CNRS Le Journal n°236 septembre 2009
CNRS Le Journal n°236 septembre 2009
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°236 de septembre 2009

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : CNRS

  • Format : (215 x 280) mm

  • Nombre de pages : 44

  • Taille du fichier PDF : 3,0 Mo

  • Dans ce numéro : Qui sont vraiment les jeunes ?

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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8 © B. Guillaume/CNRS VIEDESLABOS Actualités GÉOCHIMIE Sur les traces d’un charançon disparu Lorsqu’ils ont commencé à étudier le contenu de carottes sédimentaires prélevées à Crozet, un chapelet d’îles subantarctiques, Jean-David Chapelin-Viscardi et Philippe Ponel, de l’Institut méditerranéen d’écologie et de paléoécologie (Imep) 1, à Aix-en-Provence, ne s’attendaient pas à ce qu’un coléoptère inconnu leur révèle une page d’histoire de l’archipel. Soit le témoignage d’un bouleversement écologique survenu à la fin du XVIII e siècle. Première surprise : les deux chercheurs observent, dans des sédiments datés entre 1400 et 1800, des restes par dizaines d’un charançon n’appartenant à aucune espèce connue. Or, comme le précise Philippe Ponel, « lorsque l’on travaille sur des fossiles récents d’insectes, la quasi-totalité des espèces observées dans les sédiments ont des représentants actuels ». En l’occurrence, non seulement l’espèce est nouvelle, mais aussi le genre ! Des chercheurs CNRS ont modélisé le soulèvement (en mètres) de la Patagonie il y a 14, 12, 6 et 3 millions d’années. Le journal du CNRS n°236 septembre 2009 1 cm GÉOLOGIE Le soulèvement de la Patagonie Ces restes d’un charançon découverts à Crozet témoignent du bouleversement écologique survenu sur l’archipel au XVIII e siècle. © F. Guiter/IMEP/CNRS Pour en apprendre davantage, les deux entomologistes expédient les fragments de leur coléoptère, baptisé Pachnobium dreuxi, à Jean-François Voisin, au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris. Ce spécialiste des collections subantarctiques les compare alors avec l’innombrable matériel entomologique ramené de Crozet au cours du XX e siècle et dont une fraction importante n’a pas encore été étudiée de près. C’est la deuxième surprise : il exhume deux spécimens complets qui confirment que l’insecte n’a jusqu’alors jamais été décrit. « C’est extrêmement rare de faire une découverte dans ce sens. D’abord sous forme fossile et ensuite dans des collections entomologiques contemporaines », s’enthousiasme Philippe Ponel. Reste à comprendre comment un charançon dont les restes pullulent dans les sédiments récents a presque totalement disparu aujourd’hui (à deux spécimens près). Pour Philippe Ponel, « il faut probablement y voir la conséquence de l’arrivée de l’homme sur Crozet, à la fin du XVIII e siècle ». Découvert en 1772, l’archipel a en effet rapidement été occupé par des pêcheurs accompagnés d’un cortège d’animaux domestiques. Une hypothèse renforcée par le fait que les sédiments n’ont révélé aucune modification climatique durant cette période. Par ailleurs, Nathalie Van der Putten, au département de géographie de l’université de Gand, en Belgique, qui a extrait les sédiments, a montré que la disparition de Pachnobium dreuxi coïncide non seulement avec des changements considérables dans les populations d’autres espèces d’insectes, mais aussi avec la raréfaction de certaines plantes, comme le chou des Kerguelen. « C’est la parfaite illustration de l’extrême fragilité des écosystèmes insulaires qui, du fait de leur isolement, sont sensibles à la moindre modification », conclut Philippe Ponel. Mathieu Grousson 1. Institut CNRS/Universités Aix-Marseille- I et III/Université d’Avignon/IRD. CONTACT ➔ Philippe Ponel Institut méditerranéen d’écologie et de paléoécologie (Imep), Aix-en-Provence philippe.ponel@univ-cezanne.fr La question taraudait les géologues depuis cent cinquante ans : pourquoi la Patagonie, cette région qui s’étend au Sud de l’Argentine et du Chili, se soulève-t-elle ? Darwin, le père de la théorie de l’évolution des espèces, également géologue, avait constaté ce mouvement étonnant après avoir trouvé d’anciennes plages de l’océan Atlantique perchées sur le relief argentin. Jusque-là, personne n’avait donné une explication pertinente à ce phénomène qui a débuté il y a plus de 10 millions d’années, et qui se poursuit encore à l’heure actuelle. Or des chercheurs du CNRS menés par le Toulousain Joseph Martinod, du laboratoire des mécanismes et transferts en géologie (LMTG) 1, viennent enfin de résoudre le mystère 2 : ils ont montré que le soulèvement est lié à la rencontre de trois plaques tectoniques au large du Chili : la plaque Nazca, qui couvre une partie de l’océan Pacifique, la plaque Antarctique, au pôle Sud, et la plaque continentale sud-américaine. Les deux premières glissent sous l’Amérique du Sud, tout en s’écartant l’une de l’autre. Leur frontière, que les spécialistes appellent « dorsale du Chili », plonge donc elle aussi sous le continent sud-américain. « Lorsque cette dorsale plonge sous l’Amérique du Sud, elle ouvre un passage dans le manteau, la couche intermédiaire entre le noyau planétaire et la croûte. Ce passage modifie les courants profonds de matière et entraîne des déplacements verticaux de la surface », explique Joseph Martinod. Le chercheur s’intéresse au soulèvement de la Patagonie depuis son premier voyage au Chili en 2002.
PHYSIQUE De la glace salée pour pimenter l’Univers Les spécialistes se le tenaient pour dit : lorsque l’on refroidit ou que l’on comprime de l’eau salée, elle forme un cristal dont toutes les impuretés sont évacuées. Autrement dit, la glace salée ne peut exister. Pour s’en convaincre, il suffit de congeler de l’eau salée : au centre du glaçon se trouve un petit volume opaque qui contient les sels rejetés. Cette certitude, les chercheurs de l’Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés (IMPMC) 1, à Paris, de l’Institut Paul Scherrer, en Suisse, et de l’Institut Laue-Langevin (ILL) 2, à Grenoble, viennent de la faire voler en éclats. Ils sont en effet parvenus à synthétiser un cristal de glace contenant une importante concentration de sels. Une découverte qui pourrait avoir des implications importantes en planétologie. Plus précisément, la glace dont il s’agit là n’est pas celle que l’on trouve dans un réfrigérateur. Mais une phase solide de l’eau obtenue sous des pressions supérieures à enfin élucidé Il avait émis l’hypothèse de l’implication de la dorsale du Chili en se rappelant que celle-ci plonge sous l’Amérique du Sud depuis un peu plus de 10 millions d’années, comme on le sait depuis maintenant quarante ans. Afin de valider cette théorie, Benjamin Guillaume – qui a réalisé sa thèse sur le sujet – et Joseph Martinod, ainsi que leurs collègues, ont utilisé un modèle permettant de calculer l’amplitude du soulèvement théorique à partir des flux de matière dans le manteau, mouvements dits de convection. Résultat : ce modèle a prédit un soulèvement théorique de la Patagonie de plus de 1000 mètres sur 10 millions d’années. Puis les géologues ont estimé, en étudiant des cartes topographiques prises par satellite, le soulèvement réel, « afin de voir si cela collait avec les données du 20 000 bars, appelée « glace VII ». Comme le précise Stefan Klotz, à l’IMPMC, « sous haute pression, l’eau présente une quinzaine de phases cristallines différentes qui se distinguent par la manière dont les molécules d’eau s’organisent les unes par rapport aux autres ». Pour parvenir à intégrer des sels (sous forme d’ions) dans cet édifice, les scientifiques ont imaginé l’expérience suivante. Ils ont d’abord refroidi rapidement à – 200 °C de l’eau chargée en chlorure de lithium. Dans ces conditions, les molécules n’ont pas le temps de former un cristal et restent comme figées dans les positions qu’elles occupaient en phase liquide. Ce solide désordonné a ensuite été comprimé jusqu’à 40 000 bars avant d’être réchauffé lentement. « Les molécules sont alors libres de bouger, mais très peu. Si bien que le cristal qui en résulte incorpore les ions lithium et chlorure au sein de cavités de sa structure microscopique », explique le physicien. Qui poursuit : « Nous imaginons qu’une très modèle ». Bonne surprise, ils ont trouvé des valeurs de soulèvement similaires ! Preuve que leur hypothèse était la bonne. « Notre étude permet, de manière générale, de mieux comprendre l’histoire géologique et l’évolution de la topographie de la cordillère des Andes, cette chaîne de montagnes qui longe la côte occidentale de l’Amérique du Sud et dont l’origine n’est pas encore finement comprise », termine Joseph Martinod. Kheira Bettayeb 1. Laboratoire CNRS/Université Toulouse-III/IRD. 2. Tectonics, 10 avril 2009. CONTACT ➔ Joseph Martinod Laboratoire des mécanismes et transferts en géologie (LMTG), Toulouse martinod@lmtg.obs-mip.fr grande variété de glaces salées puisse exister. En particulier incorporant du chlorure de sodium (le sel de cuisine), très abondant dans l’Univers. » Ainsi, des observations récentes ont montré que plusieurs corps du système solaire, tels les satellites Ganymède ou Titan, contiennent de la glace sous pression, ainsi que des sels. Si à la diversité des glaces pures connues, il faut désormais ajouter toute une liste de glaces salées encore à découvrir, le travail des planétologues qui cherchent à décrire la structure et les propriétés physico-chimiques de ces objets célestes risque bien de gagner en complexité. Mathieu Grousson 1. Institut CNRS/Universités Paris-VI et VII/IPG Paris/IRD. 2. Organisme de recherche international géré par trois pays principaux dont la France, représentée par le CNRS et le CEA. En comprimant de l’eau à plus de 20 000 bars, des physiciens sont parvenus à synthétiser de la glace salée. Une première jugée jusqu’alors impossible. VIEDESLABOS 9 CONTACT ➔ Stefan Klotz Institut de minéralogie et de physique des milieux condensés (IMPMC), Paris stefan.klotz@impmc.jussieu.fr LE CHIFFRE 22% C’est le pourcentage de volume perdu, depuis 40 ans, par la calotte Cook, l’un des plus gros glaciers français situé sur les îles Kerguelen, dans l’océan Indien austral. En combinant des données historiques et satellitaires, les glaciologues du Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiale (Legos) 1, à Toulouse, ont établi que le glacier avait perdu en moyenne 1,5 mètre par an. Il a aussi perdu en superficie: il couvrait 500 km 2 en 1967, 448 km 2 en 1991, et seulement 403 km 2 en 2003. Une partie de ce déclin semble liée à la réponse tardive du glacier au réchauffement naturel qui a suivi le petit âge de glace, une période très froide qui a pris fin entre 1850 et 1900. Mais l’accélération observée depuis 1991 trouve sans doute son origine dans le réchauffement lié aux activités humaines. 1. CNRS/Université Toulouse-III/CNES/IRD. > ww2.cnrs.fr/presse/communique/1643.htm Le journal du CNRS n°236 septembre 2009 © S. Klotz



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