CNRS Le Journal n°237 octobre 2009
CNRS Le Journal n°237 octobre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°237 de octobre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 2,8 Mo

  • Dans ce numéro : Le CNRS fête 70 ans d'avancées scientifiques

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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16 PAROLED’EXPERT La plus grande enquête menée au sein de la population 2 et dédiée à la dépression en France vient d’être publiée par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Ce trouble est-il très répandu ? Xavier Briffault : Oui, puisque selon notre étude, près de 18% des Français ont présenté, au cours de leur vie, un « épisode dépressif majeur » (EDM), sévère pour 50% d’entre eux. Chaque année, environ 2 millions de Français connaissent un tel épisode. Et il ne s’agit pas d’ « un coup de blues ». La « dépression », telle qu’elle est définie dans notre enquête, se traduit soit par une tristesse et un désespoir profonds, soit par une perte totale d’intérêt et de plaisir. Et au minimum par quatre des symptômes suivants : fatigue extrême, ralentissement psychomoteur, perte ou prise de poids importantes, insomnies récurrentes, pensées morbides, idées suicidaires… Le tout durant au moins deux semaines, tous les jours, toute la journée. Elle entraîne aussi une perturbation des activités habituelles ou bien une souffrance cliniquement significative. Cela dit, il n’y a pas d’épidémie de dépression en France : ces chiffres n’ont guère varié depuis vingt ans, et s’avèrent sensiblement les mêmes dans tous les pays occidentaux. Quelles sont les personnes les plus touchées ? X.B. : Tout le monde, à tout âge, peut être concerné par un épisode dépressif… Mais il est vrai que les femmes sont deux fois plus souvent touchées que les hommes. La dépression est en effet liée à certains facteurs de risques : le fait d’avoir eu des parents en conflit, humiliants, peu aimants, ou encore incestueux, d’avoir été victime d’agression sexuelle ou de violence physique et morale, Le journal du CNRS n°237 octobre 2009 Xavier Briffault, chercheur en sociologie et épidémiologie de la santé mentale au Centre de recherche « Psychotropes, santé mentale, société » (Cesames) 1 La dépression en mal de thérapies d’avoir rencontré des difficultés d’accès aux études, de connaître le chômage ou la précarité professionnelle, la dépendance financière ou d’avoir à charge d’élever un grand nombre d’enfants. Or plus souvent que les hommes, les femmes sont exposées à nombre de ces risques. Elles seront donc 23% à vivre un EDM au cours de leur vie, contre 12% des hommes. Ces Français et Françaises qui souffrent de dépression ont-ils recours aux soins ? X.B. : Assez peu, et souvent pas de la façon la plus adéquate… Ainsi, un tiers de ceux qui ont vécu un épisode dépressif n’ont jamais consulté de professionnel « pour raison de santé mentale ». Ce sont les femmes ainsi que les personnes plus diplômées, de catégories sociales plus élevées, qui y ont davantage recours. Parmi ceux qui consultent, 31% vont uniquement voir un généraliste. Quant aux traitements, ce sont les médicaments (antidépresseurs, somnifères, anxiolytiques…) qui l’emportent (52% des cas) face à la psychothérapie (26%). Or, selon les recommandations internationales, celle-ci devrait être un traitement de base, particulièrement pour les dépressions peu sévères. C’est ainsi davantage le cas dans d’autres pays européens tels que les Pays-Bas, où la psychothérapie est mieux valorisée. Pourquoi cette réticence à aller voir un « psy » ? X.B. : D’abord, parce qu’une large majorité de personnes pensent qu’une thérapie s’avère longue et coûteuse. Et elles ont du mal à savoir qui fait quoi… La moitié des personnes interrogées déclare ne pas connaître « Il n’y a pas d’épidémie de dépression en France. » la différence entre un psychologue et un psychiatre 3. Ensuite, en raison des représentations qu’elles ont sur la dépression : certes, 85% d’enquêtés la considèrent bien comme une maladie. Mais pour un tiers des répondants – qui lui prêtent des causes biologiques – elle se soigne avant tout par antidépresseurs. Seulement un quart des répondants – qui la considèrent plutôt liée à des causes psycho-sociales – privilégieraient la psychothérapie. Enfin, moins d’un quart pensent qu’on peut s’en sortir tout seul. En quoi cette enquête peut-elle faire évoluer la situation ? X.B. : Nous avons, grâce à cette consultation et notamment à son volet sur les représentations de la population sur la dépression, conçu la première campagne française d’information sur le thème 4 en novembre 2007. Un livret grand public met ainsi l’accent sur l’efficacité de la psychothérapie. Par ailleurs, notre travail montre qu’il faut adapter les « soins » à chaque individu, en instaurant des stratégies thérapeutiques médico-psychologiques bien sûr, mais aussi sociales, notamment sur le terrain professionnel. Et tenter, en amont, d’améliorer les conditions de vie, d’éducation, de travail ou de parentalité, pour faire en sorte que la dépression ne se déclenche pas. Car mieux vaut prévenir que (tenter de) guérir… Propos recueillis par Stéphanie Arc 1. Centre CNRS/Inserm/Université Paris-V. 2. Xavier Briffault a codirigé, avec Béatrice Lamboy, de l’Inpes, l’enquête menée de 2005 à 2008 sur 6 500 personnes qui a donné lieu à l’ouvrage intitulé La dépression en France: enquête Anadep 2005, éd. Inpes, coll. Études santé. 3. Le premier possède une formation universitaire spécialisée en psychologie (niveau bac + 5), le second est un médecin spécialisé. 4. www.info-depression.fr. CONTACT ➔ Xavier Briffault Centre de recherche « Psychotropes, santé mentale, société » (Cesames), Paris xavier.briffault@wanadoo.fr
Néolithique 3 des restes osseux. Depuis, elle conjugue en comparant des dents fossiles et des données JEUNESCHERCHEURS 17 Marie Balasse Comment retrouver les conditions de vie d’animaux disparus depuis si longtemps ? À côté des méthodes d’ostéologie classique, il existe un témoin décisif : les dents. « Une Croque l’élevage à pleines dents dent de chèvre, même vieille de 9000 ans, détient des informations précieuses », explique-t-elle. Mâchoires récentes de petits cochons ont modulé le système biologique avec des choix L’émail dentaire garde en effet en mémoire corses voisinant une caisse de dents zootechniques. » En d’autres termes, elle veut la période de croissance de l’animal, depuis de bovins vieilles de 8 000 ans… distinguer, dans le processus d’évolution la saison de sa naissance jusqu’à ses phases Il règne dans le bureau de Marie des animaux domestiques, ce qui relève de lactation ou de transhumance, en passant Balasse un joyeux désordre. Et pas le moindre signe extérieur de richesse. Pourtant, la jeune chercheuse du laboratoire « Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements » 1, à Paris, a gagné l’année dernière une bourse européenne de près de 900 000 euros destinée à financer son projet de l’environnement ou du facteur humain. Comment cette jeune femme de 36 ans est-elle devenue une spécialiste reconnue de l’élevage préhistorique ? Après des études d’archéologie, Marie s’initie à l’archéozoologie et passe un doctorat en sciences de la Terre à l’université Paris-VI où elle apprend par ses stress nutritionnels. Encore faut-il savoir le faire parler. Cette enquête repose notamment sur des analyses isotopiques très fines et un matériel de pointe, que la récente bourse a permis au MNHN d’acquérir. Aujourd’hui, le projet de Marie Balasse et de son équipe, baptisé Sianhe, comporte trois sur cinq ans 2. La voici à la tête d’une équipe volets. D’abord l’étude de la gestion alimentaire de huit personnes avec des crédits à gérer, des « Mes recherches des troupeaux du VII e au III e millénaire avant missions et des salaires à prévoir, des résultats notre ère : les isotopes stables du carbone à publier et des comptes à rendre tous les relèvent des sciences révèlent la nature de la nourriture, terrestre 18 mois. Son projet ? Étudier les techniques ou marine. Parmi les animaux examinés, d’élevage des sociétés préhistoriques. Plus humaines et sociales, les étonnants moutons de l’archipel précisément, elle souhaite « évaluer les des Orcades, au Nord de l’Écosse. Nourris contraintes environnementales et physiologiques mes méthodes des exclusivement d’algues – qu’ils vont parfois de l’élevage en Europe chercher à la nage –, ces moutons présentent et déterminer dans sciences de la Terre. » des adaptations physiologiques qui entravent quelle mesure aujourd’hui leur retour sur des pâtures les éleveurs du les techniques d’analyse isotopique terrestres. Une piste du projet est d’étudier, les deux disciplines. « Mes recherches relèvent des sciences humaines et sociales, mes méthodes des sciences de la Terre », précise-t-elle. Elle entre au CNRS en 2001 et applique ses connaissances techniques aux problèmes archéozoologiques. Elle y excelle, à tel point qu’elle reçoit dès 2005 la médaille de bronze du CNRS. Très vite, elle se spécialise dans l’étude des pratiques d’élevage au Néolithique. Les élevages européens du XXI e siècle résultent de savoir-faire plurimillénaires. Le mouton, la chèvre, le bœuf et le porc ont été domestiqués vers 8 500 av. J.-C. dans les montagnes anatoliennes, dans l’actuelle Turquie. La plupart des populations animales actuelles, l’ancienneté de ces adaptations, peut-être liée à celle de cette pratique. Les chercheurs s’intéresseront en deuxième lieu au contrôle de la reproduction et à la saisonnalité des naissances au Néolithique. Pour cela, ils analyseront cette fois les isotopes stables de l’oxygène dans des restes dentaires de moutons, bovins et cochons issus de différents sites européens. Enfin, ils étudieront, grâce aux isotopes stables de l’azote, la durée de lactation chez les bovins au Néolithique moyen, essentiellement dans le sud de la France et en Roumanie. On le voit, le projet de Marie Balasse recèle une multitude de facettes. Un challenge qu’elle aborde avec sérénité. Françoise Tristani ➔ Retrouvez les « Talents » du CNRS sur www.cnrs.fr/fr/recherche/prix.htm 1. Laboratoire CNRS/Muséum national d’histoire domestiques européennes naturelle. 2. La bourse Starting Independent Investigator Grants, du Néolithique descendent lancée par le Conseil européen de la recherche (ERC), de ces premières lignées. récompense 300 jeunes chercheurs européens sélectionnés parmi plus de 9 000 candidatures. Mais leur diffusion hors 3. Le Néolithique est apparu à des époques différentes de leur niche écologique selon les endroits : il y a environ 9 000 ans naturelle implique parfois au Moyen-Orient, il y a 3 000 ans en Amérique du Nord. des modifications de leur CONTACT comportement alimentaire ➔ Marie Balasse et reproductif. Ce sont Laboratoire « Archéozoologie, archéobotanique : ces modifications que la sociétés, pratiques et environnements », Paris balasse@mnhn.fr scientifique veut décrypter. ©C. Lebedinsky/CNRS Photothèque Le journal du CNRS n°237 octobre 2009



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