CNRS Le Journal n°237 octobre 2009
CNRS Le Journal n°237 octobre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°237 de octobre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : Le CNRS fête 70 ans d'avancées scientifiques

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
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20 > L’ENQUÊTE œuvre dans toutes sortes de produits finaux commercialisables », rappelle Claude Weisbuch, du Laboratoire de Physique de la matière condensée (PMC) 3. Pour créer du nano, il existe deux recettes : il y a d’abord l’approche descendante qui consiste à réduire de manière progressive la taille des objets pour pénétrer in fine dans la zone se situant en dessous de 100 nm. Et l’approche inverse qui consiste à manipuler la matière atome par atome pour construire des nano-objets. Pour les « puristes » comme Christian Joachim, du Centre d’élaboration des matériaux et d’études structurales (Cemes) du CNRS, les nanotechnologies se limitent d’ailleurs à cette dernière voie : « Leur définition est devenue beaucoup trop élastique et 95% de ce qui se dit nano relève de l’abus de langage. » Aux experts de vider cette querelle… Toujours est-il que, s’agissant des constructions atome par atome ou des expériences avec une seule molécule, les prouesses se sont multipliées en cinq ans grâce aux microscopes à effet tunnel (STM) et à force atomique (AFM) 4. « Très récemment, s’enthousiasme Christian Joachim, des chercheurs du centre de recherche d’IBM Research à Zurich sont parvenus à cartographier les liaisons chimiques à l’intérieur même d’une molécule de pentacène. » Un peu comme une radio permet de voir à l’intérieur du corps humain. Les avancées les plus fascinantes concernent toutefois la mécanique. « Nous savons fabriquer des molécules-moteurs, des molécules-engrenages, des molécules-brouettes, etc., dont les dimensions font 1 à 2 nanomètres. Il y a même en ce moment un petit concours sur la planète pour construire la première molécule-voiture équipée de quatre roues et d’un moteur ! Personne ne peut dire à quelles applications pourraient servir ces molécules-machines. Mais ces travaux nous apprennent déjà les règles de conception de machineries ou de circuits dans une seule molécule. » Incubation de nanomédicaments avec des cellules cancéreuses de souris. L’objectif de cette recherche est la découverte d'un nouveau médicament anticancéreux. Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 Déjà, une dizaine de nanomédicaments, concernant notamment le traitement du cancer (Endorem, Caelyx, Doxil…) et de mycoses profondes (Ambisome), sont sur le marché. Ces nanoparticules soixante-dix fois plus petites qu’un globule rouge et biodégradables peuvent délivrer leurs principes actifs à un organe, un tissu ou une cellule malade. Celles de première génération sont reconnues par l’organisme comme des corps étrangers et donc éliminées via le foie. Elles s’avèrent donc très utiles, mais uniquement pour les pathologies hépatiques. La deuxième génération, dite furtive parce que recouverte de polymères hydrophiles et flexibles la rendant invisible au système immunitaire, a pu étendre les indications. Séjournant beaucoup plus longtemps dans la circulation sanguine générale, ces nanovecteurs peuvent traiter d’autres pathologies comme les maladies dégénératives cérébrales. LA FRANCE, PLUS NANOSCIENCES QUE NANOTECHNOLOGIE La place de la France dans la compétition internationale très agressive que se livrent les principaux acteurs du secteur ? Avec quelque 3500 publications sur le thème par an, l’Hexagone décroche une très honorable cinquième place derrière les États-Unis, le Japon, la Chine et l’Allemagne. Du côté de la recherche technologique, l’élève tricolore occupe en revanche un rang bien plus modeste (moins de 2% des brevets mondiaux). Dans ce domaine, « notre pays figure dans la catégorie des tours d’ivoire, dit Alain Costes, du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (Laas) du CNRS. Cela signifie que nous avons des difficultés à transformer les résultats de notre recherche scientifique en innovations techniques porteuses de croissance économique, via DES MÉDICAMENTS de précision L’heure est aux vecteurs de troisième génération. Leur avantage ? « On peut équiper ces nanotransporteurs de « têtes chercheuses » (vitamines, hormones, anticorps, peptides…) qui vont reconnaître de manière sélective les cellules pathologiques cibles », se félicite Patrick Couvreur, directeur du laboratoire « Physicochimie, pharmacotechnie, biopharmacie » 1. Autre avantage de ces missiles hyperminiaturisés : en y intégrant des nanoparticules métalliques, la libération du médicament, au lieu d’intervenir de manière passive, au fil du temps, peut être activée à volonté par des ultrasons ou par chauffage radiofréquence. Une autre application des nanovecteurs semble très prometteuse. Il ne s’agirait plus de délivrer aux cellules des substances médicamenteuses mais des portions d’ADN. « Remplacer entièrement un gène défectueux ou absent reste toujours extrêmement problématique, dit Patrick Couvreur. En revanche, les nanovecteurs pourront acheminer de petits fragments d’acides nucléiques afin d’inhiber l’expression d’un gène cancéreux ou viral. » Les liposomes, des vésicules de quelques dizaines à quelques centaines de nanomètres, constituent d’excellents nanovecteurs de médicaments. © H. Raguet/CNRS Photothèque 1. Laboratoire CNRS/Université Paris-XI. ➔ Patrick Couvreur patrick.couvreur@u-psud.fr © F. Caillaud/CNRS Photothèque/SAGASCIENCE
© Photos : E. Perrin/CNRS Photothèque LES NANOLUMIÈRES brillent de mille feux Nul besoin d’une boule de cristal pour prédire que les diodes électroluminescentes (LED), à base de matériaux semi-conducteurs, essentiellement le nitrure de gallium, s’apprêtent à envahir notre quotidien. C’est déjà fait. Pas un mois ne passe sans que des ingénieurs ne leur trouvent une nouvelle utilité dans les téléviseurs et les télécommandes, les automobiles ou les téléphones portables, pour l’éclairage public ou domestique… « On cherche actuellement à y incorporer des nanocristaux au lieu des couches « classiques » convertissant le bleu en jaune comme dans les tubes fluorescents (les néons) », explique Jean-Yves Duboz, directeur du Centre de recherche sur l’hétéroépitaxie et ses applications (CRHEA) du CNRS. En effet, ces nanocristaux, quand ils sont traversés par des électrons (un courant électrique), émettent des photons (de la lumière). Seulement, les photons émis peuvent, selon leur taille, être source de différentes couleurs. « Pour obtenir un éclairage blanc, on « mélange » astucieusement des photons rouges, bleus et verts, ce qui suppose de coupler trois LED, dit Jean-Yves Duboz. Pour notre part, nous essayons de mettre au point des LED n’utilisant qu’un seul cristal capable d’émettre directement toutes les couleurs. Pour cela, nous y insérons des éléments nanométriques, des espèces de « grumeaux » de taille variée émettant qui du bleu, qui du vert, qui du rouge…, et produisant, à eux tous, de la lumière blanche. C’est la solution idéale sur le papier. Même, si pour le moment, nos LED manquent de puissance. » Les cristaux photoniques pourraient permettre bientôt d’améliorer l’efficacité des LED. Observation à l’aide d’un microscope électronique à balayage de micro-disques de nitrure d’aluminium et de gallium, un semi-conducteur utilisé pour fabriquer des LED. le dépôt de brevets. Or, sans une réaction d’envergure, face à de nouveaux entrants redoutablement performants (Taïwan, Corée du Sud, Singapour, Israël, Russie…), nous serons progressivement distancés du peloton des nations qui ambitionnent de jouer un rôle de premier plan, au niveau mondial, dans l’exploitation économique des nanotechnologies. » D’où le lancement, en mai dernier, du plan Nano-Innov. Doté dès cette année d’un budget de 70 millions d’euros géré par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et déjà garanti pour 2010, ce programme repose sur la création de trois grands centres d’intégration technologiques à Saclay, en région parisienne, Toulouse et Grenoble. « Ces trois pôles complémentaires vont permettre, pour la première fois dans ce domaineclé, d’associer intimement recherche scientifique et développement industriel », insiste Pierre Guillon, directeur de l’Institut des sciences et technologies de l’information et de l’ingénierie (INST2I). L’ENQUÊTE 21 Quid du rendement des systèmes actuels ? Franchement satisfaisant. Les LED blanches commercialisées à ce jour affichent une efficacité lumineuse de 100 lumens 1 par watt (lm/W), contre 60 à 80 lm/W pour les lampes à fluorescence et 16 lm/W pour les ampoules à incandescence. « Des prototypes frisent les 200 lm/W, poursuit Jean-Yves Duboz. Toutefois, les LED sont très efficaces quand elles fonctionnent sous faible courant. Mais aux plus forts courants qu’il faudrait pour assurer l’éclairage public et industriel à coût réduit, leur efficacité chute encore un peu (75 lm/W). » Faire appel aux cristaux photoniques (des espèces de cages à lumière constituées d’un agencement périodique de nanostructures et fonctionnant grosso modo comme les panneaux catadioptriques installés le long des routes) pourrait « améliorer la directionnalité des LED, autrement dit, les empêcher de cracher de la lumière dans toutes les directions », renchérit Henri Benisty, du Laboratoire Charles-Fabry de l’Institut d’optique (LCFIO) 2. © IEEE 2008 Banc de mesure des propriétés électroluminescentes de LED. 1. Le lumen est l’unité de mesure du flux lumineux. 2. Unité CNRS/Université Paris-XI. ➔ Jean-Yves Duboz jean.yves.duboz@crhea.cnrs.fr ➔ Henri Benisty henri.benisty@institutoptique.fr L’objectif n’est pas du tout d’arrêter de faire des nanosciences, mais de « sensibiliser un certain nombre d’équipes académiques de très haut niveau aux aspects applicatifs de leurs travaux », renchérit Alain Costes. À terme, chaque centre d’intégration disposera d’équipements mutualisés couvrant tout le spectre des nanotechnologies, et se trouvera ainsi dans les meilleures conditions pour travailler main dans la main avec l’industrie. > Le journal du CNRS n°237 octobre 2009



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