CNRS Le Journal n°237 octobre 2009
CNRS Le Journal n°237 octobre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°237 de octobre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : Le CNRS fête 70 ans d'avancées scientifiques

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
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22 © Chagnon/BSIP L’ENQUÊTE Un labo sur une Avec les nanobiotechnologies, les technologies de nanofabrication sont directement exploitées, pour développer des outils utiles à la biologie ou à la médecine, comme ici des biopuces. Cette biopuce permet d’analyser des milliers de séquences d’ADN ou de protéines. © E. Perrin/LAAS/CNRS Photothèque Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 TÊTE D’ÉPINGLE Biocapteurs et biopuces font des sauts de géant et figurent parmi les pistes les plus dynamiques des nanobiotechnologies. Les premiers, encore au stade du prototype, « servent à détecter une « espèce biologique » particulière (ADN, protéines, virus…), par exemple dans un système très complexe comme une goutte de sang, dit Anne-Marie Gué, du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (Laas). Les possibilités ouvertes par les nanotechnologies sont très riches : on peut utiliser, par exemple, des nanofils ou des nanopoutres en silicium sur lesquels on dépose un appât (des brins d’ADN, des anticorps…) pour sélectionner la molécule que l’on veut pêcher ». Lorsque la « cible » se fixe sur une micropoutre ultra-sensible, cette dernière se met à vibrer d’une manière qui va signer la « capture » de la molécule recherchée, le reste du système se chargeant de l’analyser. « À l’Institut d’électronique fondamentale (IEF) 1, nous développons un nano-biocapteur original : chacune des poutres est creusée d’un canal interne pour permettre la circulation du fluide biologique. La poutre elle-même n’est donc pas plongée dans le fluide, intervient Jean-Michel Lourtioz. Grâce à cette astuce, les variations d’amplitude ou de fréquence de vibration sont plus facilement détectées. » Qu’en est-il des biopuces, déjà utilisées dans quelques laboratoires médicaux ? Au lieu d’identifier une seule molécule dans un échantillon biologique, « le but est de réaliser un très grand nombre d’opérations à la fois », dit Anne-Marie Gué. Pour cela, les biopuces sont composées d’un support solide (verre, plastique, silicium) couvert de plots minuscules sur lesquels on dépose des molécules d’ADN, des protéines ou des groupements chimiques qui pourront capturer de manière spécifique l’ADN ou l’ARN complémentaire (puces à ADN), ou des protéines (puces à protéines). « Une puce à ADN permet d’analyser simultanément de quelques dizaines à plusieurs milliers de séquences d’ADN différentes afin de détecter, par exemple, la présence d’un virus ou la signature d’une pathologie ». Contrairement au biocapteur, la lecture du signal, pour le moment, n’est généralement pas intégrée dans la biopuce, mais effectuée par une instrumentation extérieure. « Biopuces et nanobiocapteurs trouvent là un point de convergence très prometteur par la possibilité d’insérer, au niveau de chacun des plots, un biocapteur, commente Anne-Marie Gué. Mais l’ambition des nanobiotechnologies ne s’arrête pas là et pose le défi d’intégrer sur de toutes petites surfaces des procédés d’analyse complets. Biocapteurs et biopuces deviennent alors des « laboratoires sur puce ». » Dans ces laboratoires sur puce pourraient même être intégrés des lasers, faits à partir des nanostructures semiconductrices de la famille du nitrure de gallium (GaN) et de l’oxyde de zinc (ZnO), en vogue au Centre de recherche sur l’hétéroépitaxie et ses applications (CRHEA). « Nous testons la faisabilité d’un nanolaser à base de nanofils de GaN émettant dans l’ultraviolet, dit Jesús Zúñiga Pérez. D’une centaine de nanomètres de largeur, ce laser, intégré à un laboratoire sur puce, servirait à exciter des molécules organiques dans un échantillon biologique » et à analyser la composition desdites molécules. Mais pour parvenir à mettre au point ces laboratoires de poche, il faudra maîtriser les fluides dans des volumes inférieurs au nanolitre ainsi que la manipulation des espèces biologiques jusqu’au niveau de la cellule unique. 1. Unité CNRS/Université Paris-XI. ➔ Anne-Marie Gué anne-marie.gue@laas.fr ➔ Jean-Michel Lourtioz jean-michel.lourtioz@ief.u-psud.fr ➔ Jesús Zúñiga Pérez jesus.zuniga.perez@crhea.cnrs.fr
> Le CNRS est un des grands acteurs de ce plan. Il faut dire qu’avec environ 170 laboratoires et près de 2 000 chercheurs impliqués, les nanos font incontestablement partie des priorités scientifiques depuis plusieurs années. Et la nouvelle organisation – prévue par le Contrat d’objectifs 2009-2013 du CNRS avec l’État – vient d’en apporter une nouvelle preuve. Au centre de celle-ci, figurent en effet trois grands Pôles interdisciplinaires, dont un baptisé… « Origine et maîtrise de la matière, Nanosciences, Nanotechnologies ». L’ÉTHIQUE EN QUESTION Mais tout en nourrissant de grands espoirs, tant ses champs d’application sont vastes, l’infiniment petit suscite en retour des craintes. « Les nanos véhiculent leur lot de peurs, reconnaît Robert Plana, du Laas. Leur avènement intervient dans un contexte global de contestation de la science et de la technologie. S’il convient d’explorer les incertitudes et les risques associés aux nanotechnologies ainsi que les effets sur la société, il importe également de ne pas agiter le chiffon rouge en criant : Alerte ! Alerte ! avec une naïveté scientifique confondante. » En matière de nanophotonique (l’étude du comportement de la lumière à l’échelle du nanomètre), un sujet stimule de façon exemplaire l’imagination des chercheurs : la plasmonique, domaine où la lumière surfe à la surface des métaux grâce aux électrons libres de ces derniers. C’est une petite révolution qu’a été la découverte, en 1998, par Thomas Ebbesen, aujourd’hui directeur de l’Institut de science et d’ingénierie supramoléculaire (Isis) 1 d’un phénomène très inattendu baptisé « transmission optique extraordinaire » ou « tamis à photons ». « Un tamis à photons est un réseau de trous percés dans une surface métallique nanostructurée, régulièrement espacés et présentant un diamètre de 100 ou 200 nm, donc bien inférieur à la longueur d’onde de la lumière visible, dit Henri Benisty, du LCFIO. Or, quand on éclaire cette surface, la quantité de lumière qui en sort est plus importante que celle qui frappe les trous. Même la lumière Parmi les polémiques, explique Claude Weisbuch, « certains affirment que l’on ne voit pas les objets des nanotechnologies et que l’on peut être exposé sans le savoir ». Le plus souvent, en fait, ces objets ne seront pas accessibles sous leur forme nanométrique, mais dans un matériausystème à l’échelle humaine, bien visible, comme par exemple un circuit intégré. Par contre, les nanotechnologies permettront d’accéder à « des moyens qui poseront sans doute des problèmes accrus en matière de protection des libertés individuelles et collectives, en facilitant des techniques déjà présentes : fichage génétique des individus, fichage informatique, surveillance des déplacements… ». Reste une question-clé : la fabrication massive de matériaux nanostructurés par l’humain peutelle faire craindre une invasion de nanoparticules non contrôlées, certaines néfastes pour la santé, dans notre environnement ? Parmi les préoccupations sociétales liées à la flambée des nanotechnologies, « ce problème est certainement le plus médiatisé, constate d’abord Stéphanie Lacour, du Centre d’études sur la coopération juridique internationale (Cécoji) 5. Un lien direct a été Le futur de L’OPTIQUE qui tombe à côté des trous est ainsi canalisée de l’autre côté de l’échantillon. » Des propriétés hors normes que les chercheurs tentent de mettre à profit pour peaufiner la manipulation nanoscopique de la lumière. « On a l’espoir de provoquer des modifications ultra-localisées, bien plus concentrées que celles que permet un laser, en lithographie, en biologie, par exemple dans les compartiments d’une cellule, ou encore pour l’écriture d’informations dans les disques durs », poursuit Henri Benisty. Enfin, la plasmonique pourrait améliorer le rendement des cellules Structure nanophotonique permettant l’aiguillage des informations optiques (ici deux canaux portés par deux longueurs d’onde proche). Ce type de système pourrait intégrer un jour les puces électroniques. L’ENQUÊTE 23 établi, dès le départ, entre les nanotechnologies et les précédents de l’amiante et des biotechnologies, en particulier des OGM » qui ont profondément marqué le public. Or, jusqu’à ces derniers mois, « il n’existait aucun texte juridique spécifique applicable aux nanotechnologies, ni en France ni au niveau européen, indique notre juriste. Les choses sont en train de bouger. En mars et avril 2009, le Parlement européen a adopté deux résolutions sur la présence des nanomatériaux dans les produits cosmétiques et dans les aliments. Et la Loi Grenelle, dont l’article 42 cible les risques liés aux nanoparticules, a été promulguée le 3août dernier. » Surtout, une nouvelle discipline prend son essor : la nanotoxicologie, vouée à qualifier et quantifier la dangerosité des nanomatériaux. « Il existe aujourd’hui près de 2 000 articles sur la toxicité des nanoparticules, contre à peine une cinquantaine il y a cinq ans, se félicite Éric Gaffet, du Groupe de recherche sur les nanomatériaux 6. Mais le manque de toxicologues et d’écotoxicologues travaillant sur le sujet, tant au niveau national qu’international, se fait cruellement ressentir. La difficulté vient de ce qu’un gramme de nanoparticules de TiO 2 [dioxyde de titane], photovoltaïques en captant mieux la lumière pour la transformer efficacement dans des matériaux nanostructurés. S’agissant des télécommunications, l’utilisation des photons continue sur sa lancée pour des liaisons de plus en plus courtes dans les composants. Rien n’empêche d’envisager que des connexions optiques remplacent prochainement les connexions électroniques jusque dans les circuits. « Densifiées comme elles le sont aujourd’hui, ces dernières posent des problèmes de parasitage et de consommation, dit Henri Benisty. Des architectures contrôlées nanométriquement sont à l’étude pour exploiter l’optique à l’intérieur d’une puce et transporter les flux d’information les plus massifs ou les plus gourmands en énergie. » 1. Institut CNRS/Université de Strasbourg. ➔ Henri Benisty, henri.benisty@institutoptique.fr © H. Benisty/LCFIO et T. Stomeo/Univ St Andrews > Le journal du CNRS n°237 octobre 2009



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