CNRS Le Journal n°237 octobre 2009
CNRS Le Journal n°237 octobre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°237 de octobre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : Le CNRS fête 70 ans d'avancées scientifiques

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 26 - 27  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
26 27
26 © F. Warmont/CNRS Photothèque > L’ENQUÊTE par exemple, peut contenir jusqu’à dix millions de milliards de nanoparticules qui n’ont pas toutes la même taille, la même réactivité chimique, la même stabilité dans le temps. » Caractériser la distribution de chaque paramètre (taille, forme, persistance dans les tissus…) dans un échantillon demeure un casse-tête, puisque « tout type de nanoparticule présente une toxicité potentielle spécifique dépendant de son cycle de vie, poursuit le même chercheur. Il faudrait cinquante ans, estime-t-on, pour tester, avec les moyens humains et techniques actuels, la toxicité de toutes les nanoparticules déjà commercialisées. » Mais peut-on d’ores et déjà assurer que les nanomatériaux constituent une réelle menace sanitaire ? Rien ne permet de l’affirmer, ni le contraire d’ailleurs. « Les nanomatériaux doivent être considérés comme potentiellement dangereux, ainsi que l’indique le rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail paru en juin 2008 7, résume Éric Gaffet. Des tests de toxicité pratiqués sur des modèles animaux et cellulaires montrent une dangerosité spécifique de certains nanomatériaux et le franchissement de certaines barrières biologiques. Mais il est pour l’instant très difficile d’extrapoler ces résultats à l’homme. » Sait-on se protéger des nanoparticules, lorsque celles-ci se retrouvent sous forme d’aérosols ? L’efficacité des systèmes actuels, celle, notamment, des filtres à fibres disposés dans les systèmes de ventilation ou les masques respiratoires que portent les opérateurs, est globalement satisfaisante. Les filtres les plus performants parviennent à capturer plus de 99,99% des particules de 4 nm. Les particules entre 100 et 500 nm, elles, sont moins faciles à piéger, ce qui Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 dément l’idée très répandue selon laquelle seul « l’effet tamis » 8 conditionne l’efficacité des filtres. Mais les progrès sont là : « En utilisant des filtres à fibres chargées électriquement et en jouant ainsi sur les effets électrostatiques pour modifier la trajectoire des particules et favoriser leur capture, on parvient déjà à neutraliser entre 95% et 99% des grosses nanoparticules », dit Dominique Thomas, du Laboratoire des sciences du génie chimique (LSGC) du CNRS. Dernier point : les scientifiques réfléchissentils assez à l’impact éthique et sociétal de leurs recherches ? Pas vraiment, au goût de la philosophe et historienne des sciences Bernadette Bensaude-Vincent, du comité d’éthique du CNRS (Comets). « Les chercheurs français reconnaissent la nécessité d’évaluer la toxicité éventuelle des nanotechnologies, dit-elle. Mais la plupart d’entre eux éprouvent encore des réticences à parler de la façon dont elles pourraient changer nos comportements sur le long terme. » Et de regretter qu’aucun lieu, « sauf dans quelques laboratoires, ne soit à la disposition des chercheurs pour qu’ils puissent y faire état de leurs questionnements, de leurs états d’âme, de leurs doutes ». Favoriser le dialogue direct entre les scientifiques et le public est une autre nécessité, plaide Jacques Bordé, du Comets. « Cela suppose une formation des chercheurs afin que ceux-ci apprennent à regarder leur recherche, et à en parler, autrement que sous l’unique angle du défi scientifique, mais aussi sous l’angle des enjeux éthiques pour notre monde. Réfléchir sur la finalité des nanotechnologies ne diminue en rien la créativité des équipes. La nanoéthique peut même la stimuler. » La solution absolue contre la pollution automobile, la pile à combustible (PAC) utilisant de l’hydrogène pur, donc ne générant aucun rejet, finira-t-elle par voir le jour en partie grâce aux nanotechnologies ? Les chercheurs ont de quoi se frotter les mains s’agissant, entre autres, de la manière de stocker le gaz qui prétend à la succession des énergies fossiles. Le recours à des matériaux poreux représente sans aucun doute la solution la plus fiable et la plus économique. Cela permettrait d’une part de confiner l’hydrogène, d’autre part de le relarguer facilement pour 1. « Il y a plein de place en bas. » 2 Unité CNRS/Université Paris-XI. 3. Unité CNRS/École polytechnique. 4. Le microscope à effet tunnel utilise une aiguille métallique ultrafine que l’on promène à une distance de quelques atomes seulement de la surface à étudier. Les atomes présents à la surface de l'échantillon sont ainsi repérés, révélés sur l’écran de l'appareil et peuvent être manipulés. Alors que le microscope à force atomique fonctionne selon le même principe, mais sert à explorer les échantillons non conducteurs, en particulier, la matière biologique. 5. Unité CNRS/Université de Poitiers. 6. Groupe de recherche faisant partie de l’Institut de recherche sur les archéomatériaux (CNRS/Université de technologie de Belfort-Montbéliard/Université Bordeaux-III/Université d’Orléans). 7. Le rapport intitulé Nanomatériaux et sécurité au travail est disponible en ligne sur le site de la Documentation française. 8. On parle d’effet tamis, lorsque la taille d’une particule est supérieure à celle des pores l’empêchant ainsi de les traverser. CONTACTS ➔ Bernadette Bensaude-Vincent bensaude@u-paris10.fr ➔ Jacques Bordé, jacques.borde@cnrs-dir.fr ➔ Alain Costes, costes@laas.fr ➔ Éric Gaffet, eric.gaffet@utbm.fr ➔ Pierre Guillon, pierre.guillon@cnrs-dir.fr ➔ Christian Joachim christian.joachim@cemes.fr ➔ Stéphanie Lacour, lacour@ivry.cnrs.fr ➔ Jean-Michel Lourtioz jean-michel.lourtioz@ief.u-psud.fr ➔ Robert Plana, plana@laas.fr ➔ Dominique Thomas dominique.thomas@ensic.inpl-nancy.fr ➔ Claude Weisbuch claude.weisbuch@polytechnique.edu Des nanos pour STOCKER Les nanocornets, des structures en forme de dahlia, promettent d’être de bons candidats pour le stockage de l’hydrogène. qu’il se combine avec l’oxygène de l’air, phénomène indispensable à la production d’électricité alimentant le moteur fonctionnant avec la PAC. Parmi ces matériaux, les nanoformes de carbone (c’est-à-dire toutes les structures de carbone), « du fait de leur faible masse et de leur grande capacité d’adsorption, s’avèrent de très sérieux candidats, dit Marie-Louise Saboungi, directrice du Centre de recherche sur la matière divisée (CRMD) 1. En ce moment, les travaux se concentrent sur les nanocornets de carbone découverts dans les années 1990. Il s’agit de matériaux de deux à trois nanomètres de longueur qui s’agrègent pour former des structures en
© S. Godefroy/CNRS Photothèque Des envoyés spéciaux DANS LE CORPS Un microscope à fluorescence permet de suivre le déplacement de molécules au sein de cellules. L’ÉNERGIE forme de dahlia de 80 à 100 nanomètres de diamètre. Ils présentent des interactions avec l’hydrogène beaucoup plus fortes que les nanotubes de carbone. Ces minuscules cornets piègent donc plus facilement l’hydrogène que leurs cousins ». Et ce n’est pas tout. Alors que les nanotubes de carbone exigent d’être stockés à des températures basses (inférieures à – 200 °C), les nanocornets retiennent la plupart de l’hydrogène adsorbé jusqu’à des températures de l’ordre de 20 °C. Problème : leur coût de fabrication relativement élevé à ce jour… 1. Unité CNRS/Université d’Orléans. ➔ Marie-Louise Saboungi, saboungi@cnrs-orleans.fr De toutes les nanoparticules sorties de la manche des physicochimistes au cours de ces dernières années, les nanocristaux semiconducteurs (ou « boîtes quantiques ») sont les préférées des biologistes. Ces objets se composent de quelques centaines à quelques dizaines de milliers d’atomes arrangés selon un ordre cristallin, et leur taille est généralement comprise entre 2 et 8 nm. Ils peuvent servir de sondes capables d’explorer et visualiser des processus biologiques à l’échelle d’un petit nombre de molécules. Pour l’instant l’exploit n’est possible que dans des cellules en culture mais à terme les chercheurs se prennent à rêver d’une utilisation in vivo. La ruse ? Arrimer ces boîtes quantiques à des molécules biologiques telles que des protéines (enzymes, anticorps) ou des acides nucléiques (ADN, ARN). Puis, les exciter avec de la lumière (un laser, par exemple). Elles deviennent alors fluorescentes, et l’on peut choisir leur longueur d’onde d’émission en jouant sur leur taille (plus les nanoparticules sont petites, plus l’émission est décalée vers le bleu), donc distinguer un processus biologique d’un autre. « Ces nanoparticules agissent en fait comme de minuscules ampoules que l’on peut suivre à la trace au microscope, plusieurs dizaines de minutes d’affilée, explique Maxime Dahan, du Laboratoire Kastler- POUR EN SAVOIR PLUS À LIRE > Les nanotechnologies, de Dominique Vinck, coll. « Idées reçues », éd. Cavalier bleu, 2009 > Nanosciences, La révolution invisible, de Christian Joachim et Laurence Plévert, éd. Du Seuil, 2008 > Nanomonde, Des nanosciences aux nanotechnologies, de Roger Moret, CNRS Éditions, 2006 > Bio-nano-éthiques ? Perspectives critiques sur les bionanotechnologies, de Vanessa Nurock, Raphaël Larrère et Bernadette Bensaude-Vincent, éd. Vuibert, 2008 > Les nanosciences : Tome 3, Nanobiotechnologies et nanobiologie, de Marcel Lahmani, Patrick Boisseau, Philippe Houdy, éd. Belin, 2007 > Les nanosciences : Tome 2, Nanomatériaux et nanochimie de Marcel Lahmani, Catherine Bréchignac et Philippe Houdy, éd. Belin, 2006 EN LIGNE > Nanotechnologies et santé un dossier de la collection Sagascience du CNRS L’ENQUÊTE 27 Brossel (LKB) 1. Elles nous renseignent en temps réel sur le mouvement et la position des acteurs biologiques auxquels elles sont couplées. Ces techniques d’imagerie à l’échelle d’une nanoparticule individuelle, à peine émergentes il y a cinq ans, se sont largement perfectionnées depuis et trouvent des applications de plus en plus nombreuses. Elles nous permettent de « regarder » non plus seulement la membrane, mais aussi ce qui se passe à l’intérieur de la cellule, une région jusqu’ici très difficile d’accès. À terme, en attachant des sondes de différentes couleurs à différentes protéines, il sera possible d’enregistrer simultanément le mouvement de tous ces acteurs, d’étudier leurs interactions in vivo » et de mieux appréhender la complexité des mécanismes intimes des organismes vivants. Rendre l’imagerie biologique ultrasensible, identifier des tumeurs les plus petites, à l’échelle de la centaine de milliers de cellules plutôt que du milliard, aider les chirurgiens à localiser, pendant une intervention, des lésions métastatiques difficiles à identifier : l’avenir de ce type de nanoparticules semble tout tracé. 1 Unité CNRS/École normale supérieure/Université Pierre-et-Marie-Curie. ➔ Maxime Dahan maxime.dahan@lkb.ens.fr www.cnrs.fr/cw/dossiers/dosnano/accueil.htm À VOIR > Nanosciences, Nanotechnologies (2008, 160 min) de Hervé Colombani, Marcel Dalaise, Alain Monclin et François Tisseyre, produit par CNRS Images – http:Ilvideotheque.cnrs.fr/index.p hp ? urlaction=doc&id_doc=1909 Contact : Véronique Goret (Ventes), CNRS Images – Vidéothèque Tél. : 01 45 07 59 69 – videotheque.vente @cnrs-bellevue.fr Le journal du CNRS n°237 octobre 2009



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :