26 © F. Warmont/CNRS Photothèque > L’ENQUÊTE par exemple, peut contenir jusqu’à dix millions de milliards de nanoparticules qui n’ont pas toutes la même taille, la même réactivité chimique, la même stabilité dans le temps. » Caractériser la distribution de chaque paramètre (taille, forme, persistance dans les tissus…) dans un échantillon demeure un casse-tête, puisque « tout type de nanoparticule présente une toxicité potentielle spécifique dépendant de son cycle de vie, poursuit le même chercheur. Il faudrait cinquante ans, estime-t-on, pour tester, avec les moyens humains et techniques actuels, la toxicité de toutes les nanoparticules déjà commercialisées. » Mais peut-on d’ores et déjà assurer que les nanomatériaux constituent une réelle menace sanitaire ? Rien ne permet de l’affirmer, ni le contraire d’ailleurs. « Les nanomatériaux doivent être considérés comme potentiellement dangereux, ainsi que l’indique le rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail paru en juin 2008 7, résume Éric Gaffet. Des tests de toxicité pratiqués sur des modèles animaux et cellulaires montrent une dangerosité spécifique de certains nanomatériaux et le franchissement de certaines barrières biologiques. Mais il est pour l’instant très difficile d’extrapoler ces résultats à l’homme. » Sait-on se protéger des nanoparticules, lorsque celles-ci se retrouvent sous forme d’aérosols ? L’efficacité des systèmes actuels, celle, notamment, des filtres à fibres disposés dans les systèmes de ventilation ou les masques respiratoires que portent les opérateurs, est globalement satisfaisante. Les filtres les plus performants parviennent à capturer plus de 99,99% des particules de 4 nm. Les particules entre 100 et 500 nm, elles, sont moins faciles à piéger, ce qui Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 dément l’idée très répandue selon laquelle seul « l’effet tamis » 8 conditionne l’efficacité des filtres. Mais les progrès sont là : « En utilisant des filtres à fibres chargées électriquement et en jouant ainsi sur les effets électrostatiques pour modifier la trajectoire des particules et favoriser leur capture, on parvient déjà à neutraliser entre 95% et 99% des grosses nanoparticules », dit Dominique Thomas, du Laboratoire des sciences du génie chimique (LSGC) du CNRS. Dernier point : les scientifiques réfléchissentils assez à l’impact éthique et sociétal de leurs recherches ? Pas vraiment, au goût de la philosophe et historienne des sciences Bernadette Bensaude-Vincent, du comité d’éthique du CNRS (Comets). « Les chercheurs français reconnaissent la nécessité d’évaluer la toxicité éventuelle des nanotechnologies, dit-elle. Mais la plupart d’entre eux éprouvent encore des réticences à parler de la façon dont elles pourraient changer nos comportements sur le long terme. » Et de regretter qu’aucun lieu, « sauf dans quelques laboratoires, ne soit à la disposition des chercheurs pour qu’ils puissent y faire état de leurs questionnements, de leurs états d’âme, de leurs doutes ». Favoriser le dialogue direct entre les scientifiques et le public est une autre nécessité, plaide Jacques Bordé, du Comets. « Cela suppose une formation des chercheurs afin que ceux-ci apprennent à regarder leur recherche, et à en parler, autrement que sous l’unique angle du défi scientifique, mais aussi sous l’angle des enjeux éthiques pour notre monde. Réfléchir sur la finalité des nanotechnologies ne diminue en rien la créativité des équipes. La nanoéthique peut même la stimuler. » La solution absolue contre la pollution automobile, la pile à combustible (PAC) utilisant de l’hydrogène pur, donc ne générant aucun rejet, finira-t-elle par voir le jour en partie grâce aux nanotechnologies ? Les chercheurs ont de quoi se frotter les mains s’agissant, entre autres, de la manière de stocker le gaz qui prétend à la succession des énergies fossiles. Le recours à des matériaux poreux représente sans aucun doute la solution la plus fiable et la plus économique. Cela permettrait d’une part de confiner l’hydrogène, d’autre part de le relarguer facilement pour 1. « Il y a plein de place en bas. » 2 Unité CNRS/Université Paris-XI. 3. Unité CNRS/École polytechnique. 4. Le microscope à effet tunnel utilise une aiguille métallique ultrafine que l’on promène à une distance de quelques atomes seulement de la surface à étudier. Les atomes présents à la surface de l'échantillon sont ainsi repérés, révélés sur l’écran de l'appareil et peuvent être manipulés. Alors que le microscope à force atomique fonctionne selon le même principe, mais sert à explorer les échantillons non conducteurs, en particulier, la matière biologique. 5. Unité CNRS/Université de Poitiers. 6. Groupe de recherche faisant partie de l’Institut de recherche sur les archéomatériaux (CNRS/Université de technologie de Belfort-Montbéliard/Université Bordeaux-III/Université d’Orléans). 7. Le rapport intitulé Nanomatériaux et sécurité au travail est disponible en ligne sur le site de la Documentation française. 8. On parle d’effet tamis, lorsque la taille d’une particule est supérieure à celle des pores l’empêchant ainsi de les traverser. CONTACTS ➔ Bernadette Bensaude-Vincent bensaude@u-paris10.fr ➔ Jacques Bordé, jacques.borde@cnrs-dir.fr ➔ Alain Costes, costes@laas.fr ➔ Éric Gaffet, eric.gaffet@utbm.fr ➔ Pierre Guillon, pierre.guillon@cnrs-dir.fr ➔ Christian Joachim christian.joachim@cemes.fr ➔ Stéphanie Lacour, lacour@ivry.cnrs.fr ➔ Jean-Michel Lourtioz jean-michel.lourtioz@ief.u-psud.fr ➔ Robert Plana, plana@laas.fr ➔ Dominique Thomas dominique.thomas@ensic.inpl-nancy.fr ➔ Claude Weisbuch claude.weisbuch@polytechnique.edu Des nanos pour STOCKER Les nanocornets, des structures en forme de dahlia, promettent d’être de bons candidats pour le stockage de l’hydrogène. qu’il se combine avec l’oxygène de l’air, phénomène indispensable à la production d’électricité alimentant le moteur fonctionnant avec la PAC. Parmi ces matériaux, les nanoformes de carbone (c’est-à-dire toutes les structures de carbone), « du fait de leur faible masse et de leur grande capacité d’adsorption, s’avèrent de très sérieux candidats, dit Marie-Louise Saboungi, directrice du Centre de recherche sur la matière divisée (CRMD) 1. En ce moment, les travaux se concentrent sur les nanocornets de carbone découverts dans les années 1990. Il s’agit de matériaux de deux à trois nanomètres de longueur qui s’agrègent pour former des structures en |