoin de gymnastique intellectuelle de ce boulimique de travail. Celui qui avoue aimer se retrouver loin de ses bases parisiennes lorsqu’il enseigne en Suède, en Israël, aux États-Unis ou en Italie, a finalement trouvé une autre échappatoire à son quotidien d’économiste. Une vie de roman. Les siens… Depuis 2003, année de sa rencontre avec le psychanalyste et écrivain Jean-Bertrand Pontalis, Antoine Billot publie un livre tous les deux ans. Roman, récit autobiographique ou articles psychanalytiques, l’économiste s’essaie à tout. Il prend un malin plaisir à réhabiliter le pauvre Charles Bovary, mari d’Emma, qui devient sous sa plume un cynique manipulateur. Ou imagine la rencontre de Ludwig Wittgenstein avec Adolf Hitler, adolescents, à Linz, dans Le désarroi de l’élève Wittgenstein. Les critiques littéraires l’encensent. Antoine Billot récidive en 2008 avec La conjecture de Syracuse, un roman relatant l’affrontement de deux mathématiciens sur fond de guerre d’Algérie. Son prochain « sujet » ? « Musset, répond-il l’air gourmand. C’est un torturé pour qui tout est vain. Pas un simple romantique, hein. Mais un véritable passionné, un passionné mélancolique. » Camille Lamotte 1. Unité CNRS/EHESS, Paris/École normale supérieure, Paris/École nationale des Ponts et Chaussées, Paris. CONTACT ➔ Antoine Billot Paris Jourdan Sciences économiques Antoine Billot, billot@u-paris2.fr Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 © A.A. Hannah/Opale



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