22 © Chagnon/BSIP L’ENQUÊTE Un labo sur une Avec les nanobiotechnologies, les technologies de nanofabrication sont directement exploitées, pour développer des outils utiles à la biologie ou à la médecine, comme ici des biopuces. Cette biopuce permet d’analyser des milliers de séquences d’ADN ou de protéines. © E. Perrin/LAAS/CNRS Photothèque Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 TÊTE D’ÉPINGLE Biocapteurs et biopuces font des sauts de géant et figurent parmi les pistes les plus dynamiques des nanobiotechnologies. Les premiers, encore au stade du prototype, « servent à détecter une « espèce biologique » particulière (ADN, protéines, virus…), par exemple dans un système très complexe comme une goutte de sang, dit Anne-Marie Gué, du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (Laas). Les possibilités ouvertes par les nanotechnologies sont très riches : on peut utiliser, par exemple, des nanofils ou des nanopoutres en silicium sur lesquels on dépose un appât (des brins d’ADN, des anticorps…) pour sélectionner la molécule que l’on veut pêcher ». Lorsque la « cible » se fixe sur une micropoutre ultra-sensible, cette dernière se met à vibrer d’une manière qui va signer la « capture » de la molécule recherchée, le reste du système se chargeant de l’analyser. « À l’Institut d’électronique fondamentale (IEF) 1, nous développons un nano-biocapteur original : chacune des poutres est creusée d’un canal interne pour permettre la circulation du fluide biologique. La poutre elle-même n’est donc pas plongée dans le fluide, intervient Jean-Michel Lourtioz. Grâce à cette astuce, les variations d’amplitude ou de fréquence de vibration sont plus facilement détectées. » Qu’en est-il des biopuces, déjà utilisées dans quelques laboratoires médicaux ? Au lieu d’identifier une seule molécule dans un échantillon biologique, « le but est de réaliser un très grand nombre d’opérations à la fois », dit Anne-Marie Gué. Pour cela, les biopuces sont composées d’un support solide (verre, plastique, silicium) couvert de plots minuscules sur lesquels on dépose des molécules d’ADN, des protéines ou des groupements chimiques qui pourront capturer de manière spécifique l’ADN ou l’ARN complémentaire (puces à ADN), ou des protéines (puces à protéines). « Une puce à ADN permet d’analyser simultanément de quelques dizaines à plusieurs milliers de séquences d’ADN différentes afin de détecter, par exemple, la présence d’un virus ou la signature d’une pathologie ». Contrairement au biocapteur, la lecture du signal, pour le moment, n’est généralement pas intégrée dans la biopuce, mais effectuée par une instrumentation extérieure. « Biopuces et nanobiocapteurs trouvent là un point de convergence très prometteur par la possibilité d’insérer, au niveau de chacun des plots, un biocapteur, commente Anne-Marie Gué. Mais l’ambition des nanobiotechnologies ne s’arrête pas là et pose le défi d’intégrer sur de toutes petites surfaces des procédés d’analyse complets. Biocapteurs et biopuces deviennent alors des « laboratoires sur puce ». » Dans ces laboratoires sur puce pourraient même être intégrés des lasers, faits à partir des nanostructures semiconductrices de la famille du nitrure de gallium (GaN) et de l’oxyde de zinc (ZnO), en vogue au Centre de recherche sur l’hétéroépitaxie et ses applications (CRHEA). « Nous testons la faisabilité d’un nanolaser à base de nanofils de GaN émettant dans l’ultraviolet, dit Jesús Zúñiga Pérez. D’une centaine de nanomètres de largeur, ce laser, intégré à un laboratoire sur puce, servirait à exciter des molécules organiques dans un échantillon biologique » et à analyser la composition desdites molécules. Mais pour parvenir à mettre au point ces laboratoires de poche, il faudra maîtriser les fluides dans des volumes inférieurs au nanolitre ainsi que la manipulation des espèces biologiques jusqu’au niveau de la cellule unique. 1. Unité CNRS/Université Paris-XI. ➔ Anne-Marie Gué anne-marie.gue@laas.fr ➔ Jean-Michel Lourtioz jean-michel.lourtioz@ief.u-psud.fr ➔ Jesús Zúñiga Pérez jesus.zuniga.perez@crhea.cnrs.fr |