24 © J. Cambedouzou et P.Launois/LPS L’ENQUÊTE LE NANOTUBE Impossible de dresser la liste exhaustive de tous les nanomatériaux objets de recherches ou déjà présents dans la vie courante. À tout seigneur, tout honneur : les nanotubes de carbone, découverts en 1991 et devenus des figures emblématiques des nanosciences. Présentant l’aspect de cylindres creux dont la surface est formée par un ou plusieurs feuillets de carbone enroulés sur eux-mêmes, ces nanomatériaux se distinguent, entre autres, par leurs propriétés mécaniques – ils sont cent fois plus résistants que l’acier et six fois plus légers, acceptent de grandes déformations en flexion et en torsion – et leurs qualités exceptionnelles pour la conduction électrique. Les nanotubes de carbone, employés aujourd’hui dans de nombreux objets comme les raquettes de tennis, les cadres de vélos, les carrosseries de Formule 1, « poursuivent hardiment leur bonhomme de chemin Certaines équipes fourmillent d’imagination pour exploiter le pouvoir dépolluant des nanoparticules d’oxydes métalliques (fer, titane, cérium, aluminium…), histoire de traiter les eaux usées ou d’assainir des sols contaminés. « Une surface enduite d’un nanofilm d’oxyde de titane, lorsqu’elle est exposée à la lumière du soleil, rend inactifs les polluants organiques (pesticides) et les micro-organismes potentiellement pathogènes (bactéries, virus) contenus dans l’eau. Cette technique reste toutefois marginale et n’est exploitée que pour le traitement d’effluents hébergeant un nombre limité d’espèces polluantes », explique Jean-Yves Bottero, chercheur au Centre Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 toujours au top Les « peapods », à base de nanotubes de carbone, forment une famille de nouveaux matériaux dont les applications sont aussi prometteuses que variées. (7000 publications et 2500 brevets dans le monde en 2008), dit Pascale Launois, du Laboratoire de physique des solides (LPS) 1 à Orsay. Un point qui nous intéresse, au laboratoire, est l’arrivée assez récente des nanohybrides : il s’agit de nanotubes à l’intérieur desquels on insère des molécules diverses pour essayer de moduler à volonté leurs propriétés mécaniques ou électroniques ». La cavité cylindrique de certains nanotubes, ceux constitués d’une seule paroi, permet d’y synthétiser des chaînes moléculaires qui n’existent nulle part ailleurs. Par exemple, « les pea pods, ainsi appelés à cause de leur ressemblance avec des cosses de petits pois, sont formés de chaînes périodiques de molécules de fullerène C60 2 dans des nanotubes. Or les fullerènes ou d’autres molécules, ainsi confinées à l’échelle nanométrique, possèdent des propriétés physiques inédites. Cela reste prospectif, mais on peut envisager des applications en termes de filtration, de désalinisation de l’eau de mer ou de stockage des déchets radioactifs ». 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-XI. 2. Le fullerène C60 est la forme la plus courante de la molécule ; il contient 60 atomes de carbone organisés en une structure semblable à celle d’un ballon de football. ➔ Pascale Launois, launois@lps.u-psud.fr Les nanos voient L’AVENIR EN VERT européen de recherche et d’enseignement de géosciences de l’environnement (Cerege) 1. Un autre procédé consiste à fabriquer des membranes céramiques à base de nanoparticules d’oxy-hydroxyde de fer (les ferroxanes) pour la nanofiltration d’effluents liquides pollués. Une « chimie verte » porteuse d’espoirs, en particulier pour les pays en voie de développement où l’eau est souvent impropre à la consommation. Même si ces travaux n’ont pas encore franchi le seuil des labos. 1. Unité CNRS/IRD/Université de Provence/Université Paul-Cézanne/Collège de France. ➔ Jean-Yves Bottero, bottero@cerege.fr ➔ Jérôme Rose, rose@cerege.fr © E. Perrin/CNRS Photothèque L’Eldorado Année après année, la finesse des circuits intégrés n’en finit plus de battre des records. La voilà qui affiche désormais en production quelque 45 nm 1, contre 90 nm en 2004, l’objectif visé par l’industrie du silicium étant de descendre à 15, voire 10 nm. L’intérêt ? Plus les éléments de base des circuits – les transistors – sont petits, plus on peut en mettre sur une puce. Et plus on gagne en puissance de calcul. Alors pour pousser les circuits aux confins de la miniaturisation, les équipes « défrichent toutes sortes de pistes, comme l’utilisation de transistors à base de nanotubes de carbone ou de nanofils de silicium, ou encore à base de graphène, un cristal composé d’atomes de carbone » dit Jean-Marie Lourtioz, directeur de l’Institut d’électronique fondamentale. Les experts ès nanosciences tentent aussi de développer des structures à l’échelle atomique ou moléculaire. « Utiliser un et un seul atome ou une et une seule molécule comme brique électronique élémentaire et disposer ainsi d’un mode de traitement de l’information nettement plus rapide est la voie ultime », dit Henri Mariette, responsable d’une équipe CEA-CNRS à l’Institut Néel du CNRS. Pour |